Brice Hortefeux : « Éric Ciotti a été élu pour unir, définir et ouvrir »
Brice Hortefeux, conseiller politique de notre mouvement, député européen et ancien ministre, revient sur les divisions à LR, la réforme des retraites et le projet de loi sur l’immigration.
Comment accueillez-vous l’éviction d’Aurélien Pradié de la direction LR ? Est-ce une nécessaire clarification de la ligne ?
Éric Ciotti a été élu pour unir, définir et ouvrir. Unir, car nous sommes tous lassés des divisions et des diviseurs. Définir, car nous devons collectivement choisir une ligne, et nous y tenir en surmontant les ego. Et enfin ouvrir le chemin de l’alternance juste, face aux alternances populistes. Cela suppose un effort collectif dans lequel chacun doit prendre sa part, notamment un talent comme Aurélien Pradié. Je comprends donc la décision d’Éric Ciotti comme un appel justifié à la cohérence. Au-delà de cette secousse ponctuelle, nous devons tous bien comprendre que nous avons une seule alternative : disparaître ou renaître. La division, c’est la certitude de disparaître. L’union, c’est une des conditions pour renaître. On ne pourra se reconstruire qu’avec une droite offensive, populaire et sociale : offensive sur les questions régaliennes ; populaire avec le rétablissement de l’autorité de l’État ; sociale en défendant le pouvoir d’achat – aujourd’hui rogné par l’inflation -, les droits de succession avec une forte défiscalisation et une ambitieuse politique familiale assumée.
Mais quelle est la ligne LR ? Faut-il aller vers un contrat de gouvernement avec Emmanuel Macron, comme le prône Nicolas Sarkozy ?
La politique doit être une addition, pas une soustraction. Enrichissons-nous des sensibilités différentes et des parcours divers. Dans les grandes décisions, nous devons savoir être unis. C’est tout le rôle difficile d’Éric Ciotti, de Bruno Retailleau et d’Olivier Marleix que de cimenter notre engagement commun. Quant à Nicolas Sarkozy, il a une place à part. Personne dans nos rangs ne doit oublier qu’il est le dernier à avoir fait gagner nos idées. Pour le reste, Nicolas Sarkozy a exprimé avec franchise, comme toujours, ce qu’il pense juste pour notre pays d’abord et pour notre famille ensuite. Et il me renvoie aux Mémoires d’Hadrien, dans lesquelles Marguerite Yourcenar nous rappelle que « c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt »…
Nicolas Sarkozy avait donc raison ?
Emmanuel Macron est aujourd’hui dans une triple impasse : sociale avec une mobilisation qui dépasse le seul cadre des retraites ; économique et politique avec l’absence de majorité. Sur le fond, le président de la République, au lieu de se contenter de débauchages individuels le plus souvent misérables, aurait pu proposer un accord de gouvernement. En 1978, le premier ministre qui fut choisi était issu d’une famille politique arrivée seulement quatrième dans les urnes. Actuellement, le groupe LR est le quatrième à l’Assemblée… Le président de la République n’a pas souhaité cette initiative. C’est donc aujourd’hui réglé.
Appelez-vous Laurent Wauquiez à être plus présent dans le débat ?
Il a été très clair sur la réforme des retraites en ayant parfaitement conscience que la réforme est indispensable. Il l’a d’ailleurs dit publiquement, même s’il a émis des réserves sur la méthode. Laurent Wauquiez a connu des plaies et des cicatrices. Elles forgent l’expérience, car on ne s’improvise pas président de la République et elles apprennent l’humilité face à l’arrogance aveuglante. Depuis de nombreux mois, il arpente notre pays hors des caméras et des médias, à l’écoute des difficultés et des attentes de nos compatriotes. Le temps se rapproche où, j’en suis convaincu, nous nous rassemblerons autour de lui pour offrir un nouvel espoir. Son silence d’aujourd’hui prépare sa parole de demain.
Est-il le candidat naturel de la droite ?
Oui.
La réforme des retraites arrive au Sénat le 2 mars. Faut-il la voter ? Certains dans vos rangs la trouvent trop dure…
Préserver les pensions et protéger les retraités, c’est l’ADN des Républicains. Ayant gagné, en trente ans, huit années d’espérance de vie pour les hommes, six ans pour les femmes, il n’est pas anormal que, vivant beaucoup plus longtemps, on travaille un peu plus longtemps. Tout a été rappelé à juste titre : 4,14 cotisants en 1960 pour un retraité, 1,6 aujourd’hui, auquel se rajoute le plus faible nombre de naissances depuis 1946. Tout conduit dans les quinze ans qui viennent à une lourde menace. J’entends bien l’hostilité à la mesure d’âge, mais les gouvernements belge, espagnol, polonais, roumain qui ont déjà porté l’âge de départ à 65ans sont-ils tous des incompétents ? Les Allemands, Britanniques, Portugais, Italiens et Danois, qui ont décidé de dépasser les 65 ans pour aller jusqu’à 67 ans sont-ils tous d’horribles antisociaux ? Un enfant né en 2002 a une chance sur deux d’être centenaire. Tous les pays sont contraints de revoir leur dispositif de retraite. À quel titre serions-nous une exception ? La réalité, c’est que nous avons besoin d’une réforme claire, juste, et efficace. Malheureusement, celle proposée initialement le 10 janvier par le gouvernement était confuse et perçue comme injuste. Le cafouillage sur les carrières longues l’a démontré. Grâce aux députés LR, d’importantes avancées sociales ont été obtenues et je suis convaincu que le texte sera adopté au Sénat.
Le projet de loi sur l’immigration sera examiné mi-mars au Sénat. En tant qu’ancien ministre de l’Intérieur, le trouvez-vous à la hauteur des enjeux ?
C’est un petit ajustement alors qu’on aurait besoin d’une grande rénovation ! N’en déplaise à ceux qui se mettent la tête dans le sable, le constat est sans appel. Jamais il n’y a eu autant d’immigrés sur notre territoire – 10,3% de la population en 2022 contre 7% en 2000. Jamais l’État n’a délivré autant de titres de séjour, 320 330 en 2022 contre 192 000 en 2012. Jamais autant de demandeurs d’asile n’ont été enregistrés, 156 103 en 2022 contre 55 000 en 2012. Jamais autant de mineurs isolés n’ont été officiellement recensés, 14 769 en 2022, 5 033 en 2014, soit une augmentation de 300 % en huit ans. Jamais nous n’avons estimé autant de clandestins, entre 700 000 et 1 million, selon les propres chiffres du ministère de l’Intérieur. À ce constat s’ajoute la faiblesse de l’exécution d’OQTF, moins de 6% pour 120 000 décisions et au-delà de la délivrance des laissez-passer consulaires dans les mêmes proportions. Par exemple, pour le premier semestre 2021, 7 731 OQTF visaient des Algériens, mais seulement 22 laissez-passer consulaires ont été délivrés ! À ce stade, le texte propose quelques ajustements utiles dans la lutte contre l’immigration clandestine, mais, alors que l’immigration est aujourd’hui hors de contrôle en France et en Europe, rien n’est prévu sur la régulation des flux. Rien n’est dit non plus pour diminuer le nombre d’entrées sur notre territoire. Rien n’est anticipé sur les conditions d’accès à la nationalité. Rien non plus sur une nécessaire révision de la Constitution, sur la redéfinition de conventions avec les pays d’origine, comme l’Algérie, ou sur une modification indispensable des traités européens.
Gérald Darmanin réfléchit à des titres de séjour pour les métiers en tension. Est-ce une bonne idée ?
Notre pays compte 6 millions de chômeurs et 1,4 million de jeunes sans emploi ni formation. Avons-nous besoin de davantage d’immigration ? La réponse est non. Par expérience, je suis hostile à tout nouveau mécanisme de régularisation automatique qui aboutirait non pas à une diminution mais à une augmentation de l’immigration dans notre pays par un effet bien connu d’appel d’air.
La droite doit-elle s’opposer à ce texte ?
Clairement, ce texte aujourd’hui est insuffisant face à l’ampleur du défi.
>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr
L’article Brice Hortefeux : « Éric Ciotti a été élu pour unir, définir et ouvrir » est apparu en premier sur les Républicains.