François-Xavier Bellamy : « Il y a une relève à droite qui refuse les débauchages et les reniements »
Pour la tête de liste des Républicains, les élections européennes doivent permettre de bâtir un « vrai contre-pouvoir ». Très critique à l’égard d’Emmanuel Macron, le candidat se dit « fier » de sa campagne.
A cinq jours du scrutin, qu’avez-vous envie de dire aux électeurs ?
Je veux leur dire : malgré toutes les épreuves que traverse le pays, nous avons bien des raisons d’espérer. Les Français que j’ai rencontrés, pendant ces mois de campagne et ces années de ce mandat, ont un courage, une énergie, une volonté qui forcent l’admiration. Et il y a une relève à droite qui a la détermination nécessaire pour relever le pays. Pour le défendre en Europe d’abord : dans quelques jours, le parti de la droite européenne auquel j’appartiens deviendra la première force politique en Europe. C’est nous qui aurons enfin les leviers pour agir, pour que l’Europe retrouve un cap clair. Mais l’autre enjeu de cette élection, c’est bien sûr de sortir la France de la crise. Le duel Macron / Le Pen a vécu sur la défiance suscitée par les vieux partis de gouvernement. Je comprends les déceptions passées ; mais l’élection du 9 juin est l’occasion de tourner une page. Je ne me suis pas engagé pour refaire l’histoire, mais pour écrire l’avenir d’une droite renouvelée, sérieuse, cohérente. Votre vote peut donner l’élan dont nous avons besoin pour reconstruire.
N’est-ce pas une mission impossible de faire campagne pour un parti LR fortement affaibli par la dernière présidentielle (4,78%) dans un contexte où beaucoup d’électeurs de droite semblent toujours méfiant à l’égard de votre famille politique ?
Aucune mission n’est impossible quand l’avenir en dépend. En m’engageant dans cette campagne, je savais parfaitement que je ne faisais pas le choix du confort, du calcul ou de l’opportunisme. Certains changent de camp pour l’intérêt de leur carrière. Pour ma part je n’ai sans doute pas fait le choix de la facilité, mais le choix dont le pays a besoin : celui de la clarté et de la cohérence. Bien sûr, je mesure la difficulté. Mais je mesure surtout l’attente. Le rôle que nous devons assumer, personne d’autre ne le remplira. Si l’on en croit les sondages, je vois qu’un électorat de gauche veut faire de cette élection l’occasion de reconstruire une proposition socialiste, alors qu’elle paraissait définitivement disqualifiée. Je veux dire aux électeurs de droite qu’ils n’ont aucune raison de taire leurs convictions, de renoncer à défendre leurs idées, de reconstruire leur maison. C’est le moment de refonder cette famille politique qui peut seule répondre aux aspirations du pays.
Quels événements les plus marquants de cette campagne retiendrez-vous ?
La campagne a commencé avec le mouvement de révolte des agriculteurs. Leur colère, je l’ai exprimée depuis cinq ans au parlement européen. Ils subissent comme tous les Français les conséquences des choix politiques aberrants qui minent notre pays. Cette révolte, je l’ai entendue si souvent : artisans, commerçants, chefs d’entreprises, professionnels de santé, enseignants, policiers et gendarmes… C’est partout le même sentiment d’asphyxie auquel semble condamné tout un peuple qui travaille dur et qui n’arrive plus à s’en sortir. Des Français qui vivent en permanence sous la pression des contraintes, des contrôles, des charges, des normes et qui disent simplement : laissez-nous travailler ! Laissez-nous faire, laissez-nous vivre. Céline Imart, deuxième de notre liste, a fait partie de ces agriculteurs qui ont crié qu’”on marche sur la tête” ; les Français refusent de se résigner. Nous aurons été les seuls dans cette campagne à dire cette exigence de liberté, que je crois être la première condition pour sortir du déclin.
Quels adversaires jugez-vous les plus redoutables dans cette bataille ?
Mon adversaire le plus redoutable, c’est la mise en scène une nouvelle fois imposée aux Français pour leur voler cette élection, avec l’idée absurde que le débat opposerait populistes et progressistes. Ce théâtre d’ombres n’a pas d’autre but que de cacher le vrai enjeu de ce scrutin. Au parlement européen, le clivage oppose les deux forces politiques majeures que sont les socialistes et la droite, le PPE, auquel nous appartenons. Le vrai sujet est de savoir si nous parviendrons à sortir enfin de la majorité de gauche, à laquelle les élus macronistes et les écologistes ont participé pendant cinq ans. La France ne peut pas être condamnée à vivre ce perpétuel deuxième tour de l’élection présidentielle, dont la seule fonction est d’exonérer le macronisme de son bilan.
Que répondez-vous à Emmanuel Macron quand il soutient que ceux qui lui ont imposé le RN comme adversaire sont les Français ?
C’est faux. Les enquêtes d’opinion le montrent aujourd’hui : moins de la moitié des Français se reconnaît dans le débat entre le RN et lui. Nous ne sommes pas dupes de ce duo, dont les deux partenaires s’aident l’un l’autre à écraser le débat. Les Français ne sont pas dupes non plus. Je le vois au nombre de ceux, de tous bords, qui me remercient d’avoir exprimé ce qu’ils ressentaient après le débat entre M. Attal et M. Bardella. Si cette réaction a eu autant d’écho, c’est peut-être que j’ai été ce jour-là le porte-voix d’une France qui refuse de se laisser imposer cette fausse alternative.
Quelles sont les principales différences avec votre campagne de 2019 ?
La principale différence, c’est que maintenant tout le monde doit assumer son bilan. En 2019, beaucoup pouvaient croire encore qu’Emmanuel Macron allait réformer le pays, pour éviter le déclin. Mais force est de constater aujourd’hui qu’Emmanuel Macron est le déclin ! La dégradation de la note de la France par S&P confirme brutalement que le macronisme a aggravé l’enlisement du pays dans la spirale de la dette, de l’impôt, de l’appauvrissement économique et du dérapage budgétaire. Quant au RN, lui aussi a un bilan : on ne peut pas faire comme si le parti de Marine Le Pen était en apesanteur. Il a gagné l’élection européenne de 2019, comme celle de 2014 : qu’a-t-il fait de la confiance des Français depuis dix ans ? Avec trois fois plus d’élus que nous, il n’aura pas changé une virgule dans un seul texte européen. Les élus du RN n’ont ni gagné, ni même mené une seule bataille pour la France en Europe.
Dans ce cas, pourquoi le RN bat-il tous les records dans les sondages à la veille du scrutin ?
En mettant en scène ce duel, Emmanuel Macron a offert au RN les détresses du pays. C’est un mensonge : la France qui peine à joindre les deux bouts n’est pas représentée par un parti qui refuse de revaloriser le travail, de réformer le RSA, de rééquilibrer les retraites, et qui refuse lui-même de travailler ! Car en Europe, le RN est l’opposition fantôme qui arrange ce président. Il sait que nous sommes le vrai contre-pouvoir qui pèsera demain, au sein du PPE, pour empêcher de nouvelles étapes de sa fuite en avant – la création de dette et d’impôts européens, qu’il a proposés dans son dernier discours de la Sorbonne.
Certaines de vos interventions, contre les blocages de Sciences Po ou contre le débat Attal/Bardella, ont été perçues comme des réussites. Pourquoi n’ont-elles pas eu d’impact sur les sondages qui n’ont cessé d’estimer votre score entre 7% et 8% ?
Seul le vote du 9 juin comptera. Ce que je sais, c’est que partout en France, le regard des Français a changé avec cette campagne. Beaucoup m’ont dit qu’elle leur avait redonné de l’intérêt, de l’envie, de la fierté. Face à l’extrême-gauche, à la montée de l’antisémitisme, au relativisme qui menace notre débat démocratique, nous avons montré qu’il ne fallait rien céder. Une campagne sert aussi à cela.
Votre parti oscille entre une coalition avec le macronisme et une droite plus radicale incarnée par le RN et Reconquête. L’identité de LR ne s’est-elle pas diluée depuis l’élection d’Emmanuel Macron ?
Non, la droite n’oscille pas. Ces rumeurs ne se fondent sur rien et n’ont pour but que de nous déstabiliser dans ces derniers jours de campagne. Il y a sept ans qu’Emmanuel Macron est à l’Elysée : tous ceux qui sont engagés chez LR auraient eu cinquante occasions de basculer du côté du pouvoir. Les opportunistes sont partis ; ceux qui restent ont tenu bon, parce qu’ils savent que notre devoir est d’incarner une alternative. Le débat a été tranché : nous ne résoudrons pas les problèmes du pays avec ceux qui les créent. Pendant cinq ans, au parlement européen, je me suis confronté durement aux élus macronistes, premiers alliés de la gauche pour fragiliser nos frontières, saborder le nucléaire, organiser la décroissance agricole ou la dérive budgétaire, et même fermer les yeux sur l’entrisme islamiste qui menace nos institutions… Pendant ce temps, le RN était aux abonnés absents. Ceux qui veulent le statu quo peuvent voter pour ce duo. Moi, je veux le changement de cap.
Nicolas Sarkozy ne souhaite pas dévoiler quel sera son choix pour cette élection mais il a exprimé « beaucoup de sympathie » à votre égard. Recevez-vous ces mots comme un soutien ?
Je suis heureux si la campagne que je mène lui inspire de la sympathie. Je respecte le choix d’un ancien président qui ne souhaite pas rentrer sur le terrain électoral. Je comprends aussi nos différences de point de vue, puisque Nicolas Sarkozy continue de défendre la perspective d’une coalition avec le pouvoir, en laquelle je n’ai jamais cru.
Que dites-vous aux LR qui considèrent que vous n’avez pas été suffisamment soutenu par votre famille politique dans ce combat ?
Au contraire, cette campagne a été un moment d’unité pour la droite. En 2019, mon arrivée avait suscité quelques expressions de dissension ou d’incertitude. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, après cinq années de travail partout en France. Dans ce combat, j’ai eu la chance de compter sur la confiance et le soutien d’Eric Ciotti, de nos parlementaires, mais aussi de milliers de maires, d’élus qui pour certains ont choisi de revenir à cette occasion vers notre famille politique.
Dans quelle mesure le niveau de votre résultat dimanche sera-t-il déterminant pour l’avenir de LR ? Que ferez-vous après, si le score est décevant ?
On ne mène pas la bataille en se demandant ce qui arrive si on la perd. Si nous parvenons à retrouver les voix qui nous manquent pour reprendre notre élan, nous changerons l’histoire des années qui viennent. Pas celle d’un parti, mais celle du pays.
Les Républicains devront-ils opérer un acte de rupture avec tout ce que la droite a été, une fois le 9 juin prochain passé ? Une sorte de « nouveau départ »…
Oui, il faut un nouveau départ. Il y une relève à droite, qui a refusé le cynisme des débauchages et des reniements, qui veut la clarté dont la France a besoin, et qui sait gagner des batailles. Nous ne pouvons plus vivre à l’ombre d’un bilan qui n’est pas le nôtre. Après avoir changé de pied en trois jours sur la Nouvelle-Calédonie, Marine Le Pen m’a reproché la position de la droite sur les accords de Nouméa : quand ils ont été signés, j’avais douze ans… Je ne me sens ni juge, ni comptable du bilan. Le passé est fait de succès comme de déceptions. Avec quelques années d’engagement, je ne crois pas que mon devoir soit de distribuer les bons ou les mauvais points, mais de regarder lucidement cet héritage pour pouvoir reconstruire. Ce nouveau départ, je veux m’y consacrer. Il est la condition pour le relèvement du pays. Et pour le mener à bien, nous n’avons besoin que du soutien de tous les Français qui aspirent à voir se relever un mouvement politique clair sur ses valeurs et exigeant dans son action. Je veux leur dire : vous me connaissez, vous savez que je n’ai jamais varié. Si vous voulez reconstruire, c’est maintenant que cela se joue.
Lors de votre dernière scène à l’Olympia, vous citiez Platon : « les philosophes perdent toujours les élections… »
Platon croit qu’il faut mentir pour arriver au pouvoir car la foule est trop folle pour entendre la sagesse. Je pense le contraire. Aristote affirme que « tout homme, par nature, désire savoir ». Et puisque l’esprit humain est tourné vers la quête du vrai et du juste, que l’on peut parier qu’à la fin, la vérité finit par l’emporter. C’est le pari que je veux faire.
Et à ceux qui vous diront que c’est un pari fou ?
Je réponds qu’il n’y en a pas d’autre. La mission essentielle de l’Europe, c’est de montrer que la liberté est le seul choix qui soit à la fois fidèle à la dignité humaine et en même temps, efficace sur le long terme. Nous sommes face à des modèles autoritaires, voire totalitaires, comme la Chine, ou l’islamisme international. Comme dans les années 30, certains sont tentés de croire que l’efficacité est du côté de la centralisation autoritaire, de la suppression des droits de la personne, de la conscience. Notre défi est de montrer, une nouvelle fois dans notre histoire, que seule la liberté peut faire vivre une société.
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