Michel Barnier : « Valérie Pécresse est à la hauteur des grands enjeux »
Pour l’ex-ministre, la candidate aurait été moins « solitaire » qu’Emmanuel Macron dans la crise ukrainienne.
Selon vous, jusqu’où Vladimir Poutine peut-il aller ?
Il est difficile de lire dans ses pensées. Un double sentiment s’est aggravé chez lui depuis une dizaine d’années. D’abord la nostalgie de la grande Russie et de l’Union soviétique, avec beaucoup de ressentiment à l’égard de ses prédécesseurs Gorbatchev et Eltsine. Ce sentiment-là se double d’une hostilité à l’égard de l’Union européenne, perçue comme un pôle d’espérance par de nombreux pays. Depuis trente ans, nous avons probablement sous-estimé le choc économique, politique et culturel qu’a représenté l’effondrement de leur puissance passée pour beaucoup de Russes.
Le régime de Zelensky à Kiev risque de tomber. À quoi doit-on se préparer ?
La résistance ukrainienne est forte et exemplaire. Le jour d’après est beaucoup plus grave pour Poutine que le jour d’avant, car je ne vois toujours pas comment il pourrait trouver un intérêt à l’occupation de l’Ukraine à moyen et long terme, même avec un régime fantoche. Il va devoir occuper ce pays par la force, avec un risque d’embourbement comme on l’a vu en Afghanistan.
Les avertissements et les sanctions n’ont pas pu freiner le pouvoir russe. L’Occident ne fait-il pas la démonstration de son extraordinaire faiblesse et naïveté ?
Je pense, en effet, que cette crise révèle des faiblesses dans le camp occidental. C’est un électrochoc pour l’Otan et pour l’Union européenne. Puisque nous sommes au pied du mur par la volonté de M. Poutine, nous devons réagir et agir, comme le dit Valérie Pécresse. Les défis sont clairs: pour notre sécurité, nous devons renforcer la capacité de défense de l’Union européenne, autonome et solidaire dans l’Otan. Nous devons également être moins dépendants des autres, et en particulier de la Russie, pour le gaz et le pétrole. Il faut diversifier nos sources d’approvisionnement, consommer moins et produire plus, notamment en matière d’énergie nucléaire. Notre souveraineté alimentaire est le troisième défi.
François Fillon vient de se retirer de deux géants de la pétrochimie russe. Qu’en pensez-vous ?
J’ai été ministre de François Fillon et je reste son ami. Il a pris ses responsabilités. Il a été la cible de ces petites polémiques insultantes, alors qu’il n’a plus aucune responsabilité publique aujourd’hui.
La Russie justifie son agression en réaction à la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Cette affaire a-t-elle été mal gérée par les Occidentaux ?
Depuis Nicolas Sarkozy, la France avait pris la mesure de cette ligne rouge pour Vladimir Poutine. Comme l’Allemagne, nous sommes opposés à cette perspective d’adhésion, mais il est vrai que les Américains ont beaucoup poussé en ce sens, sans tenir compte suffisamment de la dimension géopolitique et des craintes russes.
L’activité diplomatique d’Emmanuel Macron est-elle un atout ou une faiblesse ?
Les temps sont graves. Ils exigent de nous tous de la dignité et de la responsabilité. Je ne vais pas critiquer une tentative de dialogue d’Emmanuel Macron avec les Russes. Tous les dialogues étaient et restent utiles. Simplement, cette tentative aurait été sans doute plus efficace en étant moins tardive, et une visite chez M. Poutine du chancelier allemand et du président français ensemble aurait eu probablement plus de poids.
Valérie Pécresse aurait-elle agi différemment ?
La campagne présidentielle sera le moment du bilan, notamment en matière diplomatique. Depuis cinq ans, la diplomatie française a été marquée par l’improvisation, l’incantation et parfois l’arrogance. Valérie Pécresse aurait été moins arrogante et moins solitaire. Si Vladimir Poutine se retrouve embourbé dans un changement de régime, il cherchera une issue. Ce sera le moment de revenir alors à l’idée d’une conférence internationale sur la nouvelle architecture de sécurité en Europe. Valérie Pécresse l’a proposé dès le 26 janvier.
La campagne présidentielle aura-t-elle lieu et la candidature de Valérie Pécresse peut-elle encore émerger d’ici le 10 avril ?
Cette campagne prend une allure plus grave, mais rien ne permet de justifier qu’elle n’ait pas lieu. Nous allons enfin parler des grands défis globaux, comme le terrorisme, le changement climatique, les défis migratoires, la maîtrise des grands groupes numériques et des marchés financiers… Donc, oui, cette campagne aura lieu, car les Français doivent être respectés. Valérie Pécresse dispose d’une triple force. La première est son caractère, sa capacité de résilience. Elle peut aussi compter sur la diversité des personnalités qui l’entourent. Depuis 1958, notre famille politique gagne quand elle ressemble à la France. Notre candidate peut également s’appuyer sur le parti d’opposition le plus puissant. Sa pratique du jeu collectif sera sa grande différence avec Emmanuel Macron. Elle n’aura pas cette méfiance à l’égard du Parlement, cette distance à l’égard des syndicats, ni cette arrogance à l’égard des collectivités locales. Elle a les qualités nécessaires pour tenir sa place à la tête de l’État, à la hauteur des grands enjeux. Sa ligne politique est celle de l’autorité, du travail et de la transmission. La campagne est difficile. Nous devons faire bloc autour d’elle. Pas uniquement les élus ou cadres de notre parti. Mais aussi nos électeurs, qui nous ont accordé leur confiance lors des élections municipales, départementales et régionales, pour bâtir des exécutifs responsables et efficaces. Mais tous ceux qui veulent une alternance sérieuse et crédible doivent mesurer que seule Valérie Pécresse peut l’incarner. On voit bien qu’elle est la cible du pouvoir comme de l’extrême droite. La candidate des Républicains est la femme à abattre parce qu’elle va troubler leur jeu et empêcher leur duo. Mais toutes ces attaques nous renforcent et sont stimulantes.
Sur quoi le premier tour se jouera-t-il ?
Sur la volonté de changement. Nous devons convaincre les électeurs tentés de voter pour Zemmour et Le Pen, qui sont en partie les nôtres, que le vote efficace n’est pas là. Quant aux autres, s’ils constatent que la France ne va pas bien et ne va pas mieux, comme 75% des Français le pensent, la seule voie possible est Valérie Pécresse. En essayant de faire le vide entre lui et l’extrême droite pour faciliter sa propre réélection, Emmanuel Macron joue avec le feu. C’est pourquoi nous voulons exprimer une troisième voie d’alternance, crédible et courageuse, avec Valérie Pécresse.
Nicolas Sarkozy s’engagera-t-il à ses côtés ?
J’ai été son ministre et je suis son ami. Nicolas Sarkozy a toujours su prendre ses responsabilités pour soutenir sa famille politique, donc je n’imagine pas le contraire aujourd’hui.
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