« L’Europe n’a pas encore tiré toutes les leçons de la crise sanitaire »
Les Républicains Éric Ciotti, François-Xavier Bellamy, Yannick Neuder et Laurent Castillo attirent l’attention sur l’enjeu sanitaire lors du prochain scrutin européen.
La première des préoccupations des Européens demeure la santé, loin devant la guerre, les questions énergétiques et la transition climatique, selon une récente étude. Pourtant, les débats en vue du scrutin du 9 juin semblent perpétuer une mauvaise habitude observée à l’occasion de nos propres élections : nous continuons à éluder la question du bien plus précieux des Français et des Européens : leur santé.
Parallèlement, les États membres de l’Union européenne font face à de nombreux défis de santé publique : pénuries de médicaments de plus en plus fréquentes, ruptures d’égalité d’accès aux professionnels de santé et, selon un rapport de l’OMS/Europe, beaucoup trop de ménages européens sombrent dans la pauvreté en raison de frais de santé.
Les débats de ces dernières années concentrés autour de la compétitivité économique, du retour de la guerre à nos frontières ou encore de souveraineté énergétique ne doivent pas nous faire oublier la menace directe que le déclin européen fait peser sur la santé des citoyens. À ce titre, la crise du Covid, en mettant en exergue nos faiblesses, a ramené les Européens à la réalité : nous payons des années de fragilisation de notre autonomie stratégique, de notre souveraineté sanitaire, de déclin industriel, de déficit d’investissements dans la recherche concomitamment à une explosion du nombre de maladies chroniques et à une accélération du vieillissement des populations.
L’Europe a pourtant un rôle majeur à jouer car, si elle ne s’est vu octroyer que récemment certaines compétences en matière de politique sanitaire, elle a aussi une responsabilité : créer les conditions favorables à un modèle coopératif de prévention et d’autonomie stratégique en santé.
La pierre angulaire de ce modèle reste la prévention avec une priorité des priorités : monter en puissance sur le dépistage des deux premières causes de mortalité en Europe, le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Si le cancer, diagnostiqué chez 2,6 millions d’Européens, fait l’objet d’un plan européen de lutte qui permettra d’ici à 2025 à 90 % des citoyens de l’Union d’avoir accès à un dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et colorectal, les maladies cardiovasculaires, elles, font l’objet d’une mobilisation bien plus timide. Selon Eurostat, un citoyen européen sur six est considéré comme obèse et les maladies cardiovasculaires sont à l’origine de quatre décès sur dix. Parallèlement, les maladies cardiaques structurelles se développent à bas bruit : 14 millions de personnes en sont atteintes en Europe. Cette épidémie silencieuse doit appeler à un sursaut préventif.
La prévention doit également impliquer une mobilisation totale vis-à-vis des facteurs de risque environnementaux, notamment l’alimentation. Il devient donc impératif d’aller plus vite et plus fort pour assurer une information éclairée des consommateurs sur les risques pour la santé. À ce titre, nous devrons trancher la mise en place d’un étiquetage nutritionnel commun aux 27.
La prévention ne peut également rien sans la recherche. Une coopération de tous les États membres est incontournable pour faire avancer et rendre accessibles les traitements contre les pathologies rares et orphelines. Nous proposons, à ce titre, de doubler le budget de l’Union européenne consacré à la recherche et à l’innovation à l’horizon 2027 en y consacrant 4 % du PIB européen. Si l’Europe est en pointe sur les centres d’excellence, elle éprouve souvent des difficultés à obtenir de grandes réussites sur le terrain des innovations de rupture, comme l’intelligence artificielle en santé. Nous creusons un écart considérable avec les États-Unis : moins de 5 % des brevets mondiaux en IA sont européens à l’heure où nous vivons une révolution en matière de diagnostic et de diagnostic prédictif. Cet effort doit être assorti d’un choc d’attractivité en matière d’investissements en R&D privée car les entreprises européennes reculent nettement dans les classements mondiaux en la matière, derrière la Chine et les États-Unis.
Le retour d’une autonomie stratégique robuste passe également par plus de synergies et de coopérations des États membres en orchestrant tout ce qui constitue l’excellence européenne. La coopération sanitaire transfrontalière doit être le socle de cette ambition pour favoriser la mobilité des patients et des professionnels de santé et mutualiser les équipements. Il faut donc développer des pôles transfrontaliers de médecine hospitalière sur le modèle de l’hôpital européen de Cerdagne, dans les Pyrénées espagnoles, qui a plus que fait ses preuves.
Le dernier préalable pour rebâtir notre autonomie stratégique en santé est double : protéger les Européens face à la dépendance asiatique aux produits de santé et aux pénuries qui en découlent mais aussi en favoriser l’accès plus rapidement, notamment s’agissant des innovations thérapeutiques. Les travaux du Parlement européen ont mis en évidence que les pénuries de médicaments au sein de l’Union ont été multipliées par vingt entre 2000 et 2018. Les Européens font d’ailleurs face à une double peine en matière d’accès aux soins : ils subissent les pénuries tout en pâtissant d’un règlement lourd qui retarde la mise sur le marché des médicaments.
Nous plaidons donc pour une obligation de stocks stratégiques européens de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et de vaccins adossée à la création d’un fonds européen à la relocalisation des industries pharmaceutiques. Parallèlement, nous aurons besoin de réformer les procédures de mise sur le marché et d’accès précoce aux médicaments, pour lesquelles l’Agence européenne des médicaments (EMA) reste loin derrière la Food Drug Administration (FDA) américaine en matière de délais d’évaluation. C’est un chantier majeur.
En outre, l’exemple très médiatisé de la vente de Biogaran, géant pharmaceutique français menacé par un rachat indien, nous oblige à revoir notre arsenal de protection des filières d’intérêt supérieur. Avec près de 90 % des boîtes de Biogaran produites en Europe et plus de la moitié en France, nous n’avons pas le luxe de les voir partir en Asie. Il faut pouvoir s’inspirer du modèle français qui permet d’intervenir face aux menaces de rachat d’une entreprise étrangère ou par un renforcement du contrôle des investissements étrangers provenant d’États tiers à l’Europe.
Enfin, il faut que la France puisse être à l’avant-garde de cette union sanitaire. Longtemps vanté pour son modèle de protection sanitaire et sociale, son héritage et sa crédibilité en matière de progrès scientifiques et d’innovations de rupture, le pays de Pasteur et de Charcot n’a plus la même aura qu’auparavant.
Quelques indicateurs préoccupants doivent nous appeler à redorer notre blason, à l’image du dernier rapport de l’Organisation européenne du cancer. Il montre tout d’abord que la France fait figure de mauvaise élève s’agissant de la prévention du cancer avec un taux de dépistages de cancer du sein de 46,9 % contre 54 % en Europe. L’objectif primordial de la prévention demeure l’amélioration de l’espérance de vie en bonne santé, ce qui constitue également une source d’économies pour nos systèmes de santé. En France, cette espérance de vie n’est que de 64,6 ans, alors qu’en Suède, élève modèle européen, elle atteint 72,7 ans. Au-delà de la prévention, notre pays compte deux fois moins de médecins par habitant que la Grèce ! Enfin, en ce qui concerne la recherche médicale, l’année dernière, la France représentait 2,8 % des publications scientifiques internationales tous domaines confondus et se place derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie quand, parmi les 80 champions mondiaux en innovation en santé, le premier français – Sanofi – n’arrive qu’à la 23e position. La France doit donc urgemment rebâtir son modèle de prévention de soins, retrouver sa place d’ambassadrice des politiques de santé au sein de l’Union. Avant de vouloir bâtir son « Europe puissance », Emmanuel Macron devra d’abord balayer devant sa porte et se pencher sur la situation de son propre pays qui ne fait plus figure de modèle sanitaire et social.
Éric Ciotti, président des Républicains, député des Alpes-Maritimes
François-Xavier Bellamy, député européen, tête de liste des Républicains aux élections européennes
Yannick Neuder, député de l’Isère, vice-président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, médecin cardiologue
Laurent Castillo, professeur des universités, praticien hospitalier et candidat aux élections européennes sur la liste des Républicains
Annie Genevard, secrétaire générale des Républicains et députée
Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales du Sénat
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