Valérie Pécresse : « Même quand Macron essaie de me plagier, il recule ! »
La candidate Les Républicains à la présidentielle a échangé avec six de nos lecteurs. Devant eux, elle a défendu son programme et assuré que « rien n’était joué » dans cette élection.
Un entretien avec les lecteurs du Parisien-Aujourd’hui en France un peu particulier. Encore atteinte du Covid ce lundi 28 mars au matin (le soir, elle était testée négative et a repris ses déplacements dès mardi), Valérie Pécresse a dû présenter sa vision de la France à nos lecteurs en visioconférence depuis le bureau de son QG dans le XVIIe arrondissement de Paris. Derrière l’écran, la candidate LR ne présente plus de symptôme et sa voix n’est plus éraillée.
Souriante, elle a à cœur de montrer sa détermination alors qu’elle stagne toujours dans les sondages, relayée entre la quatrième et la cinquième position. Cette semaine, elle devrait reprendre le fil normal de sa campagne avec un déplacement ce mercredi dans le Doubs pour répondre au syndicat agricole FNSEA et un autre vendredi dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var. Ce dimanche, elle tiendra un important meeting à la Porte de Versailles, tout juste une semaine avant le premier tour.
Nassera. Vous souhaitez créer 25 000 postes de soignants en cinq ans. Ceux qui ont été suspendus lors de l’adoption du passe sanitaire seront-ils réintégrés en priorité ?
Évidemment, il va falloir faire revenir tout le monde à l’hôpital parce que nous avons perdu beaucoup de soignants avec la crise Covid. Il y a eu ceux qui n’avaient pas de passe et puis ceux qui étaient épuisés par toute la charge de travail. Aujourd’hui, le sujet de l’hôpital, ce n’est pas qu’une question financière. Si l’on veut recruter 25 000 nouveaux soignants, il faudra que le métier soit plus attractif, avec des conditions de travail et de vie meilleures.
Nassera. Comptez-vous abroger le passe sanitaire ?
Dès que la crise sera derrière nous, on abrogera le passe sanitaire. Mais je m’appuierai sur les autorités de santé pour prendre cette décision.
Lazare. Que dites-vous aux Français qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et qui demandent l’augmentation des salaires ?
Je propose une augmentation des salaires de 10 % sur le quinquennat. Dès juin prochain, avec 3 % de hausse pour tous. Pour cela, j’enlève 30 % de cotisations retraite sur le salaire brut. Je veux que le salaire paie plus que l’assistance. Concernant les prix de l’essence, je veux que l’État rende l’intégralité des hausses de taxes qu’il a touchées. On me dit que c’est 25 centimes donc je ne comprends pas pourquoi on rend 18 centimes aux Français… Je souhaite aussi que les RTT qui n’ont pas pu être prises pendant la crise Covid puissent être transformées en salaire, sans charge et sans limite.
Nassera. Vous dites vouloir contraindre les bénéficiaires du RSA à 15 heures de travail hebdomadaire. Être allocataire du RSA n’est pas un choix. Pourquoi culpabiliser les plus fragiles ?
Il ne s’agit pas de les culpabiliser mais de les aider à trouver un chemin de réinsertion. Dans RSA, il y a « solidarité active » donc il faut aider les bénéficiaires à reprendre petit à petit le chemin de l’emploi. Les départements, qui versent le RSA, jugeront quel type d’activité ces bénéficiaires peuvent faire.
Nassera. Mais tout travail mérite salaire… sinon cela ressemble à du bénévolat. Ne peut-on pas imaginer gagner un vrai salaire avec ces 15 heures, en plus du RSA ?
Les bénéficiaires ne feront pas un travail à proprement parler. Il s’agira plutôt d’activités d’insertion proposées à des personnes très loin de l’emploi. Par ailleurs, le RSA, à 575€ alors que le Smic net est à 1269 € pour 35 heures. Donc 575€ pour 15 heures, cela me semble légitime.
Bernard. Vous voulez supprimer des postes de fonctionnaires. Concrètement, par où commencer ?
Je veux débureaucratiser, enlever des procédures et des normes. Il faut que les procédures administratives soient divisées par deux. Je propose de ne pas remplacer un poste de fonctionnaires qui part à la retraite sur trois dans l’administration « administrante ». Cela fait 200 000 postes supprimés pendant le quinquennat. Et je recrée avec cet argent 50 000 postes au plus près des Français : 25 000 dans l’hôpital, 15 000 dans la justice et 10 000 dans l’éducation.
Marine. Quelles actions comptez-vous mettre en place pour obliger l’égalité salariale dans toutes les entreprises ?
Elle est en théorie obligatoire. Mais je veux aller plus loin : que dans les grandes entreprises dès 250 salariés, on puisse demander les salaires moyens à poste équivalent. Cela permettrait que les femmes arrêtent de s’auto-censurer quand elles demandent des augmentations.
Marine. Comment vous comptez rendre attractif le métier d’enseignants ?
Il faut revaloriser les débuts de carrière car les salaires n’y sont pas suffisants. Et il va falloir mettre en place des primes pour valoriser l’action de ceux qui font plus : par exemple de l’éducation artistique pour ceux qui travaillent dans les quartiers les plus difficiles aussi. Je veux un service public du soutien scolaire avec une réserve nationale éducative où l’État rémunère des volontaires, retraités, actifs, étudiants pour faire du soutien scolaire gratuit. Car la pire inégalité pour les enfants aujourd’hui, c’est entre ceux dont les parents ont les moyens de payer des cours pour leurs enfants et celle qui ne le peuvent pas.
Marine. Concernant l’écologie, on a l’impression que vous ne parlez que de tomates bios et de bus électriques : est-ce à la hauteur des enjeux ?
Il y a bien plus dans mon programme ! Nous devons être zéro carbone en 2050 ! Si je suis élue, on fera un Élysée de l’Environnement, comme sous Sarkozy, il y avait eu un Grenelle. On va se donner des objectifs concrets de baisse des émissions de carbone sur le quinquennat. Pour cela il faut une nouvelle politique énergétique avec un réinvestissement massif dans le nucléaire et du renouvelable. Le contraire de ce qu’a fait Emmanuel Macron. Je veux aussi lutter contre la sixième extinction des espèces. J’ai notamment un plan « sauvons nos oiseaux » pour augmenter de 10 % nos oiseaux. Je souhaite aussi lutter contre l’abandon des animaux, contre le trafic des espèces sauvages. Je veux travailler à une France amie des animaux en donnant un label aux villes vertueuses en la matière.
Nassera. Vous proposez d’interdire le port du voile forcé. Qui sera chargé de déterminer s’il est consenti ou non ?
Je suis une femme de liberté. Nassera, vous portez le voile, vous êtes une adulte libre, c’est votre choix. En revanche, je sais qu’il y a un certain nombre de quartiers, de couples où la femme se retrouve obligée de le porter. Je veux lutter contre l’emprise. Ce sont les femmes qui porteront plainte.
Sylvain. Avec le recul, regrettez-vous d’avoir été contre le mariage pour tous ?
J’étais favorable à l’union civile. Mais je suis une républicaine : dès que le mariage a été voté, j’ai dit que l’on n’y reviendrait pas.
Bernard. L’insécurité ne cesse d’augmenter et les condamnations sont peu exécutées : qu’allez-vous faire ?
Il faut donner les moyens à nos polices et à notre justice de travailler. Je veux des polices municipales obligatoires dans les villes. Cette police municipale aura beaucoup plus de pouvoirs (contrôler les identités, infliger des amendes). Ce qui permettra d’aider les policiers nationaux. On doit faire un plan d’urgence pour la justice pour qu’elle juge plus vite, avec des peines plancher pour les multirécidivistes violents. Quand on agresse une personne dépositaire de l’autorité (élu, force de l’ordre, professeur, pompier…), je veux une condamnation minimum d’un an de prison ferme. Je ne veux plus de classement sans suite. Il faut l’impunité zéro, que la peur change de camp.
Raphaël. Diriez-vous, comme Joe Biden, que Vladimir Poutine doit partir ?
Je ne fais pas du départ de Poutine un préalable. Ce que je souhaite, c’est la fin de la guerre. Je privilégie toutes les médiations possibles. Je mettrai toute la puissance de l’Union européenne au service d’une médiation diplomatique. Ce qui m’a frappé avec Emmanuel Macron, c’est qu’il a eu une diplomatie tardive et solitaire. Peut-être aurait-on pu prévenir la guerre si on avait vu avant les signes de l’agressivité de Vladimir Poutine, les Américains, eux l’ont vu.
Sylvain. Quelles sont désormais les issues diplomatiques possibles ?
On n’a pas gardé de liens assez forts entre 2019 et 2021 entre l’Europe et Vladimir Poutine. Le durcissement des sanctions est important. Il faut absolument que l’on sécurise notre approvisionnement en gaz et en pétrole pour ne plus dépendre de la Russie. De ce point de vue, la décision de Macron de fermer Fessenheim nous a mis en position de faiblesse.
Lazare. J’ai entendu dire que vous étiez réserviste dans l’armée. C’est vrai ?
Oui, je suis colonel de l’armée de l’air dans la réserve citoyenne. Mais je ne suis pas opérationnelle : je ne sais pas piloter un avion !
Lazare. Comment recréer un lien entre l’armée et la jeunesse ?
Je vous ai parlé de la réserve éducative, j’aimerais aussi avoir beaucoup plus de contrats : près de 10 000, pour que les jeunes puissent devenir réservistes opérationnels afin de pouvoir être mobilisables pour aider nos armées dans leurs missions. Je souhaite que l’on puisse développer cet esprit de défense à l’école et qu’on puisse faire venir nos militaires pour présenter leurs missions.
Raphaël. On annonce un record d’abstention. Selon vous, est-ce le reflet d’une défiance des Français pour les politiques ?
D’abord, il n’y a pas eu de campagne. Je voulais qu’on parle du bilan d’Emmanuel Macron : la montée des violences, la question des flux migratoires incontrôlée… Ensuite, il y a eu le Covid, la guerre en Ukraine, la hausse des prix : forcément, les Français sont un peu ailleurs. La deuxième raison : ils ont le sentiment que les politiques ne font pas ce qu’ils disent, que ça ne vaut pas le coup de voter. Moi, je vous dis la vérité, quand les autres candidats n’ont pas le courage de vous dire qu’il va falloir dépenser moins, faire des réformes, reformater l’État. Qui a ce courage ?
Raphaël. (Il la coupe) Emmanuel Macron parle de réforme des retraites (à 65 ans) et ce qu’il annonce n’est pas très populaire…
Est-ce qu’il aurait eu le courage d’annoncer ça si je ne l’avais pas fait avant ? Et vous avez vu que dès dimanche, il a commencé à reculer en disant que ça ne serait pas une réforme prioritaire d’un second quinquennat. Même quand il essaie de me plagier, très très vite, il recule !
Sylvain. Si vous n’êtes pas présidente de la République, pourrez-vous continuer à présider la région alors que vous avez fait connaître votre préférence nette pour la politique nationale ?
La vérité, c’est que ma décision n’était pas prise quand je me suis représenté aux régionales. Je me suis présentée à la présidentielle parce que j’avais le sentiment qu’à droite, il n’y avait personne qui défendait vraiment mes idées et qu’une femme présidente pourrait vraiment apporter un plus au pays. Je rappelle aussi qu’avant de me présenter à la présidentielle, j’ai fait adopter en juillet 80 % de mon programme régional : tout est engagé.
Bernard. Qu’est-ce qui vous distingue d’Éric Zemmour ?
Au meeting de Trocadéro, j’ai vu une personne qui ne peut pas être président de la République. Son discours incite à la violence. Quand la foule hurle « Macron assassin », il ne l’arrête pas. La brutalité de ses solutions entraîne une violence qu’il ne sait pas maîtriser. Il est par ailleurs fasciné par Vladimir Poutine, ce qui le discrédite totalement pour diriger la France. Puis, quand vous regardez son programme économique, c’est Monsieur 140 milliards d’euros ! Il n’y a pas une seule réforme, que des dépenses. Son programme amènerait à la discorde, à l’impuissance et à la faillite.
Sylvain. Est-ce que vous croyez encore pouvoir gagner ?
Rien n’est joué. Les Français sont encore hésitants. Ne croyez pas les sondages : vous êtes libres de déjouer tous les scénarios écrits d’avance par le système.
>> Lire l’interview sur LeParisien.fr
L’article Valérie Pécresse : « Même quand Macron essaie de me plagier, il recule ! » est apparu en premier sur les Républicains.