Laurent Wauquiez : « Je ne voterai pas un budget avec de nouvelles hausses d’impôt »
Le président des députés Droite républicaine à l’Assemblée met en garde le Premier ministre François Bayrou à quelques heures de son discours de politique générale : « La France est au bord de la ruine ».
Laurent Wauquiez tire la sonnette d’alarme : « La France est au bord de la ruine ». Aux yeux du président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale, il faut baisser la dépense publique. « Seul chemin pour éviter d’augmenter les impôts » et retrouver une solidité financière.
On devrait bientôt connaître les arbitrages sur le budget. Avez-vous été rassuré de vos échanges avec Bercy ?
Je n’ai pas l’impression que tout le monde a bien compris la gravité de la situation : la France est au bord de la ruine. Elle est désormais considérée sur les marchés comme moins crédible que la Grèce. Je suis frappé de voir que, alors que nous détenons le record des prélèvements obligatoires, le débat politique consiste à se demander quel impôt on pourrait augmenter ou quelle nouvelle dépense on pourrait faire : hausse de la flat tax, nouvelle remise en cause des allègements de charges, suppression de l’abattement de 10 % pour les retraités, marche arrière sur les trois jours de carence dans la fonction publique et même maintenant suspension de la réforme des retraites.
En une heure d’échanges à Bercy, les ministres ne nous ont présenté aucune piste concrète d’économies. Ils parlent « de baisser la pente de la tendance haussière des dépenses ». Je ne sais pas ce que ça veut dire. La dépense, ça augmente ou ça baisse. Pour eux, une économie, c’est ralentir le rythme d’augmentation de la dépense ! Ça ne peut pas marcher comme ça. Sur 2 millions d’emplois dans la fonction publique d’État, ils prévoient une diminution d’à peine 2 000 pour 2025. Moi, je demande clairement qu’on baisse la dépense publique.
Le gouvernement n’exclut pas des hausses d’impôts ciblées, vous les comprenez ?
Diminuer la dépense publique est le seul chemin pour éviter d’augmenter les impôts. Notre économie décroche, les Français s’appauvrissent, car il y a trop de dépenses publiques et donc trop d’impôts et de charges. Ma priorité est d’avoir un budget qui protège les Français d’une crise de la dette. Je ne voterai pas un budget avec de nouvelles hausses d’impôts.
Vous avez eu des nouvelles de François Bayrou sur ce point ?
Non, et ce n’est pas une bonne méthode de travail alors que les nuages s’amoncellent à l’horizon.
Vous proposez quoi ?
Nous avons identifié 1 000 opérateurs, pour la plupart des autorités administratives situées à Paris, qui sont à l’origine de toutes ces normes qui écœurent les Français et qui étouffent l’économie. Pour un coût de 80 milliards d’euros. Nous demandons une baisse de 5 % de leur budget et que l’on s’attaque enfin à l’empilement des structures. A-t-on besoin, par exemple, d’un Office national des forêts, d’un Conseil supérieur de la forêt et du bois, d’un Comité national de la gestion des risques en forêt et d’un Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers ? Notre pays a multiplié les autorités administratives au lieu de renforcer ses services publics sur le terrain.
Ensuite, il y a trop d’assistanat dans notre pays et on a découragé le travail. Il faut créer une allocation sociale unique avec des heures de travail en contrepartie, en fusionnant la trentaine d’aides sociales qui sont devenues hors de contrôle.
Enfin, il y a les dépenses liées à l’immigration. On débat beaucoup de l’AME (aide médicale d’État), mais nous avons identifié un dispositif dont on parle peu et qui coûte très cher : le titre de séjour pour soins. Il permet de venir se faire soigner gratuitement en France, y compris pour des étrangers venant de pays riches comme la Suisse ou les États-Unis. Son coût se chiffre en centaines de millions d’euros.
Des économies, on peut en faire partout, il faut juste avoir le courage de s’y attaquer. J’ai géré la région Auvergne – Rhône-Alpes pendant sept ans sans la moindre d’augmentation d’impôts et de taxes, sans augmentation de la dette, en faisant des économies de 15 % sur les dépenses de fonctionnement, et avec, au final, une solidité financière similaire à celle de l’Allemagne.
Aujourd’hui, le gouvernement table sur 50 milliards de réduction du déficit et un déficit à 5,4 % du PIB. C’est suffisant ?
Ce qui compte, c’est que les engagements soient ensuite tenus et avec des vraies économies. On doit retrouver du sérieux. La légèreté des quinquennats de François Hollande et d’Emmanuel Macron nous a trop coûté. Le budget présenté par Bruno Le Maire était un décor de théâtre.
Pour boucler le budget, le gouvernement discute notamment avec la gauche, ça vous gêne ?
Ce qui me gêne, ce n’est pas de discuter avec la gauche, c’est de tout leur céder. J’ai le sentiment que la priorité du gouvernement est de négocier une assurance vie auprès du Parti socialiste, quelles qu’en soient les conséquences pour le pays. Ce que demande le PS est irresponsable.
La gauche demande de revenir sur la réforme des retraites…
Que le gouvernement ne perde pas de vue la gravité de la situation : il faut protéger la France de la tempête de la dette qui s’annonce. Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable. Les retraités seront les premières victimes parce qu’ensuite, on viendra expliquer qu’il faut baisser les pensions. J’ai toujours dit que cette réforme était perfectible, mais pas s’il s’agit de creuser encore plus de déficits. La suspendre sans scénario alternatif revient à sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la Droite républicaine !
Michel Barnier vous avait proposé Bercy. Vous ne regrettez pas d’avoir refusé ? Vous auriez pu agir…
Je n’ai pas l’obsession du maroquin ministériel et je préfère être utile à ma place en gardant ma liberté de parole et d’action. Nos députés s’emploient à mettre de la responsabilité et du bon sens dans un débat politique qui en manque cruellement. Nous le faisons en mettant systématiquement des propositions sur la table. La Droite républicaine a retrouvé de l’unité et de la cohérence.
Que demandez-vous au Premier ministre pour son discours de politique générale ?
Nous demandons que François Bayrou prenne en compte trois priorités. D’abord, la restauration de l’ordre : faisons adopter, comme nous l’avons fait pour les JO, une loi spéciale pour la construction de prisons. Aucune politique pénale ne sera efficace s’il n’y a pas de place en prison. Deuxième point, l’immigration. Il n’est pas juste que les étrangers bénéficient gratuitement de notre système social s’ils n’ont pas cotisé un minimum. Nous demandons que ne puissent bénéficier des prestations sociales que ceux qui sont en France depuis trois ans. Sinon, c’est injuste et ça crée un appel d’air. Enfin, le travail doit payer plus. En France, règne aujourd’hui, malheureusement, le « travailler plus pour payer plus » : plus d’impôts, plus de charges. On décourage tous ceux qui se donnent du mal, travaillent, entreprennent. On est au bout d’un système qui tolère trop d’abus et fait payer à l’arrivée ceux qui travaillent. On a besoin d’une refondation de notre contrat social autour de la valorisation du travail et de la lutte contre l’assistanat.
Si François Bayrou ne vous suit pas, vous voterez la motion de censure ?
C’est trop facile de dire que si on n’est pas entendu, on fera tomber le gouvernement. Mais c’est irresponsable. Je ne fais pas partie de ceux qui agitent la menace d’une motion d’une censure. Les artisans du chaos ont une lourde responsabilité dans l’impasse dans laquelle nous sommes. Marine Le Pen, qui l’a votée avec Jean-Luc Mélenchon, a fait passer l’intérêt de la France au second plan. Nous serons exigeants, mais responsables.
Vous parlez d’unité, mais, au sein de LR, on vous reproche d’avoir joué trop perso ces derniers mois pendant les négociations avec Barnier et Bayrou. Quitte à débrancher Bruno Retailleau de consultations…
J’ai, au contraire, tout fait pour que notre famille politique puisse peser au sein du gouvernement, sans y entrer moi-même.
Ça vous ennuie que Bruno Retailleau prenne la lumière ?
C’est, au contraire, très important pour nous qu’il puisse agir et avoir des résultats. On travaille ensemble et notre groupe fait tout pour l’aider. Si la Droite républicaine porte le 6 février à l’Assemblée une proposition de loi pour restreindre le droit du sol à Mayotte, c’est justement pour le soutenir. Au moment où l’on s’efforce de refonder la droite, je vois bien la tentation de certains d’écrire le récit d’une nouvelle guerre d’ego. Je n’ai pas l’intention de tomber dans les divisions. Je suis le premier à me réjouir de l’action de Bruno Retailleau et de nos ministres.
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