Vincent Jeanbrun : « La République ne va pas de soi. Il faut la défendre »
Le porte-parole des Républicains et maire de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), Vincent Jeanbrun, lance un grand appel à la République pour les quartiers. L’élu, dont la maison a été attaquée au cours des émeutes, aspire à une mobilisation citoyenne et des solutions politiques concrètes pour sortir les banlieues de leur ornière.
Le 2 juillet, en pleine vague de violences urbaines, votre domicile a été attaqué par des émeutiers. Comment vous portez-vous depuis ce drame, et avez-vous songé à arrêter la politique ?
Ma famille a affronté le plus dur. Maintenant, elle doit se reconstruire. Chaque jour, je me lève en me disant que j’ai eu énormément de chance. Je m’accroche à tout ce qu’il y a de positif. Mes enfants sont en vie. Avec ma femme, nous allons continuer de nous battre pour notre famille. Je refuse que les criminels nous brisent. Ils ne gagneront pas.
À L’Haÿ-les-Roses, avez-vous payé les conséquences de votre combat contre le trafic de drogue ?
L’affirmer, je ne le peux pas. Mais tout l’indique. Sur la halle de marché, il y avait ce tag : « On a vos adresses, on va vous cramer vivant. » Sur le coup, j’ai pensé qu’ils s’adressaient aux policiers. Clairement, non. Ils nous ont prévenus. Il y a des gens qui s’attaquent à l’ordre républicain que je veux instaurer dans les quartiers pour protéger nos habitants, qui sont les premières victimes de ces violences urbaines.
Quelle leçon principale tirez-vous de ces émeutes urbaines ?
Personne n’était préparé à une telle insurrection. J’emploie sans excès le mot « insurrection ». Des individus qui sont français et qui prennent les armes pour se retourner contre les institutions de leur pays, c’est un aveu d’échec collectif. L’échec de l’intégration à la République. L’échec, pour ne pas dire la disparition, de l’autorité et de l’ordre. L’échec de la transmission à nos enfants d’un message d’espoir et de réussite. L’échec de l’État, qui recule chaque jour de plus en plus dans nos quartiers et laisse une plaie béante dans laquelle se sont engouffrés les émeutiers.
Les émeutiers étaient-ils originaires de votre commune ?
Malheureusement oui. Ce sont des enfants de L’Haÿ qui ont attaqué leur propre ville. Les assaillants de ma maison sont des personnes habituées à commettre des exactions et à être hors-la-loi. Et puis, il y a les émeutiers qui pour la plupart sont des enfants de la ville. Dès les premières nuits, ils sortent vraiment des quartiers. J’ai pu le constater sur nos caméras de vidéosurveillance. Ce sont des jeunes qui viennent de notre sol, qui ont grandi à l’école de la République et qui se sont retournés contre la République.
Il y a donc deux France qui se sont fait face au moment des émeutes ?
C’est ce que je ressens. Il y a ceux qui veulent défendre la République et ceux qui veulent la détruire. Il y a ceux qui ont vécu les émeutes et réalisent la gravité de ce qu’il vient de se passer. Et puis ceux qui n’avaient pas d’émeutes dans leur ville et ont continué de vivre normalement. Certains vont condamner ces violences quand d’autres, souvent ceux qui n’ont pas vécu ces émeutes, continuent de défendre pour ne pas dire comprendre les émeutiers. Je regrette qu’il n’y ait pas eu de prise de conscience collective. On a entendu beaucoup de mots. Moi, j’attends des actes.
Comment, donc, sortir de ce « pas de vague » que vous dénoncez souvent ?
Le défi est grand : c’est celui de ramener la République dans ces quartiers. Cela veut dire garantir la sécurité et la tranquillité publique. Cela veut dire faire revenir l’école, les services publics, les figures d’autorité : maires, professeurs, médecins. En laissant se propager la doctrine du « pas de vague » qui relègue, démoralise et met en danger nos professeurs, policiers, médecins et toutes nos figures d’autorité, notre République abandonne ceux qui sont chargés de la défendre et de la protéger. C’est criminel et j’ose le dire: ça tue.
La droite a-t-elle échoué au sujet des banlieues ?
Pendant des années, on a laissé ces thèmes à la gauche et à d’autres formations politiques. La droite se demandait si c’était vraiment essentiel. Aujourd’hui, ça l’est et plus personne ne peut le nier. Si nous sommes en mesure de démontrer aux Français qu’on va réparer les quartiers les plus abîmés de France que sont nos quartiers populaires, alors on pourra réparer tout notre pays. Si on peut réparer la République partout où elle est le plus abîmée, alors on pourra la réparer partout. C’est ma conviction profonde et le sens de mon combat politique.
Votre discours semble s’être droitisé depuis les émeutes. Pourtant, pendant la dernière présidentielle et même récemment au débat organisé parle média Livre noir, vous avez pris position contre les déclarations d’Éric Zemmour sur la sécurité dans les quartiers. Comment expliquez-vous ce changement ?
Cela n’a rien à voir. Éric Zemmour trie les personnes selon leur origine, leur religion ou leur couleur de peau. Je ne suis pas de ceux-là. Ceux qui font ça sont des « wokistes ». Parfois, en entendant Éric Zemmour, j’ai l’impression qu’il en est un. Un wokiste blanc certes, mais un wokiste quand même. Depuis que je suis maire, j’ai toujours combattu les criminels. Ceux qui vont m’expliquer que je ne suis pas extrêmement ferme dans ma politique régalienne se trompent. Qu’ils viennent dans ma ville.
Seulement, je pense que l’on ne marche bien que sur ses deux jambes. L’ordre, l’autorité, la sécurité sans concession, mais il faut aussi la mixité, l’espoir, la réussite. En somme, la promesse républicaine. L’un sans l’autre, ça n’a pas de sens. Après ce qui m’est arrivé, j’ai une conviction : arrêtons les chamailleries de partis. Mon sujet est de faire de la pédagogie et des propositions sur la situation des quartiers.
Comment votre discours est-il accueilli au sein de votre famille politique ? Certains vous annoncent même comme tête de liste LR aux prochaines européennes…
Ce n’est pas ma priorité. Je ne demande rien, je ne suis candidat à rien si ce n’est d’être utile à mon pays. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de prendre ma part, rien que ma part, afin de mobiliser tous les Français qui aspirent à vivre en paix.
Le gouvernement a-t-il pleinement pris conscience de la situation dans les banlieues ?
Je ne suis pas dans une logique de critique mais dans une attente très importante. Dans les colonnes du Point, le chef de l’État a eu une forme d’autosatisfecit en louant la bonne gestion des émeutes. J’espère que tout ça n’aura pas servi à rien. Il faut replanter le drapeau de la République dans l’esprit de nos jeunes et de nos concitoyens dans les quartiers. La République ne va pas de soi. Il faut la défendre.
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