François-Xavier Bellamy : « L’Union européenne est engagée dans une fuite en avant »
Alors que la France se débat avec ses déficits budgétaires, François-Xavier Bellamy, député européen, prévient : il s’agit de sortir le pays de sa spirale infernale, pas d’y plonger l’Europe tout entière.
Le déficit français va atteindre 6,1 % fin 2024 (contre 4,5 % anticipé par le précédent gouvernement). La Commission européenne a-t-elle trop longtemps fermé les yeux sur ce mal français ?
Le vrai électrochoc, c’est d’abord le dérapage, le décalage répété entre les prévisions budgétaires du gouvernement et la réalité. Deux fois de suite, la France a annoncé que son déficit serait bien supérieur à la prévision initiale. L’histoire nous apprendra un jour pourquoi. Il serait parfaitement malhonnête d’accuser la Commission européenne sur ce point : ce sont les dirigeants français qui sont responsables de cette faillite budgétaire. Pendant la crise du Covid, tous les États se sont endettés. Il avait été convenu en urgence que les règles ordinaires de maîtrise des déficits seraient temporairement suspendues pour permettre aux États membres de réagir à l’immense crise économique provoquée par les mesures sanitaires. Mais une fois la pandémie derrière nous, nos voisins ont baissé leur dépense publique, pendant que la France continuait de s’endetter, complètement à contre-cycle. Le rétablissement des règles budgétaires normales devait conduire mécaniquement à placer le pays en procédure de déficit excessif.
Diriez-vous que la France a perdu tout ou partie de sa crédibilité à Bruxelles ?
Elle a perdu beaucoup de sa crédibilité, depuis des années. Non seulement à cause de son déficit budgétaire mais aussi, et ce n’est pas assez évoqué, à cause de son déficit commercial, qui me paraît être le symptôme le plus préoccupant de notre fragilité économique. N’oublions pas que les pays européens affichent en moyenne un excédent commercial : ils exportent plus qu’ils n’importent. Pendant ce temps, la France accumule les déficits budgétaires et des déficits commerciaux records : concrètement, cela veut dire que nous ne produisons plus, et que nous finançons notre consommation de produits importés avec de la dette publique. Comment notre État peut-il prétendre ensuite être crédible auprès de ses partenaires européens ? Si elle veut retrouver sa compétitivité, la France doit baisser le coût du travail, simplifier le code du travail, abroger les 35 heures, diminuer massivement les contraintes sur les activités de production, de l’industrie à l’agriculture… Elle doit redevenir un pays qui valorise le travail au lieu d’entretenir un modèle social fondé sur le déni de réalité.
Selon l’iFrap, la dette européenne va atteindre 1300 milliards d’euros. Ursula von der Leyen n’est-elle pas en train de faire à Bruxelles ce qu’Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont fait à la France ?
C’est une réalité : l’Union européenne s’est lancée dans une fuite en avant, avec une dette qui ne cesse d’augmenter. La première étape a été le grand emprunt souscrit au moment du plan de relance post-Covid. J’ai voté contre ce projet, comme toute ma délégation. Je n’ai cessé d’affirmer que cette dette commune était inutile : puisqu’aucun État membre de l’Union européenne n’a eu de difficultés d’accès au crédit pendant cette période, il n’y avait aucune raison de créer une dette à l’échelle européenne pour les soutenir. Et elle était surtout dangereuse : personne ne sait aujourd’hui comment s’effectuera le remboursement.
La Cour des comptes européenne a confirmé notre analyse, en montrant que beaucoup de ces fonds n’avaient en réalité jamais été engagés. Mais même s’il était superflu, cet emprunt va désormais coûter très cher. Il y a eu une forme de lâcheté collective de la part des États membres ; ils se sont mis d’accord sur un plan de 750 milliards d’euros tombés du ciel, sans décider dès le départ des modalités de son remboursement. Il va maintenant falloir trancher la question pour le prochain budget. Il y a trois mauvaises solutions : demander aux États membres d’augmenter leur contribution au budget de l’Union — et on imagine ce que cela veut dire pour un pays comme la France, qui est en train de se battre avec sa propre dette — ; ou bien sabrer de manière très violente dans les politiques structurelles — par exemple, diminuer massivement le budget de la politique agricole, en pleine crise majeure pour nos paysans… La dernière option serait d’emprunter à nouveau, ce qui signifierait de poursuivre cette fuite en avant.
Que pensez-vous du rapport de Mario Draghi, ancien président de la BCE, qui propose d’émettre des eurobonds pour financer les investissements futurs de l’Union par des capitaux privés ?
Les 400 pages de ce rapport ne se limitent pas à cette proposition, loin de là. Mario Draghi veut favoriser l’union des marchés de capitaux. Je pense aussi que le déclin de la finance européenne par rapport à la finance américaine est un sujet très préoccupant pour le financement de notre économie. Mais je ne crois pas du tout que ce soit en créant de la dette que l’on parviendra à affronter ce problème. S’il suffisait de créer de la dette publique pour permettre la puissance et la prospérité, la France serait le pays le plus riche et puissant d’Europe ; elle est en réalité le plus vulnérable, et ses citoyens paient le record d’impôts et de taxes de l’OCDE. Maintenant, ce devrait être le moment de sortir notre pays de ce cercle infernal, pas d’y plonger l’Europe tout entière.
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