Annie Genevard : « Ce salon doit lancer la reconquête de notre puissance agricole »
Ministre de l’agriculture, Annie Genevard assure que le gouvernement a tenu les promesses faites aux agriculteurs et qu’il va « réhabiliter l’acte de production ».
Le Salon international de l’agriculture (SIA) ouvrira ses portes samedi, alors que le mécontentement agricole persiste et qu’il vient de générer une conséquence inédite : lors des élections professionnelles en janvier, l’hégémonie historique des syndicats agricoles majoritaires (la FNSEA et Jeunes Agriculteurs) a été ébranlée au profit d’une organisation professionnelle aux méthodes plus musclées, la Coordination rurale.
La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, dévoile à La Tribune Dimanche comment elle compte faire de ce rendez-vous redouté « un moment de respiration ».
Une année s’est écoulée depuis l’ouverture du SIA la plus chahutée de son histoire. À quoi vous attendez-vous pour cette nouvelle édition ?
Celui qui s’ouvre samedi prochain n’est pas un salon comme les autres. Il fait suite à une année de crises terribles pour le monde agricole, et il est aussi le premier rendez-vous après les élections des chambres d’agriculture. Ce salon 2025 doit confirmer sans ambiguïté que les Français et l’État aiment les agriculteurs. Il doit rester avant tout une grande fête populaire, et être un moment de respiration, d’apaisement. Il doit aussi permettre de fixer les grandes orientations sur lesquelles je veux amener les agriculteurs à travailler avec moi. Je voudrais que nous fassions de ce 61e Salon de l’agriculture la première pierre d’une ère de reconquête de notre puissance agricole et alimentaire.
Qu’est-ce qui a changé en ces douze mois qui permettrait aux agriculteurs d’approcher le SIA plus sereinement ?
On a honoré les engagements qu’on avait pris auprès d’eux, et ce malgré un contexte politique extrêmement difficile. Cela a été mon objectif, et même mon obsession. Ces engagements, c’est presque un demi milliard d’allègements de charges sociales et fiscales désormais validés budgétairement ; des indemnisations aux propriétaires de cheptels touchés par les épidémies, et l’appui de l’État à la vaccination ; le soutien étatique aux agriculteurs rencontrant des difficultés de trésorerie grâce à des dispositifs de prêts ; des mesures de simplification de leurs démarches, comme le contrôle administratif unique. Quant aux engagements législatifs, l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture [PLOA] vient de se terminer au Sénat. La commission mixte paritaire [CMP] se tiendra la semaine prochaine. J’en appelle à la responsabilité de nos parlementaires : à quelques jours du salon, je suis sûre qu’un accord sera trouvé entre députés et sénateurs.
Comment comptez-vous lancer cette « reconquête de notre puissance agricole » ?
Le premier enjeu est de réhabiliter l’acte de production. Je m’inscris en faux contre la décroissance. Il faut produire, y compris pour manger mieux, puisque l’agriculture française est l’une des plus vertueuses au monde. J’ai donc introduit dans le PLOA une nouvelle disposition qui institue des « conférences de la souveraineté alimentaire » confiées aux filières. Chacune devra définir son plan d’action de reconquête sur dix ans. Et, régulièrement, on jaugera la réalité à l’aune des objectifs. L’État les aidera à lever les obstacles, financièrement et sur le plan normatif. Je viens aussi de lancer des assises du sanitaire animal. Avec le réchauffement planétaire, les épizooties vont possiblement se multiplier. On ne peut pas se limiter à en payer les dégâts. Il faut anticiper, adopter des stratégies de prophylaxie. Ces assises, je les conduirai aussi avec les professionnels : ce sera aux filières animales de formuler des propositions pour reprendre la main sur la gestion de ces épidémies. Il faut enfin mettre en place une vraie politique d’incitation à la transmission et à l’installation, en travaillant à la fois avec les cédants et les repreneurs des exploitations. Le défi du renouvellement des générations est incontournable pour reconquérir notre assiette : il faut que dans dix ans on ait autant d’agriculteurs qu’aujourd’hui. Enfin, il faut protéger la terre agricole comme la prunelle de nos yeux tant elle est convoitée, mais aussi en travaillant sur la qualité des sols, dont dépendent les rendements. Les nouvelles techniques agronomiques doivent intégrer la recherche et l’innovation technologique.
En matière agricole, de fortes controverses subsistent quand même sur les sujets liés à l’environnement (eau, pesticides…). Vos positions se sont récemment révélées différentes de celles de la ministre de la Transition écologique. Quelles sont vos relations ?
Agnès Pannier-Runacher et moi avons des compétences partagées. Travailler ensemble est une nécessité. Opposer environnement et agriculture est une impasse : les agriculteurs sont des entrepreneurs du vivant. Le gouvernement s’est engagé sur un chemin de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, on ne reviendra pas en arrière. Les agriculteurs veulent néanmoins disposer d’outils de protection. Je poursuis donc l’action qu’avait engagée Agnès Pannier-Runacher sur la recherche d’alternatives quand elle était au ministère de l’Agriculture. Mais il faut le temps de la transition, ou l’on risque de voir disparaître des filières entières. Je m’attache donc à prioriser celles qui n’ont pas de solution de traitement, et à distinguer entre les « médicaments des plantes » en fonction de leurs modalités d’usage et de leur rapport bénéfice-risque.
La question cruciale du revenu des agriculteurs est en revanche l’une des rares à faire consensus parmi les syndicats. Mais elle reste irrésolue malgré les diverses lois Egalim [agriculture et alimentation] adoptées depuis 2018. Faut-il vraiment légiférer de nouveau ?
Légiférer sert à ajuster le dispositif en fonction de la réalité. Et ce qui apparaît, c’est que, dans les filières qui sont engagées dans Egalim, la matière première agricole [MPA] est mieux protégée. Il s’agit maintenant de protéger en partie aussi la matière première industrielle [MPI], parce que le lien entre producteurs et transformateurs est capital : là où il y a des transformateurs, l’agriculture est plus forte. En France, cette industrie compte 530 000 emplois, c’est la première du pays. La loi doit aussi corriger certains dysfonctionnements relationnels avec le troisième maillon indispensable de la chaîne. Certains exercent une pression déraisonnable sur les prix et, par les centrales d’achat européennes, cherchent à échapper aux lois Egalim. La défense du consommateur ne peut pas se faire en effaçant les deux autres maillons de la chaîne : le consommateur, in fine, est perdant, car il se retrouve parfois à manger des produits de qualité inférieure. La façon dont se passeront cette année les négociations commerciales inspirera les contours du projet de loi.
Sur tous ces sujets, pensez-vous pouvoir dialoguer aussi avec la Coordination rurale, qui se dit « antisystème » et dont certains membres ont des liens étroits avec l’extrême droite ?
Je respecte le résultat des urnes. Tous les syndicats agricoles seront donc demain mes interlocuteurs comme ils le sont déjà aujourd’hui. Dans l’avenir de l’agriculture que je veux bâtir, les organisations professionnelles auront toute leur place, malgré les divergences de point de vue. Je souhaite un dialogue régulier et constructif. Il y a trop de sujets stratégiques pour s’en passer.
Laurent Wauquiez et votre collègue Bruno Retailleau sont offciellement candidats à la présidence des Républicains, dont vous assurez l’intérim en tant que secrétaire générale. Ce duel ne va-t-il pas abîmer une droite qui redevient audible ?
Je considère qu’un grand parti démocratique s’honore d’une compétition apaisée. Et je récuse la fatalité d’une guerre des chefs qui affaiblirait la droite. Cette responsabilité est celle des candidats et, comme secrétaire générale, je veillerai, dans la neutralité de ma fonction, à le leur rappeler.
Le ministère de l’Intérieur exige une attention de tous les instants. Bruno Retailleau peut-il raisonnablement mener en même temps une campagne de terrain ?
Je n’ai pas à justifier la décision de Bruno Retailleau. Et sa déclaration de candidature y a répondu. Il a arbitré cette question et considéré qu’une mission ne perturberait pas l’autre.
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