Gérard Larcher : « La laïcité doit être au-dessus de tout »
Plus de trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, une commission d’enquête parlementaire du Sénat a rendu ses préconisations pour éviter de nouveaux drames. Le président de la chambre haute s’inquiète d’une « violence devenue endémique en milieu scolaire ».
En parallèle, du rendu des préconisations de la « commission Paty », le Sénat organisait une agora « Laïcité menacée, République en danger » avec notamment le philosophe Marcel Gauchet, la politologue Chloé Morin ou encore Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis et coauteur de « Préserver la laïcité ».
Un sondage CSA, commandé par le Sénat et dévoilé à cette occasion, montre des Français profondément attachés à la laïcité mais qui la perçoivent aujourd’hui en danger. C’est dans ce contexte que Gérard Larcher, président de la Chambre haute, revient sur les recommandations de cette commission pour « le Parisien » – « Aujourd’hui en France ».
Le Sénat a rendu les conclusions de son enquête sur les menaces dont sont victimes les enseignants, dite « commission Paty ». Quel est le constat ?
Cette commission d’enquête était indispensable pour faire la lumière sur ce que vivent nos enseignants à l’école. La violence est devenue endémique en milieu scolaire, elle touche deux établissements sur trois, tous les territoires de la République. Dans le même temps, on constate une remise en question de plus en plus grande, à la fois des enseignants et des enseignements. Quand on a 50 % des enseignants qui s’autocensurent, il y a un sujet ! Dans une République laïque, ce n’est pas acceptable, il est temps de réagir. L’exemple récent du proviseur menacé de mort à Maurice-Ravel illustre bien ce problème. Aujourd’hui, les lois de 1905, de 2004 doivent être appliquées, les enseignants doivent être protégés et les savoirs fondamentaux enseignés. On ne peut plus reculer sur l’école. Elle doit être la priorité nationale.
Que préconisez-vous ?
Je veux rendre hommage aux deux présidents de commission qui ont mené cette mission conjointe de contrôle : François-Noël Buffet (LR) et Laurent Lafon (Union centriste). Les sénateurs font des propositions très claires : promouvoir la laïcité, former le personnel pour faire face aux contestations de renseignement et renforcer l’autorité de l’institution scolaire. Cela implique un rappel aux familles des prérogatives de l’enseignant, une charte des parents et un protocole de responsabilisation qui peut aboutir à des sanctions comparables à celles appliquées pour la non-assiduité à l’école (jusqu’à deux ans de prison et 30 000€ d’amende). Dès qu’il y aura violence, refus d’enseignements, il doit y avoir sanction. Il y a également un travail de sécurisation des établissements à faire, tout comme il est nécessaire d’améliorer la protection fonctionnelle des enseignants. L’autorité et le respect du maître doivent être rétablis !
Ces préconisations auraient-elles pu éviter l’assassinat de Samuel Paty ?
Il est difficile de répondre à cette question. Mais si ces préconisations étaient appliquées, les choses iraient déjà mieux !
Comment ces propositions vont-elles se traduire concrètement ? En proposition de loi ?
Il appartiendra aux sénateurs Buffet et Lafon, rapporteurs de la commission, de les faire. Ma demande s’adresse au Premier ministre. Il a dit que la question de l’école était une priorité absolue : qu’il s’empare des travaux du Sénat. C’est un sujet sur lequel on peut se retrouver, au-delà des clivages !
Vous avez parallèlement commandé un sondage sur la laïcité. Ses résultats vous inquiètent-ils ?
Le concept de laïcité est globalement compris et intégré par l’opinion, et il est perçu comme un des piliers de la République, même s’il n’est pas toujours simple à faire appliquer. Il y a selon moi trois enseignements et donc trois défis à relever. Le premier concerne nos compatriotes de confession musulmane qui sont plus dubitatifs sur le concept de laïcité. Il faut leur démontrer que ce n’est pas une contrainte mais une chance, y compris pour l’expression de la foi. Nous devons aussi faire un travail en direction des jeunes qui sont dans le doute concernant la laïcité. Il nous faut rappeler que ce n’est pas un concept du passé mais une condition du vivre ensemble. Le troisième défi concerne la différence d’application de la laïcité entre le public et le privé, en fonction des règlements intérieurs des entreprises. La laïcité doit être au-dessus de tout. La République ne peut plus reculer sur ce sujet car, sinon, elle est en danger.
Quel danger ?
Je suis agréablement surpris par l’attachement des Français à la laïcité, qui est un concept singulier, mais nul ne peut ignorer les tentatives de déstabilisation de notre laïcité par l’islam radical. Il faut protéger notre vivre ensemble, éviter qu’il y ait des zones dans lesquelles on vive séparément, où l’on ne puisse plus partager la même histoire ou recevoir le même enseignement.
Faut-il modifier la loi de 2004 ? Elle encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Non, il faut l’appliquer avec la plus grande fermeté et protéger ceux qui la font appliquer.
Vous espérez que le président de la République prenne ce problème à bras-le-corps ?
Le président de la République a semblé avoir quelques hésitations, mais il en est revenu. Ce sujet doit de toute façon être l’objet d’un large rassemblement et non de clivages. Nous pouvons nous rassembler autour du concept de laïcité, en 2024, dans la République. C’est une nécessité, et d’autres événements nous le rappelleront. Il y aura d’autres Maurice-Ravel, d’autres violences.
>> Lire l’interview sur LeParisien.fr
L’article Gérard Larcher : « La laïcité doit être au-dessus de tout » est apparu en premier sur les Républicains.