Valérie Pécresse : « Il faut que le travail paie plus »
« Depuis janvier, je suis la femme à abattre », assure la candidate du parti Les Républicains dans une interview accordée à 20 Minutes, lundi après-midi, depuis son QG parisien.
« J’étais tellement contente de pouvoir de nouveau serrer des mains… Et là, pof ! » Pendant quelques jours, Valérie Pécresse a dû adapter sa campagne après avoir été testée positive au Covid-19 la semaine passée. A l’isolement, la candidate des Républicains à la présidentielle a répondu à nos questions par visioconférence, lundi après-midi, avant de reprendre sa campagne sur le terrain ce mardi. Alors qu’elle stagne autour de 10% dans les sondages, la patronne de la région Ile-de-France défend son programme de réformes et cible Emmanuel Macron, qu’elle accuse de vouloir « escamoter l’élection ».
Comment jugez-vous cette campagne ?
Elle ne ressemble à aucune autre. Normalement, un président de la République vient présenter son bilan. Là, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ». On ne peut pas parler de la hausse des violences, de l’immigration, de pouvoir d’achat, de souveraineté énergétique… Bref, son bilan est occulté. Emmanuel Macron refuse de débattre. Il veut escamoter l’élection et être élu par tacite reconduction. Il a d’ailleurs donné ordre à ses ministres de refuser tout débat avec moi.
On voit bien le scénario écrit par la Macronie. Ils ne veulent pas d’une droite républicaine mais un face-à-face avec les extrêmes au second tour. Car ils savent que s’ils sont contre Zemmour, Le Pen ou Mélenchon, c’est leur assurance victoire. Depuis janvier, je suis la femme à abattre. J’ai concentré toutes les critiques, de droite, de gauche, du milieu, de l’extrême droite, de partout. Mais je crois en mon projet, donc je continue de me battre avec une énergie décuplée pour faire mentir ce scénario écrit d’avance.
Êtes-vous toujours opposée à un embargo européen sur le gaz et le pétrole russes ? N’est-ce pas continuer de financer indirectement la guerre de Vladimir Poutine ?
Je ne suis pas opposée à cet embargo. Mais pour le décider, il faut être capable de tenir dans la durée, parce que rien ne serait pire que de déclarer un embargo et de dire, une semaine après, « Aïe, aïe, aïe, on n’est pas capable de s’approvisionner ». J’ai donc appelé à ce qu’on sécurise d’abord les approvisionnements. Je suis favorable au durcissement des sanctions, à tout ce qui peut arrêter la guerre. Mais il ne faut pas que les Français payent un prix trop élevé.
Vous défendez le nucléaire et la création de nouvelles centrales. Alors que se pose la question de l’indépendance énergétique, n’est-on pas dépendant de l’uranium étranger ?
Notre objectif, c’est de sauver la planète, avec l’objectif zéro carbone en 2050, c’est un impératif moral. Or la France a été condamnée en justice pour ne pas avoir respecté cette trajectoire. Regardez : Emmanuel Macron a fermé Fessenheim, moyennant quoi il a rouvert des centrales à charbon ! Si on veut y arriver, il faut sortir du pétrole, du gaz, du charbon. On doit donc massivement investir dans le nucléaire. Est-ce que ça nous rend dépendant de l’uranium ? Oui, donc il faut aussi développer les énergies renouvelables : biomasse, géothermie, biogaz, biocarburants… Il faut aussi qu’on développe la production d’hydrogène, qui est l’énergie du futur.
Vous proposez une hausse du salaire net de 10 % en cinq ans pour tous ceux qui gagnent moins de 2.800 euros par mois… Est-ce suffisant, alors que l’inflation est estimée en 2022 entre 3,7 et 4,4 % ?
Ma proposition est hors inflation. J’augmente dès cet été de 3 % les salaires nets en baissant d’un tiers des cotisations retraites. Je le finance en réformant les retraites. J’ai vu que le candidat Macron s’y engageait aussi, mais visiblement beaucoup plus timidement que moi, puisqu’il a dit que ce ne serait pas la priorité de son quinquennat. D’ailleurs, quand il dit qu’il va faire une réforme, on sait désormais qu’il n’est pas vraiment sûr de la faire. Moi, je la ferai vraiment, pour faire des économies et rendre du pouvoir d’achat aux Français. La baisse des cotisations retraites permettra à quelqu’un qui gagne 1.400 euros d’avoir 500 euros de plus sur l’année. Il faut que le travail paye plus.
Cela représente seulement 1,50 euro par jour…
Je propose aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, sans plafond. Je souhaite également que les salariés puissent convertir leurs RTT en salaire, sans charge et sans limite, c’est du pouvoir d’achat en plus. Je propose aussi une prime à la natalité dès le premier enfant de 900 euros par an pour toutes les familles et j’augmente l’allocation familiale de 15 % pour le deuxième et le troisième enfant. Je propose aussi le soutien scolaire gratuit et le repas à 1 euro dans les cantines pour les familles défavorisées. Je sais que Jean-Luc Mélenchon propose le repas gratuit, mais moi je n’ai pas l’argent pour financer 250 milliards de déficit. Tout ce que je propose est financé.
Selon le Conseil d’orientation des retraites, la reprise a permis de redresser la situation économique des régimes retraite. Pourquoi défendre encore la retraite à 65 ans ?
Les retraités ont été les grands oubliés de ce quinquennat. Les retraites ne sont plus indexées sur l’inflation, par manque de recettes. Donc cette réforme est indispensable. Avec moi, plus aucun retraité avec une carrière complète n’aura une retraite inférieure au smic et les veuves ou veufs sans carrière complète auront une pension de réversion à 75 %. Enfin, les enfants handicapés sans héritage bénéficieront toute leur vie de la pension de réversion de leur dernier parent. Vous savez, c’est la droite qui a fait les réformes des retraites successives. Ça a toujours été la droite parce que c’est la seule famille politique qui a le courage d’aller faire des grandes réformes pour le pays.
Ce n’est pas l’épidémie de coronavirus qui a empêché Emmanuel Macron de faire la réforme des retraites, mais un manque de courage ?
Je le crois, oui.
Est-ce qu’il n’y a pas un risque d’accentuer le chômage des séniors, déjà très élevé ?
En réalité, le marché du travail s’adapte : plus on augmente l’âge de départ, plus il y a de seniors qui travaillent. L’important est de créer de l’emploi. Je le ferai en baissant les impôts de production.
Le risque n’est-il pas d’accentuer le chômage des jeunes, à l’autre bout de l’échelle ?
Non, car il ne s’agit pas des mêmes emplois. De nouveaux métiers arrivent et de nouvelles qualifications. On a aujourd’hui des centaines de milliers d’emplois à pourvoir, avec parfois de très bons salaires. Et on aura, dans les dix ans, besoin d’un million d’emplois dans le secteur du numérique. Il faudra aussi recruter massivement dans les métiers de services à la personne et du soin, la sécurité, l’environnement, l’industrie… Plutôt que de faire le « contrat d’engagement » à 500 euros d’Emmanuel Macron, je propose le « revenu jeune actif » : 670 euros pendant six mois maximum pour former les jeunes à ces nouveaux métiers qui recrutent.
Vous souhaitez faire 84 milliards d’économie, et notamment supprimer 150.000 postes dans la fonction publique. Est-ce une politique de rigueur qui attend les Français ?
Non, c’est la politique que j’ai faite dans ma région : j’ai supprimé tous les doublons et les frais de structure. J’ai fait mieux avec moins d’argent. Mes 150.000 suppressions, c’est un départ à la retraite sur trois non remplacé. Quand vous supprimez des gaspillages, c’est de l’argent que vous récupérez, donc plus de pouvoir d’achat. Il n’y aura plus de redevance, moins de charges sociales, moins de taxes… La réforme, c’est un gagnant-gagnant. Ce n’est pas du tout de la rigueur, c’est rendre l’argent aux Français.
Avec moins de fonctionnaires, assumez-vous de donner plus de pouvoir au privé ?
Je n’ai aucun tabou à faire des partenariats public-privé pour que ça marche mieux. Je l’ai déjà fait dans la région Ile-de-France en lançant avec deux acteurs privés une plateforme de formations pour les demandeurs d’emploi. Pourquoi est-ce que le gouvernement se priverait-il de travailler avec des jeunes startupers innovants et qui font mieux que les ministères ?
N’y a-t-il pas une dérive des missions confiées au privé, quand on voit que le gouvernement a dépensé 900 millions d’euros en cabinets des conseils en 2021 ?
Ça n’a rien à voir. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, pour réformer l’administration, on est obligé d’aller demander à des entreprises privées de conseiller l’administration ? Mon projet, c’est de dépenser mieux et moins. Vous imaginez bien que ce n’est pas pour aller dépenser des millions d’euros en demandant des conseils à des entreprises privées.
Vous proposez des peines différenciées pour lutter contre « les carrefours de la délinquance ». Est-ce que ça veut dire que si je vole une télévision dans la Creuse, je risque moins que si j’en vole une en Ile-de-France ?
Je propose une circonstance aggravante dans ce qu’on appelle les zones de non-droit, les 62 quartiers de reconquête républicaine, où se concentrent tous les trafics. Cela existe déjà. Si aujourd’hui vous harcelez une femme dans les transports en commun, vous avez des peines plus graves que si vous la harcelez dans la rue. Ma mesure ne contrevient donc pas à l’égalité entre les citoyens, au contraire, elle permet de rétablir l’égalité républicaine dans ces quartiers. Je veux l’impunité zéro, donc il y aura aussi des peines planchers pour les multirécidivistes et des peines minimales, notamment un an de prison ferme pour tous ceux qui s’attaquent à des personnes qui ont autorité.
Sur l’immigration, vous proposez la mise en place de quotas par métiers et par pays, votés chaque année par le Parlement. N’est-ce pas compliqué de définir les besoins dans chaque secteur professionnel ?
En réalité, les branches professionnelles font déjà le recensement de leurs besoins. Mais on a besoin d’un outil pour contrôler les flux. La loi doit permettre de choisir qui on accueille. Car l’immigration zéro, c’est un slogan. Tous ceux qui l’utilisent ne le feront pas. Le seul qui a essayé, c’est Boris Johnson et il s’est retrouvé avec toute son économie à plat. Mais les clandestins doivent rentrer chez eux, et les pays qui refusent de les reprendre n’auront droit à aucun visa. Car si on a une immigration incontrôlée pendant trop d’années – ce qui est le cas depuis cinq ans – on n’arrive pas à bien accueillir. Ce que je veux, c’est qu’on accueille moins pour intégrer vraiment et assimiler ceux qui veulent devenir Français.
Le projet d’« immigration zéro » d’Eric Zemmour n’est donc pas crédible ?
Ce n’est pas crédible et c’est injuste. Ce sont des slogans d’estrade. Eric Zemmour serait impuissant à le mettre en œuvre et inefficace. Si on veut que les clandestins rentrent dans leur pays d’origine, il faut un « donnant-donnant » : qu’ils reprennent leurs clandestins contre l’obtention de visas.
Vous avez déclaré qu’Emmanuel Macron faisait un « mauvais plagiat » de votre programme. Pourquoi ?
Quand je dis mauvais plagiat, c’est parce qu’il n’y a rien de droite dans son bilan. Franchement… 32 % de hausse des violences, 272.000 titres de séjour délivrés cette année et 12 % de reconduites à la frontière, 85 milliards de déficit de la balance commerciale, une dette qui a augmenté de 1.000 milliards, une école extrêmement fragilisée, 5 millions de Français sans médecin traitant, le nucléaire abandonné pendant cinq ans… Il essaie de reprendre les idées de la droite parce qu’il a compris que c’était les bonnes. Mais on reste dans le « en même temps »…
Emmanuel Macron n’est donc pas de droite ?
Il n’est pas de droite. Il n’est pas de droite sur l’ordre, il n’est pas de droite sur les baisses d’impôts, il n’est pas de droite sur la valorisation du travail. Comment voulez-vous que les Français puissent croire qu’il va faire le contraire de ce qu’il a fait pendant cinq ans ? Ce n’est pas crédible. Il faut, au premier tour, voter pour un projet qui ne lègue pas aux générations futures une dette écologique et pas une dette financière abyssale. Parce que la dette ne peut pas s’envoler jusqu’au ciel. C’est pour ça que je dis que je suis la vraie droite. Emmanuel Macron n’a pas envoyé à Bruxelles la trajectoire financière de la France. Ce n’est pas normal. Ça veut dire que l’addition se payera après. Avec lui, la vérité, ce sera après les élections. Moi, je demande la vérité maintenant.
Si Nicolas Sarkozy ne vous soutient pas d’ici le premier tour, considéreriez-vous ça comme une trahison ?
J’ai été très fière d’être sa ministre, il m’a beaucoup appris. Il n’est aujourd’hui plus en politique. Moi, je trace ma route.
>> Lire l’interview sur 20minutes.fr
L’article Valérie Pécresse : « Il faut que le travail paie plus » est apparu en premier sur les Républicains.