Bruno Retailleau : « On ne peut pas s’habituer à vivre dans une société du contrôle permanent »
Le président du groupe LR au Sénat réclame des « ajustements » au passe vaccinal. S’il accuse Emmanuel Macron de « Trumpisme chic », il assure que la droite votera « très majoritairement » le texte et « ne fera pas obstacle à la rapidité des débats ».
Quelques jours après son adoption mouvementée à l’Assemblée, le projet de loi instaurant le passe vaccinal (contre lequel ont manifesté samedi plus de 100.000 personnes en France, selon le ministère de l’Intérieur) arrive au Sénat, lundi en commission et mardi dans l’hémicycle. Le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, prévient : « Dans un débat parlementaire, chaque assemblée doit être respectée ».
Votre groupe sera-t-il aussi divisé que l’ont été les députés LR, permettant à Christophe Castaner de railler la « chienlit » à droite ?
En matière de « chienlit », Christophe Castaner est un expert. Il l’a montré dans sa gestion des « gilets jaunes » au ministère de l’Intérieur. Mais n’oublions pas qu’Emmanuel Macron est l’incendiaire ! Ce qui a provoqué cette foire d’empoigne à l’Assemblée, ce sont ses propos indignes et l’incapacité d’En marche à tenir ses troupes. Il a semé le désordre et la discorde, à l’image de ce qu’aura été son quinquennat. Au Sénat, notre groupe avait très majoritairement voté le passe sanitaire au mois de juillet et nous voterons donc très majoritairement le passe vaccinal.
Vous appelez donc les sénateurs LR à le voter ?
Evidemment. Désormais, nous avons des chiffres fiables sur les conséquences d’une non-vaccination en matière d’embolisation des lits de réanimation et de soins critiques. Cela conduit à des déprogrammations et donc à des chances en moins pour des Français atteints d’autres maladies que le Covid. Victor Hugo avait une très belle phrase : « Ma vie est la vôtre ; votre vie est la mienne […] Notre destinée est une ». Ce principe de solidarité et de responsabilité est important. J’ajoute que les personnes non vaccinées se mettent elles-mêmes en danger. Par ailleurs, nous ne devons pas tomber dans le piège grossier que nous a tendu Emmanuel Macron. Sa provocation n’avait qu’un objectif : amener le débat sanitaire sur le terrain politique pour provoquer à droite un réflexe d’opposition. La ficelle est un peu grosse ! Et surtout, ces propos sont indignes d’un chef de
l’Etat.
Au-delà des mots, Emmanuel Macron a-t-il raison de pointer la « faute morale des antivax » ?
Non, il n’a pas raison. Pour la première fois sous la Ve République, un président a dénié à une partie des Français leur qualité de citoyens. Ce n’est pas un dérapage de plus ; c’est l’outrage de trop. Les petits calculs politiciens du candidat ont pris le pas sur les devoirs du chef de l’Etat. Emmanuel Macron a choisi la stratégie du bouc émissaire pour masquer les insuffisances de sa politique sanitaire. La vérité, c’est qu’il espère se rallier une majorité électorale à partir de la majorité vaccinale. Quitte à élargir les fractures françaises pour se maintenir au pouvoir, quoi qu’il en coûte. C’est du Trumpisme chic ! Pire, cela revient à aborder le sujet de la santé par une forme de désolidarisation. Est-ce que demain, on refusera l’accès aux soins à un fumeur qui a un cancer du poumon ? Ou à une personne obèse qui fait du diabète ?
Il n’a jamais dit ça…
Mais le chemin qu’il emprunte est dangereux : il peut conduire à un schéma de pensée qui nous amène à ces extrémités. Les mots, en politique, ont un sens…
Sur quels points comptez-vous amender le texte ?
Pendant cette période de crise sanitaire, le Parlement accorde beaucoup de pouvoir à l’exécutif. La contrepartie, c’est un encadrement de l’action du gouvernement. Le texte n’est pas parfait. Nous ne voulons pas transformer les inspecteurs du travail en arbitres pour savoir quel poste peut être télétravaillé ou pas. Nous sommes donc très réticents sur les sanctions vis-à-vis des entreprises – nous préférons le principe de la responsabilité. Et surtout, nous tenons beaucoup à rendre caduque le passe vaccinal dès lors que la situation sanitaire se sera améliorée. Ce mécanisme de péremption, à partir d’un certain nombre de critères épidémiques, est essentiel parce qu’on ne peut pas s’habituer à vivre dans une société du contrôle permanent. Nous proposerons ces ajustements. Puis il y aura une nouvelle étape avec la commission mixte paritaire. Mais je préviens : dans un débat parlementaire, chaque assemblée doit être respectée.
Souhaitez-vous que le texte entre en vigueur autour du 15 janvier, comme le veut le gouvernement ?
On ne fera pas obstacle à la rapidité des débats. D’autant plus qu’une fois encore, le gouvernement a un temps de retard. Quand le texte entrera en application, il faudra plus d’un mois pour que les non-vaccinés puissent recevoir leurs injections et il est possible que le gros de la vague Omicron soit derrière nous. Mais ce texte reste une incitation utile à la vaccination ; il faut le prendre comme tel.
Craignez-vous que le Covid phagocyte la campagne présidentielle ?
Oui. Emmanuel Macron cherche à faire du Covid le seul thème du débat présidentiel, en se posant en seul protecteur des Français. Cette tactique est dangereuse. L’élection de 2017 a été confisquée par l’agenda judiciaire. Il ne faudrait pas que celle de 2022 soit écrasée par le Covid. Deux présidentielles avec des débats amputés sèmeraient des graines de colère.
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