Valérie Pécresse : « Ce que je propose, c’est une Nouvelle France »
Abandonnée par plusieurs élus qui rejoignent Emmanuel Macron, talonnée dans les sondages par Éric Zemmour, la candidate LR, Valérie Pécresse, doit impérativement relancer sa campagne à l’occasion de son premier grand meeting, ce dimanche.
Les marins appellent cela le «pot-au-noir », une ceinture de quelques centaines de kilomètres de basses pressions entourant la Terre près de l’équateur. La traverser sans encombre ne mène pas à la victoire, mais y rester englué vous assure la défaite… Valérie Pécresse sort de cette zone sans vent ni courants porteurs. Son embarcation, qui avait fière allure au lendemain des primaires de son parti, vient de perdre quelques marins (Catherine Vautrin, Natacha Bouchart, Éric Woerth…) et essuie les foudres de Rachida Dati. La voici même rattrapée par d’autres esquifs. Discrète depuis plusieurs jours, la candidate Les Républicains lance la contre-attaque dans le JDD. Elle dessine sa vision de la France, se définit comme « la femme à abattre », martèle les trois verbes clés de sa campagne –protéger, reconstruire, réinventer– et juge sans complaisance le mandat d’Emmanuel Macron. Pour elle, une semaine décisive s’ouvre: elle va intensifier ses déplacements, ses prises de parole et multiplier des idées qu’elle veut disruptives…
Vous avez subi ces derniers jours plusieurs défections d’élus LR qui ont préféré soutenir Emmanuel Macron. Comment le vivez-vous ?
Je constate que je suis la femme à abattre. Tous les coups se concentrent sur moi : ceux de la Macronie comme ceux d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen. Je suis un danger politique parce que je suis la seule à incarner une alternative sérieuse à Emmanuel Macron. Mais je le dis à tous ceux qui me tirent dans le dos: je suis une conquérante. J’ai cette force en moi. Rien ne me détournera de mon chemin.
Vous accusez Emmanuel Macron d’avoir « cramé la caisse », mais l’ex-ministre (LR) du Budget, Éric Woerth…
(Elle coupe)… l’avait dit aussi. Il a changé d’avis.
Éric Woerth a décidé de soutenir Macron. Vous dénoncez le manque de résultats du président sortant sur l’immigration. Mais la maire de Calais, Natacha Bouchart, le soutient aussi. Avez-vous un problème de crédibilité dans votre propre camp ?
J’appelle les Français à regarder la réalité en face, celle d’une France passoire: 272 000 titres de séjour accordés en2021, un niveau record. Que certains élus aient besoin du soutien du gouvernement dans leur action quotidienne, c’est possible. Mais que nous devions reprendre le contrôle des frontières, c’est un fait. L’immigration incontrôlée et l’intégration ratée sont en train de disloquer notre nation. C’est pour cela que je veux des quotas migratoires, des contrôles et le départ des clandestins. J’aiderai aussi les pays européens, en première ligne face à la Turquie ou à la Biélorussie, qui souhaitent construire des barrières voire des murs.
Vous attendiez-vous à ce que les coups viennent, aussi, de Nicolas Sarkozy, qui vous juge « inexistante » dans cette campagne selon Le Figaro ?
Je trace ma voie ! Ses conseils sont toujours utiles. Mais l’unité de notre famille est aussi importante. Je sais qu’il a cela à cœur.
Quel fut le meilleur des présidents de la Ve République selon vous ?
Il y a eu de très grands présidents de droite sous la Ve République. Mais pas encore de présidente.
On connaît la France de Macron, on imagine celle de Zemmour. Mais à quoi ressemblerait la France de Pécresse ?
Ce que je propose, c’est une nouvelle France, une France de l’ordre et de la concorde. Mon projet, c’est de protéger les Français, de reconstruire les piliers de notre nation, et de nous réinventer. Protéger les Français, c’est remettre de la sécurité, lancer un plan Orsec pour la justice, et reprendre le contrôle de nos frontières et de notre souveraineté. Je veux aussi reconstruire les piliers sur lesquels repose notre cohésion nationale et que les dix années Hollande-Macron ont abîmés: l’école, d’abord, et tous nos services publics en déshérence. L’enjeu pour la France, c’est de refaire nation. Emmanuel Macron a opposé les Français entre eux. Je veux les réunir. Pour cela, il faut leur redonner la parole. Je mettrai en place un véritable référendum d’initiative populaire pour que les Français puissent s’exprimer quand ils en ont besoin. Et qu’ils ne se sentent plus méprisés par le pouvoir.
Quand on est candidate à la présidentielle, ne faut-il pas, aussi, faire rêver les Français ?
Ma nouvelle France va aussi se réinventer. Elle va réinventer le rapport au travail, d’abord, pour qu’il retrouve tout son sens. C’est pour cela que je m’engage sur une hausse de 10% des salaires nets sur le quinquennat. Au « travailler plus pour gagner plus », j’ajoute le mot liberté, liberté de fixer le temps de travail en entreprise. On défiscalisera les heures supplémentaires sans plafond, on autorisera le cumul emploi-retraite sans barrières, on permettra le rachat des RTT, on encouragera l’actionnariat salarié… Ma nouvelle France veut aussi réinventer le territoire. Dans la société d’après-Covid, il existe une aspiration à quitter les grandes métropoles pour s’installer dans les villes moyennes ou les villages. C’est une chance pour la ruralité. Je ferai le contraire de ce qu’a fait Emmanuel Macron: je vais décentraliser. L’État lâchera prise. Les territoires reprendront le pouvoir. La France fera enfin confiance aux libertés locales et aux initiatives. Dans cette nouvelle France, je veux une société libérée. Avec moi, la présidence verticale c’est terminé. Marianne ne sera plus corsetée. C’est par la liberté que le pays retrouvera un élan. Car la nouvelle France doit aussi se réindustrialiser. Pour cela, nous devrons débureaucratiser et redevenir une société de l’innovation et pas de la précaution. Voilà encore une autre promesse non tenue de Macron: 85 milliards de déficit commercial, c’est le drame français. On nous parle de 7 % de croissance, mais cela consiste essentiellement à acheter des biens produits par d’autres !
Votre présidence ne serait ni verticale ni « jupitérienne » comme l’était celle de Macron, donc. Serait-elle « normale » comme celle de François Hollande ?
Elle sera courageuse. C’est ce qui a manqué ces cinq dernières années: le courage de faire. Des beaux discours, des volte-face, on en a eu beaucoup. Jeudi encore, avec les promesses sur le nucléaire et l’éolien. Mais qui peut croire Emmanuel Macron, qui n’a pas été capable de sortir un seul projet industriel ? Le pays a été gouverné en surface, pas en profondeur. Sa présidence a été bavarde et autoritaire. La mienne sera à l’écoute, et associera le peuple dans le courage des réformes. Dire qu’il faudra travailler plus et dépenser moins, ce n’est pas très populaire, j’en suis consciente. Dans cette campagne, je suis celle qui dit la vérité. Si on veut libérer les énergies, il faudra pouvoir baisser les impôts, et donc dépenser moins. Les réformes nécessaires –des retraites, de l’assurance chômage, de l’État–, il faudra bien que quelqu’un les fasse. L’école est en grande souffrance, l’hôpital et la santé aussi. J’aurai ce courage de faire que Macron n’a pas eu. Oui, le plein-emploi est atteignable sur le prochain quinquennat. Mais nous ne pouvons pas laisser notre dette grimper jusqu’au ciel. Sinon nous amputerons l’avenir de nos enfants. Avec Macron, l’addition c’est après les élections. Je dis aux Français: ouvrez les yeux.
Éric Woerth juge votre projet monomaniaque sur le régalien…
Mon projet sauve les services publics du pays, libère les énergies. Mon projet, c’est celui du pouvoir d’achat, celui des familles aussi. Il a dû s’arrêter à la page 2.
Protéger, reconstruire, réinventer : ce sera le mantra de votre campagne ?
Oui, parce que c’est ce que veulent les Français. La France est humiliée au Mali, en Australie, en Russie. Ils veulent qu’elle redevienne une grande puissance. Ma certitude, c’est que notre force extérieure viendra de notre force intérieure. On ne respecte pas un pays qui a 2800 milliards d’euros de dette.
Qu’est-ce qu’Emmanuel Macron a réussi pendant son mandat selon vous ?
Il y a eu quelques bonnes mesures: la loi travail, le dédoublement des classes de CP, l’augmentation du budget de la justice, bien que trop tardif. Mais c’est un quinquennat pour pas grand-chose. Et un quinquennat de zigzags. Nous avons besoin de professionnels à la tête de l’État. Évidemment, c’est compliqué de se battre contre un président qui fait des chèques toute la journée. Mais ces chèques sont sans provision. Derrière ces chèques, il y a de la dette. Et derrière la dette, il y a des impôts.
Emmanuel Macron veut relancer la construction de centrales nucléaires. Vous aussi. Vous êtes donc d’accord ?
Qui est le vrai Macron ? Celui qui a fermé Fessenheim, celui qui voulait fermer 12réacteurs ? Ou est-ce celui qui, sous ma pression, annonce six nouveaux EPR ?
Vous êtes devancée par Marine Le Pen dans les sondages, et désormais à égalité avec Éric Zemmour. Votre campagne patine. Pourquoi ?
Parce que le président de la République n’est pas candidat. Il se cache parce qu’il ne veut pas affronter son bilan. La violence des attaques montre qu’il a peur d’un face-à-face avec moi, car je suis la seule qui peut le battre. Ni Marine Le Pen ni Éric Zemmour ne peuvent gagner. Ils n’ont pas la crédibilité nécessaire pour gouverner le pays. Et leur élection amènerait le désordre. La solidité de ma campagne et de mon expérience feront la différence le jour venu. C’est pour cela que La République en marche n’a qu’une obsession : faire monter le RN et Éric Zemmour.
À dessein ?
Bien sûr à dessein ! C’est le bal des tartufes: Emmanuel Macron dit que son véritable ennemi, ce sont les extrêmes, alors que sa seule ennemie, c’est la candidate d’une vraie alternance, de droite. Les Français ne seront pas dupes. Parce que je suis la cible de toutes les attaques, ils vont regarder avec d’autant plus d’attention ce que je propose: une alternance franche et claire.
Éric Zemmour vous a surnommée « 20h02 », car il est convaincu que vous appellerez à voter Macron au soir du premier tour s’il est qualifié. Que lui répondez-vous ?
Que je serai au second tour. Et que j’espère que Zemmour appellera à voter pour moi à 20h01, parce qu’avec moi ses électeurs tourneront la page Macron.
Éric Zemmour vous accuse d’« islamo-droitisme »…
Quand on est, comme M. Zemmour, ami de Tariq Ramadan, qui défend la lapidation des femmes adultères, on n’a pas de leçons à donner. J’ai toujours combattu l’islamisme. En 2010, nous étions deux, avec Jean-François Copé, à demander l’interdiction de la burqa dans l’espace public. J’ai instauré la première charte de la laïcité, et je me bats pour interdire le burkini dans les îles de loisirs de ma Région, quand Emmanuel Macron, lui, refuse de faire voter l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives.
Est-elle dure, cette campagne ?
Toutes les campagnes sont dures ! Vous me prenez pour un perdreau de l’année ? Déjà, lors de la campagne des régionales, j’étais seule contre tous. C’est le lot de la politique. Aujourd’hui encore, je suis seule face au peuple. Il faut que les Français apprennent à me connaître et c’est à moi d’aller les convaincre.
Vous êtes soutenue par Éric Ciotti et Xavier Bertrand. Est-ce que concilier des lignes très différentes ne finit pas par être acrobatique ?
Non, car mon projet allie l’autorité et la modernité. Je rassemble la droite, le centre et au-delà pour reconstruire une nouvelle France.
Qui serait votre Premier ministre en cas de victoire ?
Il ou elle émergera de la campagne et des préoccupations des Français. Ce qui est certain, c’est qu’il ou elle sera expérimenté(e), et courageux(se).
Pensez-vous devoir mettre en avant votre personnalité, votre histoire ?
Les Français savent que je suis une combattante. J’ai été tellement en butte dans ce milieu d’hommes à la violence, au machisme et aux attaques que j’ai le cuir épais. Pour affronter les épreuves, les échecs ou les coups de couteau dans le dos en ce moment, il m’a fallu une armure. Maintenant il me faut fendre cette armure, laisser percevoir ma part d’humanité.
C’est l’objectif du meeting de ce dimanche ?
L’objet de ce discours est de livrer la cohérence de mon projet. Je l’ai construit brique par brique. Je veux maintenant qu’on voie la maison: le projet global. Je donnerai de moi aussi. Mais je ne vais pas me transformer: je suis une femme pudique, je suis une femme qui fait. Si les Français veulent encore des beaux parleurs, il y en a pléthore dans la campagne. S’ils veulent une «faiseuse», il n’y en a qu’une.
Georges Clemenceau disait « ne craignez jamais de vous faire des ennemis. Si vous n’en avez pas, c’est que vous n’avez rien fait ». Qu’en pensez-vous ?
Cela me parle ! Mais j’ai aussi beaucoup d’amis. Derrière moi, il y a une belle équipe de France d’élus et de citoyens.
>> Lire l’interview sur LeJDD.fr
L’article Valérie Pécresse : « Ce que je propose, c’est une Nouvelle France » est apparu en premier sur les Républicains.