François-Xavier Bellamy et Céline Imart : « Le peuple ukrainien a besoin de tout, sauf de fausses promesses »
Les numéros un et deux de la liste Les Républicains aux élections européennes, estiment, dans une tribune au « Monde », que soutenir l’Ukraine est une nécessité, mais qui ne doit pas aller jusqu’à l’adhésion à l’Union européenne.
Depuis deux ans, le peuple ukrainien résiste à l’agression de la Russie. Dans ce combat où se jouent son avenir et celui de notre continent, il a besoin de tout, sauf de fausses promesses. Les déclarations récentes du président de la République sur l’éventualité d’un envoi de troupes au sol ne sont d’aucune aide aux forces ukrainiennes. En divisant les Occidentaux, les propos d’Emmanuel Macron fragilisent l’Ukraine, l’Europe et la France.
Face à un agresseur déterminé, rien n’est plus dangereux que de brandir une menace manifestement inutilisable. Mieux vaut encore jouer sur l’incertitude. En faisant le choix de sortir de l’ambiguïté – à nos dépens –, Emmanuel Macron a contraint beaucoup de nos alliés, l’OTAN même, à contredire ses annonces : les soutiens de Kiev ne peuvent envisager d’envoyer leurs forces armées combattre la Russie. Si aucune puissance occidentale n’est entrée en guerre ouverte avec Moscou même aux heures les plus dures de la guerre froide, ce n’est pas par « esprit de défaite », mais parce que cela ne pouvait qu’ajouter au danger. Et ce n’est pas une France en plein déclassement stratégique et diplomatique qui renversera cette équation.
Depuis 2017, Emmanuel Macron a gravement discrédité notre pays aux yeux du monde entier : le repli de la présence française en Afrique, les revers qu’y ont connus nos armées faute de lucidité politique, les incohérences bruyantes sur l’Ukraine ou Israël, mais aussi la trajectoire budgétaire intenable du pays, l’effondrement record de sa balance commerciale, la cession de nombreux actifs essentiels, tout cela contribue à disqualifier le scénario d’une puissance française déployant des forces conventionnelles importantes en Ukraine.
En réalité, ce coup de communication du président de la République ne visait qu’à faire oublier une réalité peu avouable : en matière d’aide militaire à Kiev, la France arriverait au quinzième rang des quarante-deux pays donateurs, très loin des 17,7 milliards d’euros fournis par l’Allemagne. Le gouvernement conteste ce chiffrage, mais contrairement à l’Institut Kiel qui l’a publié, il se refuse à indiquer sa méthodologie. Et le principal problème tient surtout au fait qu’il ne s’est pas préparé à agir dans la durée : après avoir cédé des matériels existants, la France ne peut bien sûr désarmer ses propres forces pour soutenir l’Ukraine.
Besoin d’actions concrètes
En réalité, ce coup de communication du président de la République ne visait qu’à faire oublier une réalité peu avouable : en matière d’aide militaire à Kiev, la France arriverait au quinzième rang des quarante-deux pays donateurs, très loin des 17,7milliards d’euros fournis par l’Allemagne. Le gouvernement conteste ce chiffrage, mais contrairement à l’Institut Kiel qui l’a publié, il se refuse à indiquer sa méthodologie. Et le principal problème tient surtout au fait qu’il ne s’est pas préparé à agir dans la durée : après avoir cédé des matériels existants, la France ne peut bien sûr désarmer ses propres forces pour soutenir l’Ukraine.
Il fallait donc mobiliser massivement notre industrie de défense pour prendre le relais. Sur ce plan, elle est encore plus loin du compte. Lassé d’apparaître comme l’un des soutiens les plus inefficaces, notre président a donc riposté avec ce qu’il sait faire de mieux : une nouvelle polémique. De ce point de vue, l’opération est réussie ; mais on peut comprendre l’irritation de nos alliés européens à qui Paris fait soudain des procès en « lâcheté », quand ils alertent depuis plus longtemps et agissent avec plus d’efforts.
Il est temps d’être sérieux : la situation en Ukraine n’est pas le prétexte d’un clivage politicien utile pour les élections, c’est la tragédie d’un peuple dont l’issue engage l’avenir de l’Europe. L’accord bilatéral signé par Paris ne suffira pas à assumer le défi : il faut relancer massivement notre industrie de défense et l’orienter vers la production de matériels et surtout des munitions dont les forces ukrainiennes ont besoin pour vivre. Reconstruire un travail diplomatique patient et déterminé pour contrer le récit de Poutine et l’isoler des pays qu’il a ciblés. Soutenir l’économie ukrainienne sans fragiliser nos producteurs, en utilisant le marché européen comme un couloir commercial vers les débouchés internationaux et en mettant en place des clauses de sauvegarde efficaces. Mettre fin au contournement des sanctions, et saisir enfin, pour financer cet effort, les milliards d’euros de biens mal acquis russes en Europe. Ce sont des actions concrètes qui renforceront l’Ukraine. Les promesses sans lendemain ne peuvent que la fragiliser. C’est aussi pour cette raison qu’il faut regarder lucidement le processus d’adhésion de Kiev à l’Union européenne (UE). Nous ne pouvons fermer la porte à ce peuple voisin, attaqué précisément parce qu’il veut être européen ; ce serait une faute morale et un suicide géopolitique.
Moment historique
Mais la différence entre nos économies, nos modèles sociaux, nos standards de production est si massive qu’une entrée de l’Ukraine dans l’Union déstabiliserait toutes les politiques européennes. Nous ne renforcerons pas l’Europe en retirant la politique agricole commune (PAC)ou les fonds structurels à l’essentiel des Etats membres, en créant une nouvelle concurrence intenable pour nos entreprises, et en ajoutant encore à la complexité de la décision collective. Les mêmes raisons ont conduit au gel des élargissements qui, depuis des années, contribue à discréditer l’Europe partout à ses frontières. La situation que traverse l’Ukraine nous oblige à sortir de cette impasse en retrouvant l’imagination : inventons avec le peuple ukrainien une manière d’être européen qui ne passe pas nécessairement par le fait d’être un Etat membre de l’UE.
Structurons le statut d’Etat associé, qui permettrait une action partagée dans de nombreux domaines d’intérêt commun, sans déstabiliser tout le projet européen. Nous pouvons organiser bien des outils de convergence sur le plan agricole, industriel, commercial, dans l’intérêt même de nos producteurs, qui n’impliquent pas pour autant un accès au marché intérieur ou au budget de la PAC. Nous pouvons développer des moyens de solidarité qui n’exigeront pas de retirer les fonds structurels à nos régions.
Le modèle que nous inventerons ainsi doit pouvoir permettre à l’Europe d’arrimer bien d’autres pays qui l’attendent avec espérance : leur opposer un refus ou, pire encore, comme aujourd’hui, une candidature sans fin, ce serait laisser les marches du continent devenir une zone d’influence russe, chinoise ou turque. Mais puisqu’il ne serait pas raisonnable d’élargir une Union fragilisée par ses propres crises intérieures, choisissons l’exigence de la vérité et de l’inventivité, et construisons ensemble cette nouvelle étape de l’histoire européenne au lieu de vendre des chimères.
Le moment que nous vivons est historique : il impose le sens des responsabilités, la lucidité dans la réflexion, le courage dans l’effort, l’imagination pour échapper aux faux dilemmes que voudraient imposer de vieilles habitudes. A cette condition seulement sera possible le relèvement de l’Ukraine, de l’Europe et de la France.
>> Lire la tribune sur LeMonde.fr
L’article François-Xavier Bellamy et Céline Imart : « Le peuple ukrainien a besoin de tout, sauf de fausses promesses » est apparu en premier sur les Républicains.