Olivier Marleix : « Face au mur de la dette, Emmanuel Macron accélère »
Après la présentation du budget 2023 par le gouvernement, le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ne ménage pas ses critiques. Il dénonce un aveuglement face à l’accroissement de la dette, un bouclier tarifaire manquant de transparence et l’absence de volonté politique contre la fraude sociale. Olivier Marleix souhaite que si le l’exécutif a recours au 49.3, il le fasse à la fin des débats.
Diriez-vous que ce budget 2023 est à « l’euro près » ou au contraire que l’Etat continue à « cramer la caisse » ?
Malheureusement, le mur de la dette se rapproche rapidement, les taux d’intérêt remontent, le spread se creuse avec l’Allemagne. On sait qu’il y a un mur, on est dans le brouillard, mais on accélère : c’est un comportement d’automobiliste dangereux. Ce n’est pas un budget de protection, c’est un budget dépensier, comme tous les budgets d’Emmanuel Macron. Hors urgence, hors plan de relance et France 2030, il y a 47 milliards de dépenses supplémentaires. C’est totalement irresponsable dans la situation actuelle, avec des hedge funds qui, depuis quinze jours, attaquent la dette souveraine italienne. La France pourrait être une cible aussi. Ce n’est pas un budget de protection, c’est un budget qui aggrave le risque France.
Il ne fallait pas un bouclier tarifaire à 45 milliards pour protéger les Français de la hausse des prix de l’énergie ?
J’aurais préféré une réponse plus structurelle sur le coût de l’énergie en France. J’aurais souhaité qu’on utilise la clause de sauvegarde qui existe dans notre droit pour sortir temporairement des règles européennes et que l’on modifie momentanément les règles de fixation des prix sur le marché de l’énergie en France, en revenant à un calcul au prix moyen de production dans l’Hexagone qui est de l’ordre de 50 euros le mégawatt/ heure contre 800 sur le marché européen. Aujourd’hui, on en arrive à subventionner une électricité dont le prix est fixé artificiellement. Mais c’est un bras de fer que la France n’a pas osé lancer.
Soutenez-vous l’élargissement des chèques énergie et demandez-vous déjà une prolongation de la ristourne ?
Tout cela manque de transparence. On a du mal à comprendre qui va bénéficier de ces chèques. Le groupe LR sera très attentif à avoir des dispositifs qui n’auront pas trop d’effets de seuil. Nous veillerons aussi à ce que les classes moyennes ne soient pas systématiquement exclues. Nous garderons la même approche que cet été sur les carburants, en demandant des dispositifs qui bénéficient au plus grand nombre. On ne peut pas avoir des recettes supplémentaires de TVA sans en faire profiter les Français si le prix du baril augmente à nouveau.
Les dépenses augmentent pour les budgets régaliens et de l’éducation, et il y a notamment 10.000 créations de postes prévues. Cela va-t-il dans le bon sens ?
Il n’y a aucune réflexion stratégique sur ce sujet en début de quinquennat, c’est stupéfiant. Créer 10.000 emplois sans chercher à en supprimer ailleurs, ce n’est pas sérieux. Les Britanniques, pour soutenir leur pouvoir d’achat, ont un plan de réduction de 90.000 emplois. Trouvons le juste milieu. Nous proposerons un plan de sobriété bureaucratique pour que l’on s’intéresse de plus près aux effectifs des administrations centrales.
Quelles sont les économies que vous proposez ? Le gouvernement veut accélérer sur la fraude…
Ils reprennent nos mots mais ils n’en font rien. La fraude sociale, on peut l’évaluer a minima à 20 milliards. Elle exaspère les Français. Plus globalement, il faut aussi revoir les règles de redistribution sociale, car la solidarité nationale bénéficie davantage à un étranger qui n’a jamais cotisé ou payé d’impôt qu’à un couple de retraités qui a cotisé toute sa vie. Il faut aussi agir sur la fraude fiscale, mais soyons justes et équitables. On ne peut pas taper sur le petit artisan qui fait de la cavalerie sur sa TVA car il a des problèmes de trésorerie et épargner McKinsey qui négocie directement avec Bercy. A la fin, il ne faut pas s’étonner d’une révolte dans le pays.
Fallait-il supprimer la CVAE sur deux ans au lieu d’un ?
Cette mesure alourdit notre déficit, qui va atteindre 158 milliards d’euros. Il aurait été peut-être plus sage de temporiser davantage et s’interroger sur les priorités. Je veux bien qu’on paie toutes les promesses électorales du président de la République, mais quand on voit le niveau des taux d’intérêt, est-ce sérieux de le faire maintenant ? Côté fiscalité, j’aurais préféré des mesures ciblées sur les PME, avec le rétablissement de l’ISF-PME qui permettait de flécher 900 millions d’investissement vers elles, ou une baisse du taux d’impôt sur les sociétés sur les PME.
Le groupe LR ne votera pas pour le budget. Mais est-il prêt à s’abstenir ?
Non. On votera contre ce budget, on ne s’abstiendra pas. Le budget reflète la politique de la nation, il est pour nous impensable de le voter compte tenu de la hausse des dépenses publiques. Le 49.3 n’est pas un problème en soi car il est prévu dans la Constitution et permet à un gouvernement de gouverner dans la configuration où nous sommes. Michel Rocard l’a utilisé à 28 reprises et n’a pas laissé l’image d’un dictateur ! En revanche, le 49.3 nous posera un problème s’il est employé pour empêcher le débat. Nous demandons donc deux 49.3 : le premier à la fin des débats sur la partie recettes, le second à la fin de la partie dépenses, le tout pour avoir un débat budgétaire le plus complet possible et rappeler au gouvernement qu’il doit écouter l’Assemblée nationale.
Voteriez-vous une motion de censure ?
Notre état d’esprit n’est pas de nous associer à des gens qui spéculent sur l’effondrement du pays. La France n’a pas besoin de ça.
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