Éric Ciotti : « Le déclassement Fitch est un coup de semonce et la France danse sur un volcan »
Le député des Alpes-Maritimes et président des Républicains espère « que cette notation, qui sonne comme un redoutable réveil à la réalité, aura un effet salutaire. »
Vous attendiez-vous au recul de la notation de la France de AA à AA- par l’agence de notation Fitch ?
Malheureusement, oui. Ce déclassement Fitch est un coup de semonce et la France danse sur un volcan. Il fallait être aveugle pour ne pas voir la dégradation continue de la situation économique et budgétaire. J’espère que cette notation, qui sonne comme un redoutable réveil à la réalité, aura un effet salutaire. Trop de nos responsables politiques entretiennent le déni mais la France décline, elle est dangereusement engagée sur la pente du déclassement. Le poids écrasant de la dette est ignoré par à peu près tout le monde alors que celle-ci devrait pourtant constituer la première alarme.
À la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la dette française était équivalente à la dette allemande. Aujourd’hui, rapportée à notre richesse nationale, elle est presque 50 % plus élevée que celle de l’Allemagne, 111 % contre 66 %. La charge de la dette pèse plus pour l’État que le budget de la défense nationale. De plus, cette dette, dont une partie est dangereusement indexée sur l’inflation, est souvent détenue par des fonds étrangers, ce qui peut demain menacer notre souveraineté. Alors que nous n’avons jamais autant dépensé d’argent public, jamais nos grands services publics, la sécurité, la justice, la défense, l’éducation ou la santé ne sont apparus aussi dégradés. Conséquence de cette dépense effrénée, nous avons atteint un record absolu de prélèvements obligatoires avec 45,3 %. Nous sommes engagés dans une spirale infernale. N’importe quel ménage sait qu’il ne peut vivre durablement à crédit. Pourtant, l’État s’autorise cette fuite en avant irresponsable depuis 1973.
Est-ce un camouflet politique pour Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron n’a fait que poursuivre la politique de François Hollande. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il n’a cessé d’accroître les dépenses et les prélèvements. Aucune réforme structurelle n’a été conduite jusqu’à la réforme des retraites. Il doit radicalement changer de politique et de méthode. L’impuissance des conventions citoyennes et les déplacements Potemkine de l’exécutif ne nous permettront pas d’en sortir.
Dans quelle mesure le « quoi qu’il en coûte » sanitaire et énergétique y est pour quelque chose ?
Ce « quoi qu’il en coûte » n’est en rien la conséquence du conflit ukrainien mais sanctionne des fautes politiques majeures qui ont bradé notre souveraineté énergétique et donc, notre souveraineté nationale en s’attaquant à la filière nucléaire. La conséquence de tout cela, c’est un coût budgétaire de plus de 100 milliards d’euros en deux ans au travers du bouclier énergétique. Il fallait bien entendu soutenir nos entreprises et nos concitoyens pendant la crise sanitaire mais nous sommes allés bien au-delà de la plupart de nos partenaires, tout en ayant une situation économique plus fragile puisque le nombre d’entreprises qui se trouvent en défaut ne cesse d’augmenter.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a aussitôt regretté une « appréciation pessimiste » ? A-t-il raison ?
Il a naturellement tort. Il faut dire la vérité aux Français. Rien n’est pire que ce discours d’autosatisfaction. Les Français mesurent bien lorsqu’ils paient leurs impôts que la lourdeur des prélèvements qu’ils subissent ne trouve pas de contrepartie à la hauteur de leurs sacrifices.
Pourquoi Moody’s, l’une des trois principales agences de notation, n’a-t-elle pas abouti aux mêmes conclusions que Fitch ?
Moody’s n’a certes pas abouti aux mêmes conclusions mais les perspectives de la dernière note qu’elle a consacrée à la France ne sont pas de nature à nous rassurer. Nous avons une dépense publique supérieure de huit points à la moyenne des autres pays de la zone euro. Il faut avoir le courage de se poser les bonnes questions et d’aborder sans tabou la question de l’efficacité de la dépense publique. J’insiste : les Français paient un montant considérable d’impôts pour un pays en déclin. Cela n’est définitivement plus acceptable.
La réforme des retraites devait être un moyen de rassurer les marchés. Pourquoi cela n’a-t-il pas suffi ?
Cette notation confirme naturellement que cette réforme était nécessaire et indispensable. Ma position dans ce débat n’a été guidée que par cette conviction. Plus que jamais, nous avons besoin de tourner le dos à la démagogie relevant des programmes économiques délirants de M. Mélenchon et de Mme Le Pen. Mais cette démagogie relève également de l’impuissance guidée par l’addiction à la dépense publique du pouvoir actuel. Elle a pu trouver quelques voix complaisantes et minoritaires dans notre propre famille politique mais je dis à tous ceux-là que la France ne retrouvera sa souveraineté et n’enrayera son déclin qu’en tournant le dos aux illusionnistes et en retrouvant le chemin du courage. C’est la droite qui doit être le moteur de cette ambition.
Comme Fitch, estimez-vous que « l’impasse politique » dans laquelle se trouve Emmanuel Macron risque d’empêcher toutes nouvelles réformes ?
La réforme constitue naturellement la seule issue face à l’impasse actuelle mais arrêtons de faire porter les efforts de diminution de dépenses, comme cela a été fait depuis plusieurs années, sur le secteur régalien au profit de dépenses sociales qui ont doublé. L’État régalien est devenu squelettique alors que l’État social est devenu obèse. Il est temps de changer de fond en comble notre modèle. Veillons également à ce que les efforts ne soient pas uniquement imposés à ceux qui travaillent. Il faut aujourd’hui faire beaucoup plus confiance aux entreprises pour augmenter les salaires qu’à un État qui continuerait de distribuer un argent qu’il n’a plus. Je souhaite que Les Républicains portent ce nouveau modèle qui doit faire baisser les dépenses, diminuer les prélèvements obligatoires et augmenter les salaires. À cet égard, la désindustrialisation qui frappe notre pays n’est pas pour rien dans ces résultats calamiteux. On me dit que c’est impossible mais tous les grands pays en croissance ont réussi cette révolution. Nous ne nous en sortirons pas avec les solutions technocratiques, classiques et habituelles.
Le 2 juin, tous les regards seront tournés vers les conclusions d’une autre agence américaine, Standard and Poor’s. Anticipez-vous un nouveau coup rude pour l’économie française ?
Nous savons que les mauvaises nouvelles vont se succéder. C’est un devoir de dire que ce résultat n’est pas le fait des agences de notation mais de notre situation catastrophique. Ces agences signalent le niveau de la fièvre. Nous connaissons le diagnostic de la maladie. Il nous faut maintenant mettre en œuvre un traitement de choc pour rompre avec nos habitudes impuissantes. Mais il est tard, très tard. Faisons en sorte qu’il ne soit pas trop tard. Les Républicains seront toujours force de proposition pour redresser la France.
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