Alexandre Portier : « La réussite scolaire n’est pas un gros mot »
Alexandre Portier, 34 ans, venu du camp LR, est ministre délégué chargé de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel. Explications sur son périmètre d’action au ministère de l’Éducation nationale.
Au sein du gouvernement Barnier, vous avez hérité du poste, inédit, de ministre délégué à la Réussite scolaire, aux côtés d’Anne Genetet, ministre de l’Éducation. Comment comprendre cet intitulé ?
C’est une volonté de Michel Barnier. Le premier ministre voulait voir figurer le terme de « réussite scolaire », afin d’insister sur la mission première de l’école. Réaffirmer la réussite scolaire, c’est sortir d’un discours qui peut niveler par le bas et qui a malheureusement trop prospéré pendant des années. La réussite n’est pas un gros mot. Il faut assumer de valoriser l’effort, le mérite, l’excellence. Les résultats du dernier classement Pisa montrent deux choses : notre recul général et le fait que l’on forme de moins en moins de très bons élèves. Mais l’excellence n’est pas l’élitisme. Cette excellence peut prendre plusieurs visages, dans les filières technologiques, professionnelles, au collège… La réussite scolaire doit s’écrire au pluriel pour permettre à chaque élève d’exploiter son potentiel.
Quelle est votre feuille de route ?
Elle est très simple : l’école doit retrouver sa mission première de transmission des savoirs. On a parfois dilué cette priorité parmi d’autres, alors qu’elle est essentielle et singulière. C’est un facteur de démotivation pour les enseignants, à qui l’on demande de traiter tous les maux de la société. L’école ne peut pas tout. Le grand chantier de la formation des enseignants, je l’avais défendu comme député, et je le défendrai avec la ministre de l’Éducation nationale. Il faut en particulier apporter aux enseignants une formation plus solide sur les aspects didactiques et pédagogiques. Enseigner est un métier qui s’apprend.
Cette réforme, qui devait entrer en application en 2025, a été repoussée. La ministre Anne Genetet l’envisage pour l’année 2026. Est-ce réaliste sur le plan budgétaire ?
Nous travaillons pour avancer sur le sujet et avoir une réforme ambitieuse de la formation des enseignants.
Vous avez déjà expliqué vouloir prendre à bras-le-corps le sujet de l’orientation des élèves. Que prévoyez-vous ?
On se contente trop souvent de gérer le devenir des élèves par les outils d’affectation. C’est un constat que nous partageons avec le ministre de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel. Il faut remettre à plat cette politique d’orientation, qui est aujourd’hui trop décousue. Elle est portée par les régions, l’Onisep, les CIO, les psychologues de l’Éducation nationale… À la fin, les familles ne s’y retrouvent pas. Cela se traduit mécaniquement par des inégalités de destins. Je souhaite lancer prochainement une consultation, qui prendra la forme d’un Tour de France de l’orientation. Elle concernera à la fois l’orientation à la fin du collège et l’orientation à la fin du lycée. Je rencontrerai les établissements, les collectivités, les fédérations de parents d’élèves, les syndicats, les fédérations professionnelles et toutes les structures qui peuvent accompagner les jeunes. Cela doit nous permettre de définir les grands axes de cette nouvelle politique.
Le « choc des savoirs » promis en décembre 2023 par Gabriel Attal semble avoir du plomb dans l’aile. L’idée de faire du brevet un diplôme obligatoire pour entrer au lycée est toujours à l’étude… Comment vous positionnez-vous?
Depuis des années, beaucoup de gens, sur le terrain ou au plus haut niveau, refusent le nivellement par le bas. J’assume de dire que les diplômes doivent retrouver leur valeur. Le brevet doit retrouver toute sa valeur, en conditionnant par exemple l’entrée au lycée.
Vous avez récemment affirmé vouloir généraliser l’interdiction des portables à l’école à la rentrée prochaine, en imposant une « pause numérique ». Anne Genetet, elle, plaide pour une « autonomie » des établissements sur le sujet. Où en sommes-nous ?
L’interdiction est écrite dans la loi. Elle doit être respectée. L’absurdité, c’est qu’elle n’est pas mise en œuvre depuis six ans ! Nous tirerons parti des expérimentations mises en place sur le terrain depuis septembre. Quand on est face à une catastrophe éducative et sanitaire, il faut aller jusqu’au bout. Ce sera l’un de nos chantiers avec la ministre, en trouvant la bonne méthode.
Comment se passe la cohabitation avec la ministre de l’Éducation nationale ?
Nous venons de familles politiques différentes, mais nous travaillons bien ensemble, sous l’autorité du premier ministre. Nous portons la même ambition de faire réussir l’école.
Vous êtes un homme de droite, membre des Républicains. Comment vos convictions politiques se déclinent-elles sur le plan éducatif ?
J’estime que l’école est là pour transmettre et que le respect de l’autorité est fondamental. Les élèves des milieux populaires sont les premiers à payer le coût du délitement de l’autorité. Je viens d’une famille politique qui défend le mérite à la fois des élèves et le mérite des enseignants. Et je n’ai pas de tabou à dire que le travail doit être récompensé, à travers des notes qui veulent dire quelque chose et des diplômes qui ont une valeur.
Fils d’artisans, premier de votre famille à avoir décroché le bac, avant d’intégrer Normale Sup, vous êtes un pur produit de la méritocratie républicaine. Comment se porte cette méritocratie ?
On lui a fait beaucoup de mal. Le mandat de François Hollande a été catastrophique. Quand on commence à vouloir remplacer les notes par des gommettes de couleur, quand on considère que le redoublement est un système quasi oppressif, c’est qu’on a perdu de vue la mission de l’école. L’école ne doit laisser aucun enfant au bord du chemin.
Quel regard portez-vous sur la politique éducative menée depuis la présidence Macron ?
Certains ministres de l’Éducation ont défait ce que leurs prédécesseurs avaient mis en place. Sur le terrain, les équipes en ont souffert. Il faut maintenant poser des jalons durables. Quand on forme une génération, on la forme pour quinze ans. On ne peut pas changer les règles du jeu tous les trois mois.
Outre la Réussite scolaire, vous êtes également en charge de l’Enseignement professionnel. Quels sont vos projets, alors que la réforme du lycée professionnel, lancée en 2019, entre cette année dans sa dernière phase ?
Cette réforme est bonne, elle a permis de connecter plus fortement les établissements à leur territoire, notamment grâce au bureau des entreprises. C’est une vraie avancée. Mais il faut aller plus loin. La voie professionnelle peut nous permettre de répondre aux grands défis économiques, numériques, industriels, alimentaires, énergétiques de notre pays. Je vais m’atteler cette année à moderniser et renouveler en profondeur l’offre de formation. C’est un travail que nous allons faire dans toutes les régions, bassin d’emploi par bassin d’emploi.
>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr
L’article Alexandre Portier : « La réussite scolaire n’est pas un gros mot » est apparu en premier sur les Républicains.