Laurent Wauquiez : « Agnès Pannier-Runacher ne connaît à rien à l’agriculture »
Après trois semaines de tour de France agricole, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes met en garde le gouvernement. Celui qui se prépare pour 2027 souligne notamment que « la colère des agriculteurs est toujours là ».
« L’agriculture est une leçon d’humilité, on apprend toujours… » On se sait pas si Laurent Wauquiez a beaucoup appris en se rendant au domaine viticole du Peirecèdes, dans le centre Var, ce mardi midi. En tout cas, il a pris beaucoup de notes en vue d’une proposition de loi agricole. Trois semaines qu’il sillonne les régions françaises pour distiller également sa bonne parole. Lui prêche notamment pour « la suppression » de l’Office français de la biodiversité (OFB) pour « taper un gros coup dans la fourmilière ». Parmi ses autres cibles, les normes administratives, l’INRA, « trop dans la théorie pas assez dans la pratique » ou encore le Rassemblement national.
Vous terminez votre tour de France agricole. Quels enseignements en tirez-vous ?
Que le gouvernement fasse très attention ! Parce que les attentes sont fortes. La colère est toujours là, le feu couve sous les braises. Si le gouvernement pense qu’il a acheté le silence avec des aides, il se trompe lourdement. On a des agriculteurs qui n’ont pas construit des barrages pour avoir des aides, mais pour avoir une juste rémunération du fruit de leur travail et la reconnaissance de la dignité de ce qu’ils font.
Pour la FNSEA, reçue hier à Matignon, la mise en place des annonces ne va pas assez vite. C’est aussi votre sentiment ?
Je suis inquiet. Ma préoccupation, c’est que ça aille mieux pour les agriculteurs. Il faut du concret. Il y a urgence. Or, depuis que l’attention médiatique est retombée, on voit le retour du vieux discours classique. Je ne voudrais pas qu’on trompe les agriculteurs, qu’on joue la montre et qu’il n’y ait pas de changement. Sinon, ça serait terrible. Je connais trop la musique.
Certains changements demandent du temps…
Certaines règles relèvent juste de décrets qui dépendent du ministre. Ils pourraient être signés le matin et être appliqués le soir. Je pense à un certain nombre de normes qui pénalisent l’arboriculture, l’horticulture ou à des règles sur le système de production dans l’élevage qui créent une distorsion de la concurrence par rapport aux Pays-Bas, à la Pologne. Il y a plein de choses qui ne relèvent que de la France.
Les associations écologistes dénoncent la mise en pause du plan Ecophyto, qui prévoit le retrait des substances les plus préoccupantes et la sortie du glyphosate…
Ce ne sont pas des associations écologistes, ce sont des extrémistes, des idéologues. Les mêmes ont pénalisé le nucléaire et nous ont amenés à rallumer les centrales à charbon. Les mêmes plantent des poignards dans le dos de notre agriculture, au lieu d’aller contrôler ce qui débarque dans les ports à Marseille ou à Dunkerque. Ils feraient mieux d’ailler en Chine ou aux États-Unis pour dénoncer ce que sont ces agricultures-là, intensives, non familiales, non respectueuses de l’environnement. Contrairement à la nôtre. Si on est écologiste en France, il faut défendre notre agriculture, pas la pénaliser.
Que pensez-vous du choix d’Agnès Pannier-Runacher, comme ministre déléguée à l’Agriculture auprès de Marc Fesneau ?
Je ne veux pas faire de procès d’intention, ni de délit de faciès. C’est quelqu’un qui investit ses dossiers. La seule chose, c’est qu’elle ne connaît rien à l’agriculture. Il va falloir qu’elle apprenne. Je jugerai le résultat. Mais vous savez, il y a trop de politiques qui pensent s’y connaître en agriculture parce que leur grand-mère habitait près d’une ferme. Sauf que l’agriculture, c’est très technique. Personnellement, c’est un des domaines qui me demandent le plus d’énergie pour comprendre les enjeux. À Paris, ils pensent que l’agriculture se traite à coups de com.
Votre regard sur la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Quand je vois la réussite du rosé de Provence, avec 40 % d’export, est-ce qu’on n’en rêverait pas pour toute l’économie française ? Je suis fier de ça. On devrait l’être davantage.
Pour les Européennes, les agriculteurs sont convoités pour figurer sur les listes des partis. Côté LR, on parle pour la deuxième place de Céline Imart, céréalière du Tarn…
Pour les noms, c’est Éric Ciotti qui prend les décisions. Mais comme moi, il souhaite qu’il y ait des agriculteurs en bonne place sur notre liste. C’est important. Au sein des Républicains, on les a toujours défendus depuis Chirac. Au Parlement européen, toutes les propositions ont été portées par LR. Certains partis qui parlent devant les caméras, y compris d’extrême droite, n’ont rien fait quand ils étaient à Bruxelles depuis 5 ans. Et même rien du tout sur les sujets agricoles.
Le Rassemblement national prétend être « le seul parti à défendre le monde rural et les agriculteurs »…
Je vais être très clair : Jordan Bardella a été l’un des eurodéputés les plus abstentionnistes. Ça veut dire qu’il a touché son salaire européen mais qu’il n’a rien fait. Ce n’est pas ma conception de la politique.
Certains voient dans votre tour de France agricole une précampagne présidentielle…
Vous voudriez que je reste dans mon bureau ? Certains le font. Pour moi, la politique se fait sur le terrain. Je le faisais hier, je le ferai demain. Et dans ma préparation pour redresser le pays, c’est une étape essentielle. Il faut prendre le temps d’échanger, d’apprendre, de mesurer les difficultés. Aujourd’hui, les Français ont l’impression de ne plus être écoutés par leurs élus.
Un mot sur Xavier Bertrand qui s’est déclaré candidat LR à la présidentielle de 2027…
Toutes les ambitions sont légitimes. Mais ça ne suffira pas. Si on pense que ça marchera demain avec les recettes du passé, les mêmes idées reçues, le même fonctionnement, ça ne réussira pas. Il faut qu’on se remette en question. C’est ce que je fais tout le temps pour créer quelque chose de nouveau.
Rayon investissement culturel, vous avez récemment eu le soutien Rachida Dati, exclue des LR après sa nomination au ministère de la Culture…
(Rires) Ça m’a fait plaisir parce qu’on a la même bataille. Celle du rééquilibrage. Dans notre pays, le ministère de la Culture met 800 euros par habitant à Paris. C’est normal qu’il y ait plus d’argent là-bas. Mais dans nos régions, il met moins de 20 euros. La précédente ministre de la Culture (Rima Abdul-Malak) ne m’avait pas entendu. Là, on a une ministre de la Culture qui met les pieds dans le plat et qui dit qu’on a une culture trop parisienne. Dans le Var comme en Auvergne, on aurait tort de ne pas s’en réjouir.
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