Gérard Larcher : « Emmanuel Macron tente d’enjamber la présidentielle »
Pour le président du Sénat, l’absence de campagne pose une question de légitimité.
Que pensez-vous du déroulement de cette présidentielle ?
Face aux images bouleversantes de l’Ukraine, l’unité de l’Europe tient et la solidarité avec le peuple ukrainien m’apparaît sans faille. Le courage du président Zelensky force l’admiration. Dans un tel contexte, il ne peut pas y avoir d’autre réaction que l’unité nationale et européenne. Mais cette situation bouscule la présidentielle et le rendez-vous démocratique ne peut pas être occulté.
Quels sont les risques ?
S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera. Notre pays fracturé, endetté et confronté à de multiples problèmes a besoin de ce débat. Le président de la République veut être réélu sans jamais avoir été réellement candidat, sans campagne, sans débat, sans confrontation d’idées. Tous les candidats débattent sauf lui. C’est un paradoxe !
Le chef de l’État a déjà répondu qu’aucun président sortant avant lui n’avait accepté de débat au premier tour…
Mais étions-nous dans la même situation qu’aujourd’hui? Au moment où un appel à l’unité du pays s’impose, il est impossible de museler le débat démocratique. Il est important au contraire de retrouver un équilibre et des règles. Être en tête dans les sondages n’est pas une raison suffisante pour enjamber l’élection et considérer que ce scrutin n’est qu’une formalité, ne serait-ce que par respect de la démocratie. Comment imaginer une présidentielle, clé de voûte de nos institutions, sans débats devant les élus, les policiers, les organisations syndicales, les territoires… À moins de quatre semaines du premier tour et face aux cinq années qui viennent, nous ne pouvons pas nous résoudre à une telle absence de confrontation. Attention ! Quel que soit le vainqueur du scrutin en avril, les conditions de cette élection construiront sa légitimité. Cette légitimité sera plus que nécessaire face aux défis économiques qui se présentent, aux risques majeurs d’inflation, aux tensions sur le pouvoir d’achat, aux questions non traitées en matière d’ordre, de sécurité et d’immigration. Toutes ces réalités seront extrêmement présentes et nous devons nous attendre à de puissantes déstabilisations sur le plan international. Le prochain quinquennat sera très difficile. Le quoi qu’il en coûte ne peut se transformer en quoi qu’il advienne. Il faudra un quinquennat de vérité.
Cette volonté présidentielle de ne pas débattre révèle-t-elle quelque chose d’Emmanuel Macron ?
Il n’a sans doute pas envie de confronter son bilan aux réalités. Mais cela n’est pas sain pour la démocratie française.
La petite musique des sondages semble dire que cette élection serait «pliée». Quel est votre avis ?
Les Français trancheront les 10 et 24 avril. Ce choix s’imposera à tous. Mais il reste 24 jours de campagne. Il faut les mener à fond, totalement et calmement, devant les Français, sans surfer sur les angoisses ou les promesses irréalistes et donc sans lendemain. Souvenons-nous : un mois avant les régionales, on nous annonçait trois régions aux mains du RN. Chacun a vu le résultat de ces prévisions.
Valérie Pécresse a-t-elle encore une chance de s’imposer ?
Il faut mettre le paquet, ne pas mollir ! Rien n’est jamais joué avant l’élection. Moi, j’ai des convictions, un engagement et des principes qui ne varient pas en fonction des enquêtes d’opinion. Je suis à ses côtés avec d’autres sur le terrain pour persuader les Français que Valérie Pécresse est la seule alternative à Emmanuel Macron.
Comment jugez-vous sa campagne ?
Elle a reconnu elle-même que son meeting du Zénith n’avait pas été une réussite sur la forme mais je ne crois pas que cela soit suffisant pour la disqualifier. Elle mène une campagne courageuse et difficile où elle concentre toutes les attaques. On ne lui pardonne rien mais les Français ont découvert, notamment lors de son dernier débat face à Éric Zemmour, une combattante qui sait faire front dans l’adversité. Elle tient le choc en s’appuyant sur un projet sérieux, solide et chiffré contenant plusieurs engagements : ordre, finances publiques, République des territoires, vraies politiques de la santé, de l’école et de la réindustrialisation. Valérie Pécresse dit la vérité sur l’immigration : elle ne confond pas islam et islamisme et pense, comme je le crois, que promettre l’immigration zéro, c’est mentir. Si tous ces sujets ne sont pas traités, le glissement vers la droite radicale se poursuivra. Elle peut compter enfin sur une équipe performante, compétente, tout en disposant d’un solide appui territorial.
Si Valérie Pécresse dispose de tels atouts, pourquoi son projet peine-t-il à percer ?
Dans cette campagne, la forme l’emporte sur le fond. Je le regrette. Elle est la cible d’une forme de harcèlement, voire de «Pécresse bashing». Avant son débat face à Éric Zemmour, tout le monde s’attendait à ce qu’elle se fasse «massacrer», si j’en crois d’ailleurs le tweet d’un ex-LR de Paca dont j’avais pourtant soutenu la candidature… Mais Valérie Pécresse a surclassé son adversaire.
Ce débat était-il au niveau d’une présidentielle…
La candidature d’Éric Zemmour l’est-elle? Il est difficile de débattre à un niveau présidentiel avec quelqu’un qui ne l’est pas. D’où la nécessité d’un débat avec le président de la République et d’autres acteurs de la compétition.
Que répondez-vous aux inquiétudes de certains parlementaires déjà concentrés sur les législatives ?
Il ne faut pas mélanger les échéances. La question de la structuration de la vie politique de demain se posera après l’élection. L’avenir ne pourra se construire que sur des valeurs, pas sur des calculs. Mais n’enjambons pas le 10 avril, comme Emmanuel Macron tente d’enjamber la présidentielle.
Nicolas Sarkozy se tient toujours à distance de cette élection. Comment observez-vous ce choix ?
Nicolas Sarkozy est naturellement libre de ses choix. Je constate qu’il n’a pas choisi à quatre semaines de l’élection. Valérie Pécresse trace sa route.
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