Vincent Jeanbrun : « Pire encore que l’État absent, il y a l’État bloquant »
Maire d’une ville en périphérie de Paris qui n’a pas été épargnée par la violence, Vincent Jeanbrun veut pouvoir bâtir une France du sursaut.
L’Haÿ-les-Roses gagne vingt points dans notre classement, de la 399e à la 379e place, et ce malgré les émeutes qui l’ont frappée. Comment peut-on expliquer ce succès ?
C’est le résultat d’une politique menée sur trois axes forts qui étaient au cœur de mes engagements de campagne : sécurité, rénovation, service public. Sur le premier axe, j’ai renforcé en quelques années la police municipale en l’équipant, en la formant, en lui permettant de réaliser pas moins de dix-huit missions de maintien de l’ordre. La sécurité est la première des libertés. Sur le deuxième axe, j’assume de faire partie des maires bâtisseurs, qui osent lancer des projets de rénovation ambitieux pour penser de véritables morceaux de ville à vivre, qui ne soient pas seulement des cités-dortoirs. Avec le souci de bâtir, au cœur des espaces de vie, des établissements publics dignes de ce nom.
Cela rejoint votre troisième axe, le service public. Pourtant, vous assumez de gérer votre ville comme une entreprise. Qu’entendez-vous par là ?
Une entreprise oui, mais une entreprise publique, dans laquelle les habitants sont à la fois les clients et les actionnaires. Un maire ne doit jamais oublier que l’argent public vient de la poche de ses concitoyens : nous leur devons l’efficacité et le meilleur pour leur cadre de vie. On ne peut pas faire de l’idéologie avec l’argent public. Je suis moi-même un enfant des quartiers populaires, les « Tours marrons » de l’Haÿ-les-Roses. Aujourd’hui, mon objectif est de permettre pour tous l’émancipation que la République m’a offerte. Faire vivre concrètement notre promesse républicaine pour que chaque habitant éprouve la fierté de vivre dans notre ville.
Vous avez été personnellement visé par les émeutes, ainsi que votre famille. Quelle politique préconisez-vous face à cette « France du chaos » que vous décrivez dans votre ouvrage Les Deux France (Albin Michel) ?
Ma femme est sortie de l’hôpital et elle garde, tout comme mes enfants, des séquelles psychologiques. Contrairement à ce qui a été dit, cette ultraviolence n’était pas de simples émeutes mais une véritable insurrection. J’ai été témoin de la volonté des casseurs de s’en prendre spécialement aux bâtiments arborant le drapeau tricolore : la bibliothèque de la ville, la mairie, le commissariat… Le mobile était clair : il s’agissait de s’en prendre aux symboles de l’État. Face à cette France du chaos, j’appelle à bâtir la France du sursaut.
Cela ressemble à un slogan. Qu’est-ce que cela recouvre ?
Des actions très concrètes ! La France du sursaut, ce sont les policiers qui ne baissent pas les bras et défendent l’ordre républicain face aux caïds et aux séparatistes islamistes. Ce sont les enseignants qui accomplissent leur mission dans les quartiers difficiles. Ce sont les agents municipaux qui assurent le service public. Mais ce sont aussi tous les citoyens qui s’engagent. Au niveau de la commune, nous avons mis en place le dispositif « Nous L’Haÿssiens, citoyens engagés, vigilants et solidaires », qui permet à des centaines de volontaires de donner un peu de leur temps lors de chantiers citoyens. Tout le monde peut, à son échelle, participer de cette France du sursaut que j’appelle de mes vœux.
Vous regrettez dans votre ouvrage la « démission de l’État ». Comment se traduit-elle sur le terrain ?
Par un manque criant de moyens à tous les niveaux. De manière générale, nous demandons plus de policiers, de médecins et de personnel. Mais au-delà des moyens humains, l’autorité de l’État n’est malheureusement plus respectée : la puissance publique, censée décider en dernière instance, n’est plus capable de trancher les situations épineuses. L’État est devenu une hydre dont chacune des têtes envoie des injonctions contradictoires. Sur l’urbanisme par exemple, il nous demande à la fois de construire plus (pour les logements sociaux) et moins (pour l’environnement). Ou plus haut (pour éviter la densité au sol) et plus bas (pour respecter les normes de hauteur). Comment fait-on ? Pire encore que l’État absent, il y a l’État bloquant.
Face à cet État absent et bloquant, vous en appelez à un « Notre-Dame » des quartiers. En quoi ce plan consiste-t-il ?
Avec Notre-Dame, la France a montré qu’elle pouvait éteindre l’incendie et rebâtir en un temps record, en mettant les moyens et, surtout, en faisant confiance au terrain. Je veux la même chose pour les quartiers. Il faut cesser d’ignorer les six millions de Français qui vivent dans les quartiers, des gens honnêtes pour l’écrasante majorité d’entre eux : la République n’a pas le droit de les abandonner. Il est temps de prendre des mesures d’urgence, comme par exemple la fin du logement social à vie, qui assigne de fait certains habitants à la relégation et participe du phénomène de ghettoïsation. De manière générale, il faut laisser agir les acteurs du terrain. Nous avons besoin de liberté, pas d’un énième plan banlieue. Plutôt que de doubler le budget, je préférerais diviser par deux le nombre de normes. Qui peut résoudre le pire peut résoudre le plus simple.
Si nous parvenons à ramener la République dans les quartiers, j’ai la conviction que nous ramènerons la République dans l’ensemble du territoire national.
>> Lire l’interview sur LeJDD.fr
L’article Vincent Jeanbrun : « Pire encore que l’État absent, il y a l’État bloquant » est apparu en premier sur les Républicains.