Bruno Retailleau : « Je sais ce que veulent les Français »
Régularisations au compte-gouttes, révision de l’aide médicale d’État ou encore recours à des pays de transit pour certains demandeurs d’asile et migrants… le ministre de l’intérieur affiche clairement ses intentions.
Révision de l’aide médicale d’État, régularisations au compte-gouttes ou encore recours à des pays de transit pour certains demandeurs d’asile et migrants, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, affiche clairement ses intentions. « Je sais ce que veulent les Français », annonce-t-il.
Vous avez reçu les préfets mardi et avez mis l’accent sur l’immigration. Pourquoi ?
Parce que nous voulons reprendre le contrôle. Il faut répondre à l’urgence et à la demande des Français. Notre stratégie est globale. Elle comprend une réponse internationale, une réponse européenne et une réponse nationale.
Qu’en est-il au niveau international ?
Il faut utiliser tous les leviers pour mettre la pression sur les pays d’origine, afin qu’ils nous délivrent les laissez-passer consulaires pour exécuter les OQTF (obligation de quitter le territoire français). Je pense aux visas, aux aides au développement et aux droits de douane. Je souhaite également avoir recours à des pays de transit pour y renvoyer des personnes impossibles à éloigner dans leurs pays d’origine, comme l’Afghanistan par exemple. Je nommerai un missi dominici dans les semaines à venir, qui sera chargé de développer des accords avec ces pays de transit. Au niveau européen, il faut réviser la directive Retour que de nombreux pays veulent voir modifiée. De même, j’aimerais anticiper l’application de six mois du paquet asile immigration dès janvier 2026. Cela nous donnerait des instruments de filtrage et d’accélération de l’examen des demandes d’asile.
Et au niveau national ?
Je vais envoyer dans les semaines prochaines deux circulaires aux préfets. Une première qui précisera leur rôle de pilotage et la seconde qui remplacera la circulaire Valls : nous ne devons régulariser qu’au compte-gouttes, sur la base de la réalité du travail et de vrais critères d’intégration.
Si on éloigne du jour au lendemain toutes les personnes en situation irrégulière qui travaillent, on va mettre de nombreux secteurs de l’économie à l’arrêt et vous auriez le Medef sur le dos…
Il y a aujourd’hui pratiquement un demi-million d’étrangers en situation régulière qui sont au chômage. Qu’est-ce qu’on en fait ? On continue de fermer les yeux sur le travail clandestin ? Quand des gens sont venus régulièrement, n’ont pas violé nos frontières et sont au chômage, on doit s’occuper d’eux, pour les former et les qualifier.
Assumez-vous de dire que vous pouvez agir sur la politique migratoire en passant par la voie réglementaire et en contournant le Parlement ?
La voie réglementaire et la voie législative sont parfaitement complémentaires. Il faudra une loi pour compléter la loi Immigration de janvier, en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme. Le seul article qui a été censuré pour des raisons de fond est le délai de carence pour les prestations sociales non contributives : les juges ont considéré que cinq ans de résidence en France étaient trop. Nous pouvons proposer trois ans.
Êtes-vous favorable à l’allongement de la durée maximale de placement en centre de rétention administrative qui est actuellement de 90 jours ?
L’affaire Philippine a montré que les choses ne pouvaient pas rester en l’état. Je veux pousser la durée maximale jusqu’à 210 jours pour les auteurs de crimes sexuels, comme on le fait actuellement avec les terroristes.
Êtes-vous toujours favorable à la suppression de l’aide médicale d’État (AME) ?
J’ai toujours plaidé pour la transformation de l’aide médicale d’État en aide médicale d’urgence. La France est l’un des pays les plus généreux sur les soins. C’est un encouragement à la clandestinité, comme l’a montré le rapport Stefanini-Évin.
Est-ce que vous avez réussi à convaincre votre collègue ministre de la Santé qui s’est déclarée hostile à la suppression de l’AME ?
C’est au Premier ministre d’arbitrer. C’est lui qui fixe la ligne du gouvernement. Nous demandons aux Français des efforts : il n’est pas injuste d’en demander également aux étrangers. Je suis prêt à avoir ce débat, y compris au sein du gouvernement.
Vous êtes favorable aux courtes peines alors que la loi Belloubet de 2019 interdit de prononcer des peines de moins d’un mois…
C’est une loi que j’ai beaucoup combattue.
Les professionnels soulignent le caractère contre-productif de ces courtes incarcérations…
Nous ne voyons pas les mêmes professionnels. Le « tout sauf la prison », c’est la logique de gauche dont nous voyons les résultats. S’agissant particulièrement des plus jeunes, il faut tout de suite un interdit, une sanction certaine, qui puisse briser les parcours délinquants, dès les premiers délits. Michel Barnier a d’ailleurs indiqué qu’il y était favorable dans sa déclaration de politique générale, et les courtes peines ont montré aux Pays-Bas leur efficacité. Créons des établissements différenciés, adaptés notamment aux personnes mineures, pour mettre en oeuvre ces courtes peines. Ce qui inquiète les Français aujourd’hui, c’est l’hyperviolence et l’explosion de la délinquance contre les biens et les personnes.
Que vous inspirent les récents événements à Marseille, avec le recrutement d’un tueur à gages de 14 ans par un homme en détention ?
On en revient à la justice des mineurs. Didier Migaud envisage d’ailleurs d’écarter l’excuse de minorité pour des faits d’extrême violence et il a raison. Par ailleurs, ce drame montre que le trafic de drogue est un fléau. Michel Barnier en a fait une priorité. Il faut faire la guerre au narcobanditisme avec de nouvelles armes. Avec Didier Migaud, nous travaillons pour étudier l’opportunité d’un parquet national dédié, d’un vrai statut du repenti, et d’un nouveau cadre légal pour systématiser les enquêtes patrimoniales et instaurer une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée.
Comment avez-vous réagi face à la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux dans laquelle des individus, cagoulés, se présentant comme membres de la DZ Mafia défient l’État ?
J’ai immédiatement demandé que ce tweet fasse l’objet d’un signalement Pharos pour être retiré. Une enquête a également été ouverte pour identifier les auteurs de ce message.
Devant les préfets, vous avez indiqué vouloir créer une « nouvelle incrimination pénale correspondant à la nature et aux stratégies de l’islam politique ». C’est-à-dire ?
C’est une piste de travail. Car le séparatisme se double désormais d’un entrisme islamiste, qui a pour objectif de saper nos institutions et qui, à bas bruit, infiltre les associations et même les collectivités, et qui trouve notamment son origine chez les Frères musulmans.
N’est-ce pas criminaliser la pensée ?
La pensée est libre mais les valeurs de la République ne sont pas négociables.
Le 31 octobre, le RN défendra des propositions de loi rétablissant la double peine et les peines plancher. Les soutiendrez-vous ?
Mes positions sont connues. Mais ce n’est pas à moi qu’il revient de faire la politique pénale.
Vous êtes le ministre dont on parle le plus au sein du gouvernement. Assumez-vous un leadership ?
Le leader du gouvernement, c’est le Premier ministre. Le fait est que ce ministère est celui de l’actualité. Il se trouve que sur l’affaire Philippine, j’ai assumé une ligne claire, sans concessions. C’est mon style. Mes déclarations sur l’immigration non maîtrisée qui n’est pas une chance ou sur la nécessité de modifier les textes, dans le cadre de l’État de droit, étaient sincères.
Vous assumez les deux sorties ?
Bien sûr. Tout au long de ma vie parlementaire, je me suis heurté à ce que j’appelle « l’impossibilisme » juridique. Et bien sûr que l’immigration n’est pas une chance quand le nombre ne permet plus d’accueillir dignement. C’est d’ailleurs ce qu’une très large majorité de Français pensent.
Vous avez été repris sur l’État de droit par Mme Le Pen elle-même. Diriez-vous, comme votre prédécesseur, que vous la trouvez « trop molle » ?
Je ne me suis jamais situé par rapport à elle.
Représentez-vous un danger pour le RN ?
Cela ne m’intéresse pas. Je sais ce que veulent les Français. Et je veux répondre à leur angoisse et à leur besoin d’être protégés. Le paradoxe, c’est que ceux qui passent leur temps à alerter sur les dangers du RN refusent de traiter les causes qui poussent les électeurs à se tourner vers Marine Le Pen.
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