Jean Leonetti : « Sur la fin de vie, Macron multiplie les contradictions »
Jean Leonetti, maire LR d’Antibes, a donné son nom à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ainsi qu’à la loi du 2 février 2016 (Claeys-Leonetti) relative aux droits des patients en fin de vie.
Comment accueillez-vous le projet de loi sur la fin de vie prévue « d’ici la fin de l’été » par le président de la République ?
Sur la fin de vie, Emmanuel Macron, dans la précipitation, multiplie les contradictions. Son annonce, surprenante et décevante, est un revirement par rapport à sa position antérieure qui consistait à prendre son temps sur ce sujet complexe. Une prudence d’ailleurs confirmée au cours du repas organisé à l’Élysée, le 9 mars. Mais cette annonce présidentielle est aussi en contradiction avec l’idée selon laquelle les soins palliatifs devraient être préalablement dispensés de manière équitable sur l’ensemble du territoire. Une telle accélération du calendrier ne donne ni le temps, ni la possibilité de répondre à cet objectif majeur compte tenu de la situation de nos hôpitaux et des difficultés de recrutement. Avec l’instauration d’une aide active à mourir, les Français seront donc traités de manière inégale face à leur fin de vie car on sait que la prise en charge des patients en soins palliatifs diminue fortement leur demande de mort. Par ailleurs, l’annonce d’un projet de loi n’est pas une surprise.
Pourquoi ?
Une fois le processus de la convention citoyenne enclenché, le président de la République n’avait pas d’autre choix que de légiférer, sous peine d’être accusé de ne jamais suivre l’avis des conventions qu’il a créées. Il ne faudrait cependant pas que cette loi apparaisse comme un marqueur exploité pour sortir de la crise politique générée par la réforme des retraites, comme si Emmanuel Macron cherchait à reprendre la main. Les lois sociétales ne peuvent pas être des compensations aux lois sociales.
Mais comment fallait-il s’y prendre pour répondre à une attente que les sondages estiment majoritaire dans l’opinion ?
Dans les sondages, comme toujours, on interroge des gens bien portants sur une situation qu’ils n’ont vécue qu’au travers de l’expérience d’un être cher disparu. Les choses sont différentes lorsque le pronostic vital est engagé, et jusqu’au moment ultime, les patients sont tiraillés entre le désir de mort et le désir de vie.
Le chef de l’État souhaite l’élaboration d’un « modèle français » de la fin de vie. Que lui répondez-vous ?
Que ce modèle existe déjà : c’est la loi actuelle ! Elle va très loin dans le respect de l’autonomie et la préservation solidaire de la dignité de la personne sans donner la mort. La légalisation du suicide assisté type Oregon dans notre pays, qui semble bien être l’objectif de l’exécutif, aboutira à adopter, quoi qu’on en dise, un système nord américain, à quelques détails près.
En quoi ce système pose-t-il problème et pourquoi mettez-vous en garde la France contre un alignement sur des pays « moins-disant éthiques » ?
Le système nord-américain n’est pas fondé sur le même degré de solidarité que le nôtre. Selon les données canadiennes, le suicide assisté s’adresse principalement aux plus pauvres de la population, situation qui serait inacceptable en France. Dans le monde, il existe une grande variation des règles éthiques : on vend des reins en Amérique du Sud, on autorise des mères porteuses même dans certains pays européens. La France se doit, dans ce domaine, de tracer un modèle original.
Une telle loi vous semble-t-elle plutôt de droite ou de gauche ?
Sur ces sujets éthiques, les avis ne sont pas dictés par les étiquettes politiques. Chacun est libre d’avoir ses opinions personnelles basées sur ses convictions philosophiques, religieuses ou sur ses expériences de la vie. Il est paradoxal cependant que la gauche ne penche pas plutôt du côté de l’éthique de la vulnérabilité par rapport à une éthique de l’autonomie. La première est un message collectif de protection, la seconde est un message individuel de liberté. Dans ce domaine, je note que la droite s’est toujours engagée du côté de la fraternité et de la solidarité (loi sur le handicap, loi sur la fin de vie…).
Pourquoi n’avez-vous pas été auditionné par la convention citoyenne ?
La date qui m’était proposée ne correspondait pas à mon agenda et ma proposition d’une contribution écrite n’a pas été retenue. Si j’étais absent lors de la restitution, c’était parce que j’avais le sentiment que les jeux étaient déjà faits. Le président a voulu donner une impression d’écoute et de doute mais en réalité la décision d’une loi était déjà prise. De plus, ses annonces devant cette convention citoyenne apparaissent comme une nouvelle façon de contourner les parlementaires, alors même qu’ils devraient être associés à une vraie réflexion transpartisane conduite par des sénateurs et des députés.
Cette perspective d’une autorisation du suicide assisté en France est-elle conciliable avec votre vocation de médecin ?
Le corps médical cherche toujours un équilibre entre la performance technique et l’humanité du soin. Aujourd’hui, il est évident que tout ce qui est techniquement possible n’est pas toujours humainement souhaitable. Les traitements peuvent être suspendus mais jamais les soins. La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. Le suicide assisté qui, pourtant, n’implique pas directement le corps médical, peut être considéré par certains comme un « moindre mal », mais cela reste un mal. Si j’étais parlementaire français, je ne voterais pas la loi annoncée par Emmanuel Macron.
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