Christian Jacob : « Nous sommes les seuls à pouvoir mettre fin à l’immobilisme d’Emmanuel Macron »
Le président de LR s’exprime sur la situation du parti ainsi que sur le départ de Damien Abad, entré au gouvernement et accusé d’agressions sexuelles.
Christian Jacob a de la bouteille et tient à le rappeler, lui qui « en a tellement vu », d’après le titre de son récent livre aux éditions Robert Laffont. À la tête d’un parti en difficulté, le député de Seine-et-Marne affiche le calme tranquille des vieilles troupes au moment de tourner la page des Républicains.
L’objectif ? Sauver ce qui peut l’être en faisant valoir l’implantation locale des candidats de LR aux prochaines législatives. Qui pour reprendre le parti ? De quoi le second mandat d’Emmanuel Macron sera-t-il le nom ? L’ancien ministre de Jacques Chirac livre ses impressions et lâche ses coups envers Damien Abad, son ancien président de groupe à l’Assemblée nationale et nouveau ministre des Solidarités, aujourd’hui accusé d’agressions sexuelles.
Étiez-vous au courant de ces accusations qui ont été notifiées à votre parti par l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes, selon une enquête de Mediapart ? Si oui, pourquoi ne pas avoir réagi ? Aurélien Pradié révèle être intervenu auprès de Damien Abad à la suite de rumeurs au sein des Républicains.
Je n’ai jamais été saisi, ni par l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes ni par les services de l’Assemblée nationale. Des rumeurs sur une plainte déposée contre lui avaient circulé en 2017, j’avais interrogé Damien Abad à cette époque. Il m’avait répondu que tout cela était faux et qu’il n’avait d’ailleurs jamais été convoqué par la justice.
Il entre au gouvernement après avoir annoncé se mettre en congé du parti. Quand on regarde le déroulement de cette séquence, on a du mal à croire que vous n’avez pas tenté de le retenir jusqu’au bout…
À aucun moment. Vous savez, je suis trop attaché à ma propre liberté pour enfreindre celle des autres. Je n’ai jamais eu de doute sur le fait qu’il était prêt à toutes les trahisons et à toutes les lâchetés. C’est de notoriété publique maintenant que Damien Abad n’a cessé depuis six mois de faire des offres de service parce qu’il voulait absolument entrer dans un gouvernement, quel qu’il soit. Il a été sévèrement tancé en réunion de groupe, où nous lui avons demandé de choisir clairement les choses. Expliquer qu’il avait besoin de mûrir sa réflexion était un argument qui ne tenait pas. Dont acte.
Vous le vivez comme une trahison ?
Ce sont tout simplement des personnalités en manque de reconnaissance et qui rêvent du matin au soir de devenir ministre, sinon leur vie sera fichue. Sur Damien Abad et quelques autres, il faut voir les choses de manière détendue, avec le calme des vieilles troupes. Des gens qui vont à la soupe, il y en a toujours eu.
Est-ce que l’ultimatum que vous aviez lancé à Damien Abad vaut aussi pour Guillaume Larrivé, député LR qui avait appelé dans nos colonnes à construire un « pacte de majorité » avec Emmanuel Macron ?
Non, nous ne sommes pas dans une caserne. Il y a des sensibilités différentes, et c’est bien normal. Je n’ai jamais fonctionné à l’exclusion. Les personnes qui se sentent mal à l’aise peuvent partir. Encore une fois, on nous annonçait soixante députés sur le départ. Où sont-ils ? À peine quatre.
Il y a les fins rapides et les morts lentes…
Je pense plus à la vie qu’à la mort.
Vous réjouissez-vous que l’aile droite soit plutôt bien représentée au gouvernement avec deux ministres d’État issus de vos rangs, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, sans compter Damien Abad ?
On a payé pour voir. Le résultat du premier quinquennat ? Le pire déficit commercial que l’on ait jamais eu et une gestion catastrophique des finances de l’État. Voilà le bilan d’un Premier ministre qui s’appelait Édouard Philippe et du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire. La sécurité ? Une augmentation de 40 % des tentatives d’homicide. Plus de 30 % d’augmentation des violences sur personne. Voilà le bilan. Le ton est donné. Peu importe la composition du gouvernement, ça ne me fait ni chaud ni froid. Personne ne peut raisonnablement croire que c’est Élisabeth Borne qui a composé son propre gouvernement. C’est d’ailleurs navrant qu’elle en soit réduite à ne plus pouvoir choisir son directeur de cabinet. Le vrai enjeu, c’est maintenant la composition de l’Assemblée nationale.
La nomination de l’historien Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation nationale est-elle, selon vous, le symbole de la dérive communautaire d’Emmanuel Macron ?
Toutes les informations qui nous parviennent depuis quarante-huit heures sur les prises de position de monsieur Ndiaye sont pour le moins inquiétantes et obligent le ministre de l’Éducation nationale à s’expliquer clairement dans les plus brefs délais, notamment sur ses propos sur l’existence de violences policières en France et sur sa conception de la République.
Pensez-vous que le prochain quinquennat sera celui des réformes ? Celles que vous n’avez peut-être pas eu le courage de faire…
Je vous rappelle que cela fait dix ans que nous ne sommes plus en responsabilité et que le contexte a totalement changé. Emmanuel Macron repart avec les mêmes équipes et la même méthode. Il est prisonnier de la quadrature du « en même temps » et de son incapacité à passer à l’acte. On a bien vu comment ont été traités les parlementaires de la majorité. Ils sont incapables de prendre une initiative, de porter une proposition de loi en lieu et place des ministres. C’était une majorité désincarnée parce qu’il n’y avait aucun ancrage territorial de ses élus, sans proximité réelle avec le terrain. On l’a constaté durant tout le quinquennat lorsque les parlementaires d’Emmanuel Macron nous expliquaient qu’ils n’étaient pas là pour recevoir les gens ou jouer les assistantes sociales. Je ne vois pas en quoi Macron réformerait plus ou mieux cette fois-ci. Comme à chaque fois avec le président de la République, ce seront des discours sans fin d’une qualité discutable mais aucune réforme.
Nommer Première ministre une femme dite de gauche, Élisabeth Borne, pour mener des réformes de droite, est-ce la quadrature du « en même temps » dont vous parlez ?
Oui, parce qu’au-delà de ses qualités personnelles, qui sont réelles, Élisabeth Borne est une femme de gauche assumée. C’est tout à son honneur, elle a été conseillère de Lionel Jospin et directrice de cabinet de Ségolène Royal. Pour autant, cela ne changera rien puisqu’il n’y aura pas de réformes. Le seul moyen de changer les choses se trouve l’Assemblée nationale parce que c’est là-bas que sont votées les lois. Moi qui suis sur le terrain, je sens qu’il peut y avoir un rebond en faveur des Républicains, nos candidats rencontrent un vrai soutien dans les territoires.
À force de vanter les mérites du local dans une élection à portée nationale, ne prenez-vous pas un risque face à des candidats qui pourront afficher le visage d’Emmanuel Macron en campagne ?
Vous le voyez bien, Emmanuel Macron a été élu par défaut. Il n’y a pas réellement d’adhésion à sa candidature. D’ailleurs, vous avez pu le remarquer le jour de son élection : on a rarement vu une élection aussi terne, pas un coup de klaxon… Je ne suis pas certain que nos opposants aient intérêt à trop se réclamer d’Emmanuel Macron. Les élections législatives, ce sont 577 territoires de France qui choisissent leurs représentants. Il est logique que les Français attendent de leurs élus qu’ils soient au plus près d’eux. Nos candidats sont implantés, c’est la raison pour laquelle je suis optimiste.
Comme Gérard Larcher pendant la campagne, vous interrogez-vous sur sa « légitimité » ?
Emmanuel Macron a été élu, il n’y a aucune discussion à avoir là-dessus. Mais il s’agit bien d’une élection par défaut puisque le président de la République a été élu pour éviter le Rassemblement national. Il ne s’agissait pas d’un vote d’adhésion. Il n’y a pas eu de vrai débat ou de projet, il n’y a rien eu de tel durant cette campagne.
Vous le savez, certains à droite sont soupçonnés de vouloir attendre les résultats des législatives pour se prononcer… Cela dépendra-t-il de votre score ?
C’est toujours le même film que l’on nous rejoue à chaque fois. Souvenez-vous, déjà au lendemain des européennes, dans tous les journaux, on nous disait que le Rassemblement national serait le premier parti de France, qu’En marche ! allait s’implanter durablement et que nous serions sommés de choisir. Sauf qu’aux dernières municipales la vérité est que nous n’avons jamais remporté une victoire aussi écrasante en gagnant 56 % des villes de plus de 9 000 habitants. Pourquoi ? Tout simplement parce que, lorsqu’il s’agit de confier les clés de la gestion d’une collectivité, les électeurs préfèrent se tourner vers des gens dont ils se sentent proches, des personnalités en qui ils peuvent avoir confiance et qui bénéficient d’une certaine expérience. C’est pour cela que j’ai confiance dans notre résultat aux élections législatives.
Votre mandat à la tête des Républicains a été ponctué de crises et d’échecs successifs. Est-ce que c’est à cela que l’on reconnaît les vrais chefs ?
Quand je suis arrivé ici, notre famille était divisée, je l’ai rassemblée. Nous étions environ 60 000 militants et seulement 1 500 jeunes. Aujourd’hui, nous sommes 160 000 adhérents, dont environ 15 000 jeunes, grâce à la structuration d’un mouvement autonome. Nous avons remporté une victoire écrasante aux municipales, qui est l’une de nos plus belles victoires. Même chose aux départementales, ainsi qu’aux régionales, où nous nous sommes maintenus alors que nous avons subi un échec cinglant aux présidentielles. Ramenons les choses à leur juste proportion : plusieurs victoires et une défaite, dont je ne minimise absolument pas les conséquences.
Vous semblez oublier la question de la dette après votre score inférieur à 5 %.
Pas du tout, c’est parce que nous avions rétabli la situation de nos finances que nous pouvions faire face à cette situation. Je le dois d’abord à Laurent Wauquiez, qui a excellemment géré les difficultés financières dans lesquelles nous nous trouvions après Bygmalion. C’est notre gestion rigoureuse qui nous a permis de financer 8 millions d’euros sur les 15 millions qu’a coûté la campagne.
C’en est fini des primaires dans vos statuts. On peut s’interroger : le prochain président de votre famille politique sera-t-il nécessairement le favori à l’élection présidentielle ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai jamais été un partisan farouche des primaires. J’ai toujours été opposé à ce système. Je pense qu’il est générateur de divisions, donc j’ai veillé à le retirer des statuts. Ce sera à la nouvelle équipe de voir comment elles entendent organiser les choses. Une élection présidentielle, c’est une rencontre avec les Français qui doit s’imposer naturellement. À partir du moment où l’on entre dans un processus de sélection, ce n’est pas bon signe. Ceux qui ont réussi, qu’ils s’appellent Nicolas Sarkozy ou Jacques Chirac, ne l’ont pas fait en passant par des primaires, que je sache.
Laurent Wauquiez – très populaire à droite – aura-t-il tout intérêt à reprendre la tête de votre famille politique ?
Le choix des militants sera le bon. Tous ceux qui estiment être en situation de pouvoir présider notre famille politique et de porter un projet devant les militants seront appelés à le faire, et nos adhérents trancheront. Nous ne manquons pas de personnalités, de talents au sein de notre parti. C’est aussi ça, faire vivre la démocratie. Charge à celle ou celui qui sera élu de conduire notre famille politique dans les cinq ans à venir jusqu’à l’élection présidentielle. Le choix d’un candidat doit être naturel. Et je pense effectivement que Laurent Wauquiez fait partie de ceux qui ont toutes les qualités pour y arriver.
Rachida Dati semble aussi sur les rangs…
C’est une amie et quelqu’un qui compte beaucoup dans notre vie politique. C’est aussi un tempérament d’exception, qui mène un formidable combat à Paris.
Vous évoquiez Nicolas Sarkozy. Regrettez-vous que son lien avec les militants et sympathisants de droite se soit dégradé à ce point ?
C’est à lui qu’il faut que vous posiez la question. Moi, j’ai des liens d’amitié avec Nicolas Sarkozy. Ces liens sont intacts, mais nous avons l’un et l’autre un positionnement différent, que nous avons clairement assumé.
Vous ne partagez donc pas la volonté d’Aurélien Pradié, qui s’exprimait dans nos colonnes, de « rompre avec le sarkozysme » ?
Avec Aurélien, nous n’avons pas le même état civil. Lorsque j’ai connu Nicolas Sarkozy, j’étais président national des Jeunes Agriculteurs et il était ministre du Budget. Avec lui, c’est trente ans de vie politique. Aujourd’hui, nous avons fait un choix différent, mais ça n’enlève rien à nos liens personnels.
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