Eric Ciotti : « il faudra réfléchir à une forme de privatisation de la SNCF »
« Nous ne pouvons pas continuer avec une entreprise qui coûte autant et a une telle culture du blocage », estime le président de LR, qui réclame une gestion similaire à une entreprise privée.
Que pensez-vous de l’accord de « cessation progressive d’activité » signé à la SNCF, qui permettra aux cheminots de partir un peu plus tôt à la retraite ?
C’est un pur scandale. Cela ne peut que remettre en cause le peu de crédibilité que les Français accordaient encore à ceux qui les dirigent. Nous avons eu un débat difficile sur la réforme des retraites l’an dernier. Je l’ai soutenue parce qu’elle me paraissait indispensable pour sauvegarder notre régime par répartition. Je mesurais toutefois le sacrifice demandé aux Français concernés, même si une grande partie d’entre eux, j’en suis convaincu, en comprenaient la nécessité. Mais cette réforme est à peine votée qu’on commence déjà à la déconstruire ! Qui plus est, avec un tel accord, on décide de pérenniser un système déjà injuste, exonérant certains de l’effort demandé aux autres. Cette décision aura des conséquences lourdes. L’Ifrap en a évalué le coût à 300 millions d’euros par an pour la SNCF contre 30 aujourd’hui. Les Français ne peuvent qu’être effarés devant tant d’injustice. Qui peut comprendre que l’on demande à certains de partir à la retraite plus tard que d’autres, mieux payés et travaillant moins que la moyenne ? Du fait d’un manque de courage criant du gouvernement, la SNCF est devenue une incompréhensible et inacceptable exception française. J’y vois une rupture dans le contrat social, avec des privilégiés bénéficiaires des régimes spéciaux qui ont tous les droits et des défavorisés qui n’en ont aucun.
Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, y voit un moyen de lutter contre l’absentéisme et recruter des jeunes. Comprenez-vous cet argument ?
C’est un habillage. La réalité, c’est que le gouvernement, qui est évidemment à l’origine de cet accord, a cédé à un chantage. Il a reculé devant la menace, indigne, de blocage des Jeux olympiques. Tout le reste n’est qu’un alibi de communication.
Le ministre des Transports, Patrice Vergriete, a assuré qu’il s’agissait d’un « accord d’entreprise », et que le contribuable ne serait pas « sollicité » pour le financer…
C’est ubuesque. La SNCF coûte autour de 20 milliards d’euros par an au contribuable. Entre 2020 et 2022, l’Etat a repris à sa charge 35 milliards d’euros de dette cumulée. Comment peut-on prétendre que cela ne coûtera rien ? Cet accord sera financé une nouvelle fois par de la dette. Et cette dette, l’Etat sera contraint de la reprendre. Dire que le contribuable n’est pas concerné par cet accord scandaleux, c’est mentir. Ce sont bien sûr les Français qui paieront !
Que préconisez-vous ?
Nous ne pouvons pas continuer avec une entreprise qui coûte autant et une telle culture du blocage et de la grève. Demain, il faudra réfléchir à une forme de privatisation de la SNCF, afin qu’elle soit gérée comme une entreprise privée, et plus sur le dos du contribuable. Je suis favorable à ce que l’Etat finance les missions de service public de la SNCF, oui. Mais les déficits structurels à vie, non. Par ailleurs, nous devons aller plus loin que la loi de 2007 et instaurer un véritable service minimum garanti dans les transports en cas de grève.
Deux agences de notation, Fitch et Moody’s, doivent rendre ce vendredi leur verdict sur la solidité financière de la France. Notre pays mérite-t-il de voir sa note dégradée ?
Tous les éléments sont réunis pour que cette dégradation ait lieu. La situation n’a jamais été aussi grave. Avec un déficit de 5,5 % du PIB cette année, la France est championne d’Europe des dépenses publiques, et championne du monde des impôts. Et parce que le gouvernement bâtit des budgets insincères, la crédibilité de sa parole est altérée, elle aussi. Or, je crains qu’une dégradation de la note française ait des conséquences lourdes à terme sur le coût de notre dette. Déjà, l’écart se creuse entre la France et l’Allemagne. Aujourd’hui, le service de la dette nous coûte 55 milliards d’euros par an, soit 2,5 fois le budget du ministère de l’Intérieur. A la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, il nous coûtera autour de 84 milliards, ce sera le premier budget de l’Etat ! Cette dérive est extraordinairement dangereuse.
Bruno Le Maire viendra défendre lundi à l’Assemblée une trajectoire financière qui doit ramener les déficits en dessous de 3 % d’ici 2027. Vous n’y croyez pas ?
Comment croire la parole d’un gouvernement dont l’insincérité budgétaire à hauteur de 20 milliards a été caractérisée ? Je ne crois en rien à cette stratégie qui repose sur des hypothèses de croissance qui ne sont pas crédibles. Une fois de plus, nous assistons aux mêmes méthodes. Comme le montre ce qui se passe à la SNCF, il n’y a pas de la part de ce gouvernement de vraie volonté de réforme, afin de s’attaquer aux dépenses indues et à la bureaucratie. Dès lors, la solution de facilité consistera à augmenter les prélèvements obligatoires. C’est pourquoi je suis convaincu qu’il y a un plan caché d’augmentation des impôts, qui apparaîtra au lendemain des élections européennes.
Dans ces conditions, envisagez-vous le dépôt d’une motion de censure avant l’été, ou donnez-vous plutôt rendez-vous au gouvernement à l’automne ?
Par principe, je n’exclus jamais rien. J’ai posé des lignes rouges : pas d’augmentation des prélèvements obligatoires, pas de désindexation des retraites, et ne pas toucher au système de santé des Français. Je le dis au gouvernement : à la minute où ces lignes rouges seraient franchies, nous utiliserions l’arme de la motion de censure.
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