Rachida Dati : « Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la survie de la droite »
La maire du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati, ne prend pas encore position dans la compétition pour la présidence de LR, mais appelle sa famille politique à « aborder tous les sujets sans tabou et en débattre ».
Comment jugez-vous la situation des Républicains ?
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la survie de la droite. Et pas seulement la survie de LR. La politique n’est pas faite pour faire survivre des appareils, mais pour améliorer la situation du pays dans un contexte où deux visions du monde s’affrontent. Aujourd’hui, face à une gauche qui déconstruit tout sans rien reconstruire, nous avons besoin de rassembler toutes les volontés tout en restant fidèles aux valeurs portées par la droite, mais en les transcendant. Ce sera la clé de nos victoires à venir.
L’état du parti est-il préoccupant ?
Depuis 2012, au lieu de rassembler et d’élargir, on se combat et on s’exclut. Et à force de s’exclure, on se rétrécit. Nous avons besoin d’un parti fort mais l’avenir de la droite dépassera la seule structure des LR. Les victoires exigent de rassembler puis de savoir dépasser son camp.
Les Républicains sont-ils encore attrayants aujourd’hui ?
Mon engagement politique s’est fait auprès de Nicolas Sarkozy, qui avait su renouveler les idées de sa famille politique en marquant profondément la société française. Depuis les législatives, la LFI a montré sa capacité à imposer les thèmes du débat. Mais quels débats ! Pour se terminer en foire d’empoigne sur le barbecue… Les Républicains doivent redevenir un aiguillon sur le terrain des idées pour répondre aux préoccupations de la société française. Nous ne pouvons pas rester sur les débats du passé.
Éric Ciotti ou Bruno Retailleau semblent aujourd’hui les mieux placés pour emporter la présidence de LR en novembre. Leurs lignes politiques vous conviennent-elles ?
Quel que soit le résultat, la ligne du parti ne pourra se résumer ni à la droite Paca, ni à la droite vendéenne. Il faut aborder tous les sujets sans tabou et en débattre. La présidence des LR se remportera sur la capacité à convaincre, certes nos adhérents, mais plus largement les Français. Il ne faut pas avoir peur de sortir de la zone de « confort » traditionnelle de la droite. Je vous rappelle que je suis venue à la droite grâce à ce dépassement qui transcendait la condition sociale et l’origine !
Et Aurélien Pradié , qui présente un profil plus jeune et plus sensible aux questions sociétales ?
La jeunesse n’est pas un statut mais un état d’esprit ! Et heureusement ! S’agissant des questions sociétales, la droite n’a pas à rougir des avancées qu’elle a obtenues que ce soit pour l’IVG, pour l’âge de la majorité, pour l’émancipation juridique et financière des femmes, pour la lutte contre les violences conjugales, le Grenelle de l’environnement ou le paquet européen énergie/climat, sur lequel nous « vivons » encore aujourd’hui ! Cessons cette autoflagellation qui nous fait perdre de la crédibilité et sert nos adversaires.
Aucun candidat ne vous a donc pleinement convaincu ?
J’attends les professions de foi et les débats auxquels je participerai.
Comment jugez-vous la situation du gouvernement et sa capacité à réformer aujourd’hui ?
Cette rentrée est une rentrée d’angoisse pour les Français, inquiets pour leur pouvoir d’achat et leurs dépenses d’énergie. Sur ce point, il faut rappeler les erreurs stratégiques d’Élisabeth Borne et Édouard Philippe, qui ont signé ensemble le décret de la fin du nucléaire nous mettant à la merci de la météo et nous rendant dépendants de l’étranger. Cette fin du nucléaire avait été décidée par François Hollande pour s’attirer le soutien de Mme Duflot, de Mme Pompili et de M. de Rugy, qui ont tous été battus depuis. Ils ont rayé, sur un coin de table, cinquante ans de stratégie d’indépendance énergétique que personne n’avait remis en cause auparavant. Pas même François Mitterrand, qui est le président qui a ouvert le plus de centrales nucléaires. Aujourd’hui, on en paye gravement les conséquences. Autant dire que les réformes nécessaires, comme celles des retraites, de la santé, de l’Éducation ou de la justice, ne sont ni évoquées, ni programmées.
En tant qu’ancienne garde des Sceaux, quel est votre diagnostic de la situation sécuritaire ?
Chaque Français se rend compte tous les jours de la spirale de la désagrégation de notre pays et de la violence. Cette spirale est permise par l’absence de politique pénale, qui donne le sentiment d’impunité.
La justice est-elle laxiste, comme le déplorent nombre de policiers ?
Il y a un vrai sujet d’articulation entre la police et la justice, qui donne le sentiment à la police que la justice ne reconnaît pas son travail, et qui donne le sentiment à la justice d’être accusée d’être responsable de cette explosion de la délinquance. Cette articulation entre les deux devient nécessaire avec une politique sécuritaire et pénale unique et cohérente qui rétablira le respect de l’autorité et la sécurité. Pourquoi ne pas s’inspirer des démocraties d’Europe du Nord où la délinquance est très faible en ayant un ministère unique de la sécurité et de la justice au sens large ?
Que pensez-vous de la réforme en cours de la police judiciaire ?
Cette réforme, qui veut départementaliser la PJ, est « mauvaise dans sa conception, sa gestion et ses modalités ». Ce sont des policiers et des magistrats qui le disent. Elle est dénoncée également par le plus haut magistrat de France, François Molins, procureur général près la Cour de cassation. De surcroît, la réforme ne sera pas efficace contre une criminalité organisée nécessitant des moyens, de la technicité et une liberté d’action qui dépasse le niveau départemental dans lequel ce texte veut les contraindre. Là encore, ce n’est pas moi qui le dis, c’est le procureur général de la cour d’appel de Versailles. Enfin, cette réforme entamera fortement la confiance nécessaire entre les magistrats et leurs enquêteurs. Tout cela profitera forcément aux délinquants.
On imagine que vous êtes encore plus critique, en tant qu’opposante d’Anne Hidalgo à Paris, sur la sécurité dans la capitale ?
Insécurité et saleté font de Paris un repoussoir à un an et demi des Jeux olympiques et paralympiques. La mairie de Paris a totalement renoncé à sa mission de protection des Parisiens. Par ailleurs nous faisons face à deux fléaux : les viols qui explosent dans Paris et le trafic de crack. Pour anéantir ce trafic, les forces de sécurité suggèrent que les usagers quotidiens de crack, qui s’élèvent à Paris entre 4 000 et 4 500, soient pris en charge médicalement pour un réel sevrage. Mme Hidalgo, alors qu’elle est présidente de l’AP-HP, s’y refuse alors que cela réduirait considérablement le trafic. Elle s’obstine à créer des salles de shoot qui confortent la consommation et le trafic violent en tout genre. C’est irresponsable !
Craignez-vous une victoire de Marine Le Pen en 2027 ?
Le fait politique majeur des législatives, c’est l’arrivée inédite de 89 députés RN à l’Assemblée nationale. Je pense que deux sujets ont suscité ce vote : la violence illustrée encore par les débordements du Stade de France et une immigration non maîtrisée, qui pose des problèmes graves d’intégration et de séparatisme. Ces sujets, s’ils ne sont pas traités sérieusement, aggraveront les fractures de notre pays, comme ce fut le cas aux États-Unis.
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