Agnès Evren : « Si nous laissons notre système scolaire s’effondrer, c’est notre société qui s’effondrera »
Face à la chute du niveau scolaire et la hausse croissante des inégalités à l’école, la France doit sortir de la politique du zigzag permanent et mettre en place une politique ambitieuse de long terme, argumente la sénatrice LR de Paris et vice-présidente des Républicains.
L’école est doublement malade. D’une part, le niveau scolaire général s’effondre : notre pays est devenu un très médiocre élève de l’Europe et il ne cesse de reculer dans les classements internationaux. En quatrième, près de la moitié des élèves ne lisent pas correctement ou ne maîtrisent pas les bases des mathématiques. D’autre part, les inégalités s’aggravent : la France est l’un des pays de l’OCDE où les enfants ont le moins de chances d’accéder un jour à un autre milieu que celui de leurs parents et où l’origine sociale a le plus d’impact sur la réussite éducative.
Alors, que faire pour sortir de cet engrenage où les réformes se succèdent sans profit et redonner à notre système éducatif un cadre susceptible de donner davantage d’efficacité collective aux efforts de tous ceux qui y travaillent ? Aujourd’hui comme sénatrice, hier au ministère de l’Éducation nationale ou en tant que vice-présidente de la région Île-de-France chargée des lycées, j’ai été au contact permanent de la communauté enseignante et fait le choix de regarder ce qui se passe dans les pays qui enregistrent les meilleurs résultats, comme la Finlande, la Corée du Sud, l’Estonie ou Singapour. Non pas pour copier tels quels des modèles inadaptés à notre histoire, à notre société, à notre culture. Mais pour identifier, par-delà les innombrables différences, des priorités communes qui expliqueraient leur réussite et, en creux, nos échecs.
Quelques facteurs décisifs ressortent. La France gagnerait à s’en inspirer et à sortir de la politique du zigzag permanent : du port de l’uniforme aux groupes de niveau, s’il y a un domaine qui n’échappe pas à l’impasse du « en même temps » macronien, c’est bien l’Éducation nationale. Nous pourrions fonder une politique ambitieuse de long terme sur trois piliers.
D’abord, donner priorité à l’acquisition d’un socle d’apprentissages indispensables à l’épanouissement tout au long de la vie. À l’heure où de multiples transformations sont en cours, on ne peut certes pas enseigner la même chose et de la même façon qu’avant. Mais on ne peut pas, non plus, surcharger le corps enseignant de missions toujours plus diverses et plus lourdes qui diluent les apprentissages fondamentaux. On reproche à l’école de ne pas assez faire, mais, en réalité, on lui demande de devenir la caisse de résonance des préoccupations sociétales et sociales du moment. Au lieu de resserrer les apprentissages, on les a décentrés. Cette perversion du système scolaire s’est accélérée, quelle que soit la couleur politique des gouvernements. Or il apparaît que, dans les pays les plus performants, les enseignants assurent une grande continuité et cohérence des apprentissages, d’année en année, sur un petit nombre de connaissances et de compétences (notamment pour la langue maternelle ou les mathématiques), considérées comme les clés de l’accès à tous les autres savoirs que les équipes pédagogiques peuvent choisir d’aborder. La définition de ce « socle» demande bien sûr de faire émerger un large consensus sur les questions d’éducation, au fil de longs travaux de concertation entre enseignants, experts, parents, personnalités du monde de la culture, professionnels de divers secteurs, etc.
Deuxième pilier : la revalorisation du métier d’enseignant. C’est en effet une autre caractéristique constante des systèmes qui réussissent le mieux. Par exemple, en Finlande et en Estonie, rares pays européens où les professions du système scolaire ne rencontrent pas de problèmes d’attractivité, les professeurs sont écoutés, accompagnés et bénéficient d’une excellente formation continue. Pour les soutenir, des enseignants supplémentaires devraient apporter immédiatement une aide adaptée à tout élève qui rencontre une difficulté, même ponctuelle ou légère, sans attendre que les problèmes s’accumulent. Ce serait doublement payant, pour relever le niveau des élèves les plus faibles et limiter les échecs, mais aussi pour pousser les meilleurs à l’être encore davantage.
Enfin, il est impératif de réaffirmer que l’école offre un cadre commun qui s’impose à tous. Un cadre plus que jamais indispensable pour lutter contre la fragmentation territoriale, sociale, sociétale et culturelle. Le défi est colossal, notamment du fait de l’insuffisante maîtrise des flux migratoires qui pèse – c’est l’Éducation nationale elle-même qui le dit – sur les résultats. Depuis 2000, la part d’enfants issus de deux parents nés hors de l’UE a augmenté de 72% : nous devons décupler les efforts d’intégration face au nombre croissant d’élèves qui ne parlent pas français à la maison et dont la famille ne partage pas les références culturelles nationales. Là encore, prendre appui sur les orientations que suggère l’analyse des comparaisons internationales devrait nous aider considérablement à assurer le respect non négociable des règles de vie en collectivité. Nous ne devons plus céder un pouce de terrain à la violence qui gangrène un grand nombre d’établissements et au drame du harcèlement. Il va, également, nous falloir redoubler d’efforts pour mettre un coup d’arrêt aux atteintes croissantes à la laïcité, qu’une majorité de lycéens considèrent aujourd’hui comme un « concept dépassé », sous l’influence des fondamentalistes et avec la complicité de l’extrême gauche.
Il me semble que ces trois grandes orientations, qui ont fait leur preuve, devraient nous inspirer pour fixer un cap enfin centré sur l’essentiel. Ce dont manque l’école, ce n’est pas d’une quelconque mesure magique, ni même d’un hypothétique big bang, mais bien d’une vision. Si nous continuons à naviguer à vue et laissons notre système scolaire s’effondrer, c’est notre société qui s’effondrera.
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