Bruno Retailleau : « Les illusions perdues du macronisme »
L’adoption de la loi immigration illustre la persistance du clivage droite-gauche et les limites de la concentration des pouvoirs qu’Emmanuel Macron incarne.
Ce devait être un texte “et de droite et de gauche”, mais c’est une loi résolument de droite qui a été adoptée sur l’immigration, reprenant la quasi-totalité des mesures de fermeté que nous avons votées au Sénat. Elle vient sonner le glas du “en même temps”. Car cette politique sans convictions ne convainc plus personne. Même au sein du camp présidentiel, le doute s’est installé : de l’enthousiasme des débuts ne reste aux macronistes qu’une somme d’illusions perdues.
Illusion de la fin du clivage, d’abord. Elle n’a abouti qu’au blocage. Car si l’opposition entre la droite et la gauche avait ses défauts, au moins permettait-elle de dégager des majorités ! La réforme des retraites, puis, surtout, le projet de loi sur l’immigration l’ont bien montré : si le Sénat, contrairement à l’Assemblée, a pu donner son avis sur ces deux textes, s’il est même parvenu – s’agissant de l’immigration – à imposer ses vues au gouvernement, c’est bien parce que le clivage droite-gauche, qui prévaut à la Haute Assemblée, obéit à des cohérences capables de surmonter les circonstances. Or, en sacrifiant les premières, le “en même temps” s’est fait l’otage des secondes : il aura suffi que, en 2022, sa majorité soit écourtée pour qu’à l’Assemblée nationale, tout soit bloqué.
Car faute d’idées claires, le macronisme ne peut avoir d’alliés sûrs : sur l’immigration, à peine faisait-il les yeux doux à la droite, avec les mesures d’expulsion, qu’il cherchait déjà à séduire sa gauche, en promettant les régularisations automatiques ! Mais qui voudrait vivre sous le même toit d’un partenaire aussi volage ? Sans majorité, Emmanuel Macron a introduit le fait minoritaire au sein de la Ve République, dont les institutions sont aujourd’hui dévoyées.
Non seulement, l’exécutif abuse des instruments de coercition, comme le 49.3, mais il se refuse à utiliser les instruments de régulation prévus par notre Constitution, comme la dissolution ou le référendum. Situation intenable et irresponsable : de politique, la crise pourrait bien devenir institutionnelle. Une aubaine pour Jean-Luc Mélenchon et les nouveaux sans-culottes qui rêvent d’envoyer l’héritage gaulliste à l’échafaud…
Illusion, ensuite, de la verticalité jupitérienne : elle n’est plus qu’une vanité vaine. Car ce président est l’omniprésent impuissant : il est partout, mais ne nous emmène nulle part ; il croit faire l’événement, alors qu’il le subit. Et avec lui, tout le pays. Lorsque pour exister dans une crise internationale, Emmanuel Macron lance l’idée improbable d’une coalition contre le Hamas pour ensuite appeler au cessez-le-feu, il met en doute la crédibilité de la France. Et lorsqu’il célèbre Hanoukka à l’Élysée, il met en péril sa laïcité ; comme si la règle laïque valait pour tous, sauf pour lui ! Ne se tenant à rien mais au-dessus de tous, le macronisme n’est, en définitive, qu’un égocentrisme : Emmanuel Macron avait promis le retour de la figure du roi, mais c’est la figure du “moi” qui, seule, semble l’intéresser.
Pour le macronisme, c’est donc la fin des illusions. Mais pour la droite, ce peut être le début d’une reconstruction. Car la preuve est faite, avec cette loi sur l’immigration, que lorsque notre famille politique s’assume, elle pèse. Jamais, depuis quarante ans, un texte aussi à droite n’a été adopté sur l’immigration. Et s’il devra être complété par une révision de notre Constitution, pour que nous reprenions totalement le contrôle des flux migratoires, une chose est sûre : les mesures que nous avons introduites dans notre droit, une écrasante majorité de Français les plébiscitent.
Autrement dit, il existe un chemin d’avenir pour la droite, si elle affirme enfin ses convictions. Sur tous les sujets. Ce que nous avons fait sur l’immigration, nous devrons le refaire sur la justice, la dépense publique ou l’éducation : à chaque fois, sur chaque texte, soumettons le macronisme à l’épreuve de vérité, à partir de nos convictions de droite. C’est la bonne méthode, celle qu’a choisie le groupe LR au Sénat. Celle qui grandit, aussi, la politique. Car nous avons été élus pour agir, non pour subir ! Face aux urgences, l’inaction n’est plus une option. Laissons aux démagogues la politique du verbe. Marine Le Pen peut bien voler au secours de la victoire de la droite : le RN n’est pour rien dans l’adoption de cette loi de fermeté sur l’immigration. Ses élus avaient d’ailleurs voté contre, en première lecture au Sénat. Le temps est donc venu, pour la droite, de réaffirmer ses convictions. Au milieu de cette grande confusion qu’a créée le macronisme, tenons notre ligne, car, sinon, la politique ne tiendra plus rien : les citoyens, qui s’en détournent déjà, se tourneront vers les nouveaux prescripteurs d’opinion que sont les réseaux sociaux. Cela a commencé.
Voulons-nous une démocratie aux mains des influenceurs, une République d’instagrameurs ? Face au “tout se vaut” qu’a introduit le “en même temps”, montrons aux Français qu’il existe toujours, à droite, des hommes et des femmes politiques pour lesquels les idées, les loyautés, valent encore quelque chose.
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