Olivier Marleix : « J’ai dit à Gabriel Attal : “N’ayez pas peur” sur le collectif budgétaire »
Le président des députés LR encourage le Premier ministre à déposer un projet de loi de finances rectificative s’il prévoit des mesures de réduction des dépenses de l’Etat.
Après le dérapage surprise du déficit en 2023 (de 4,9% à 5,5% du PIB) et 2024 (4,4% à 5,1%), le gouvernement est à la recherche de dix milliards d’économies supplémentaires, après les dix milliards déjà entérinés par décret. Pour l’heure, il ne prévoit pas d’en passer par un projet de loi de finances rectificative, de peur d’une motion de censure des Républicains. Ces derniers ont lancé officiellement mercredi leur commission d’enquête sur la dette, présidée par le député Philippe Juvin.
Olivier Marleix s’est entretenu en tête-à-tête, le 7 mai, avec le Premier ministre, Gabriel Attal, inquiet d’une possible motion de censure des Républicains pour sanctionner le dérapage des comptes publics. Il pose ses conditions au chef du gouvernement.
Les Républicains viennent de lancer leur commission d’enquête sur la situation des finances publiques. Qu’en attendez-vous ?
J’en attends des explications sur la dégradation inédite de nos finances publiques : 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire constituée en sept ans, contre 2 000 milliards en quarante ans. Cette dette a été générée pour moitié avant la Covid, mais nous vérifierons aussi si le « quoi qu’il en coûte » n’a pas été déraisonnable. Il est tout de même surprenant que la France ait dépensé autant dans la période que l’Allemagne, dont le PIB est 30 % supérieur au nôtre. De même pour le bouclier énergétique : pourquoi avons-nous dépensé dix fois plus que les Espagnols ? Il s’agit aussi d’avoir une vision prospective sur les moyens de sortir de cette situation, avant les choix budgétaires lourds qui devront être faits dans la loi de finances pour 2025.
D’ici là, demandez-vous toujours un projet de loi de finances rectificative (PLFR) ?
Oui, parce qu’il faut un rendez-vous de transparence avec le Parlement, après une présentation trompeuse de la loi de finances pour 2024, bâtie sur des hypothèses de croissance fantaisistes et sans intégrer les éléments que le gouvernement avait alors en sa possession.
Mais Les Républicains laissent planer la menace d’une motion de censure qui dissuade justement le gouvernement de présenter un PLFR…
J’ai eu l’occasion de le dire à Gabriel Attal : n’ayez pas peur ! Si ce PLFR ne contient que des mesures de réduction des dépenses de l’Etat et de son administration, et pas d’augmentation d’impôts ni d’économies sauvages sur la santé ou les retraites des Français, alors le gouvernement n’a pas de raison d’avoir peur de venir devant le Parlement. Tant qu’il ne cherche pas à faire payer l’addition aux Français, nous pensons qu’il existe dans le budget de l’Etat des marges de manœuvre pour trouver les vingt milliards d’économies dont nous avons besoin cette année.
Le RN déposera une motion de censure en l’absence de collectif budgétaire avant les européennes. La soutiendrez-vous ?
C’est une démarche politicienne à la veille des élections. La censure n’est pas un jeu. C’est d’ailleurs une menace que j’ai toujours utilisée avec gravité, par exemple lors du débat sur le texte immigration. J’avais dit à Elisabeth Borne : « Si vous aggravez la situation du pays, on ne le votera pas et on vous censurera si vous utilisez le 49.3. » Aujourd’hui, je dis au gouvernement que s’il fait payer l‘addition aux Français avec des impôts cachés, on le censurera.
Selon Le Figaro, entre six et dix députés LR seraient prêts à voter une motion de censure RN. Que leur dîtes-vous ?
« Ne composez jamais avec l’extrémisme », disait Jacques Chirac. Et je ne vois pas bien l’intérêt de voter une motion de censure qui n’a aucune chance de passer. La censure est une question sérieuse, ce n’est pas un geste sans lendemain. Pour nous, c’est une arme anti-impôts.
Le gouvernement doit présenter d’ici l’été un projet de loi sur la justice des mineurs. Qu’en attendez-vous ?
J’ai d’immenses doutes sur la capacité du gouvernement à présenter un texte à la hauteur de l’enjeu. Depuis sept ans, il n’a pris que des mesures relevant d’une forme de laxisme et ses convictions sont trop naïves pour nous permettre d’avancer. J’ai dit au Premier ministre que nous allions travailler de notre côté à un texte sur le sujet. Nous présenterons nos propres mesures et, le cas échéant, nous lui proposerons un donnant-donnant : nous examinerons le texte du gouvernement s’il examine le nôtre.
Pourquoi ne pas amender simplement le texte du gouvernement ?
Depuis la décision du Conseil constitutionnel sur l’immigration, le Parlement est en réalité dans l’incapacité d’amender les projets du gouvernement, ses propositions risquant d’être traitées comme des cavaliers législatifs et censurées. En raison de ce coup gravissime porté à l’initiative parlementaire, nous aurons donc du mal à enrichir un texte que j’imagine faible.
Que proposera le texte de LR sur la justice des mineurs ?
Il portera notamment sur la question de l’excuse de minorité et la majorité pénale. Je plaide aussi pour un changement de logique sur la question du sursis, devenu l’école de la récidive. Des jeunes cumulent aujourd’hui des dizaines de sursis sur des infractions différentes. Il faut donc un changement total d’approche, avec des courtes peines pour les mineurs, dès le premier fait grave. Il faut provoquer un choc psychologique avec une vraie peine d’enfermement, qui peut être d’une semaine ou d’un mois, dès les premiers faits.
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