Bruno Retailleau : « Mon plan contre les narcotrafics »
Cinquante jours après son arrivée place Beauvau, Bruno Retailleau continue de préciser son plan d’action contre le narcotrafic. Nouvelles technologies, évolutions législatives, contrôles aux frontières : place à l’action.
Sur tous les fronts, le « premier flic de France » ne mâche pas ses mots contre les périls français. Il dénonce le lien entre immigration et trafic de stupéfiants, la corruption en hausse et les « successeurs de Pétain » représentés aujourd’hui par « l’extrême gauche anti-flics et antisémite ». Alors qu’il doit se rendre cette semaine avec le garde des Sceaux à Marseille pour tenter de marquer le coup dans l’intensification de la lutte contre le narcotrafic, Bruno Retaille dévoile au JDNews sa thérapie de choc: création d’un parquet national antistupéfiants, nouvelle méthode contre les points de deal, harcèlement des réseaux, renforcement des moyens de la police et lancement d’une campagne nationale inédite pour dénoncer les ravages de la drogue. Le Vendéen est conscient qu’il n’a pas le temps. Son maître-mot: ne pas subir. Place à l’action.
Plus aucune ville de France n’est épargnée par le trafic de drogue… Comment en est-on arrivé là ?
Il n’y a pas eu de prise de conscience collective, comme il y en a eu face au terrorisme islamiste. Pourtant, le narcotrafic représente une menace tout aussi grave. Comme lui, il crée de petites contre-sociétés qui disposent de leurs propres territoires et appliquent leurs propres lois. Comme lui aussi, il a bénéficié d’une forme de tolérance, parce que le discours soixante-huitard n’a cessé de banaliser l’usage des drogues. Mais les caïds ne sont pas moins dangereux que les barbus, la vendetta ne vaut pas mieux que la charia : il faut faire de la lutte contre le narcobanditisme un vrai combat national, comme on l’a fait pour le terrorisme islamiste.
Tous les ministres de l’intérieur avant vous ont déclaré la guerre à la drogue… Qu’est-ce que vous proposez ?
Une nouvelle méthode : frapper vite et bien. Frapper vite, c’est répondre tout de suite, dès qu’il y a un problème dans un quartier : c’est ce qui a été fait à Rennes avec l’envoi immédiat de CRS et le renforcement des moyens sur le terrain. Frapper bien, car je veux des actions en profondeur, plus durables que spectaculaires. Supprimer un point de deal ne sert pas à grand-chose s’il se reconstitue immédiatement dans le quartier d’à côté.
En déplacement à Rennes, vous avez rencontré une mère de famille au témoignage poignant qui vous a affirmé qu’elle ne se sentait plus en France. Qu’en retenez-vous ?
Cet échange m’a vraiment touché. Comme elle, beaucoup de Français modestes se sentent étrangers chez eux. C’est d’abord pour cette France-là que je me bats. Rétablir l’ordre, c’est restaurer la justice sociale : face aux désordres sécuritaires et migratoires, les Français les plus modestes sont les premiers touchés car ils n’ont pas les moyens de se protéger derrière le mur de l’argent, d’habiter les beaux quartiers, de mettre leurs enfants dans les bonnes écoles.
Comment lui répondre sur l’implication dans ce trafic ?
Dès que j’ouvre un dossier, je suis confronté à l’échec de nos politiques migratoires et d’intégration, qu’il s’agisse du narcotrafic, de la délinquance du quotidien, de la défense de la laïcité ou de l’islamisme. Raison pour laquelle je veux réduire l’immigration et dire les choses : oui, telle qu’elle est aujourd’hui, l’immigration n’est pas une chance! C’est ce que pense d’ailleurs une grande majorité de Français.
Vous devez faire dans les prochains jours des annonces fortes à Marseille, en présence du ministre de la Justice… Est-il seulement possible, honnêtement, de reprendre la main ?
Si je ne le pensais pas, je n’aurais pas accepté d’entrer au gouvernement. Je n’ignore rien de ce qui se passe à Marseille ou ailleurs : tous les jours, une masse d’informations me remonte et montre la gravité de la situation. Mais j’essaie d’appliquer la devise d’un grand Vendéen, le maréchal de Lattre: ne pas subir. Le rôle du politique n’est pas de subir les événements mais d’en infléchir la courbe.
Il y a un débat autour de la création d’un parquet national anti-narcotrafic, on sait que vous y êtes favorable… Obtiendrez-vous gain de cause ?
Sur ce sujet-là, j’ai dit depuis longtemps ma conviction. Je n’en ai pas changé. Je ne veux pas un parquet pour avoir un parquet ! Mais parce que ce modèle donne des résultats : on l’a vu sur le terrorisme. Le fait d’avoir créé le parquet national anti-terroriste a permis de porter de vrais coups au terrorisme islamiste. Car comme les trafiquants, les islamistes ne connaissent pas les limites territoriales des juridictions. Avoir un parquet qui agirait au niveau national et même international, avec des juges qui connaissent parfaitement les réseaux et les profils, serait une arme déterminante dans le combat contre le crime organisé.
Vous avez évoqué la corruption en hausse en France… et même une « infiltration de l’administration d’État ». Comment lutter contre cette tentation dangereuse ?
Nos institutions tiennent encore et la corruption n’a pas tout gangrené. Mais le ver est déjà dans le fruit. Cette tentation peut être d’autant plus forte que nous ne sommes pas en face de petits délinquants mais de réseaux qui disposent d’une puissance financière considérable et qui n’hésitent pas à intimider ou menacer. Je veux que l’on redouble de vigilance pour, par exemple, identifier les personnels les plus exposés ou les plus vulnérables, détecter l’usage anormal de certains fichiers au sein des services de l’Etat, mais aussi sensibiliser et former davantage les agents.
Que répondez-vous à ceux qui voient les consommateurs comme des malades, victimes de leurs addictions ?
Soigner, ce n’est pas tout accepter, tout excuser. Il y a derrière ce discours la culture de l’excuse d’une certaine gauche qui, toujours, cherche à transformer les coupables en victimes. On l’a vu d’ailleurs récemment avec ce député LFI pris en train d’acheter de la drogue : ses collègues insoumis l’ont immédiatement victimisé. Un député a un devoir d’exemplarité.
Les salles de shoot s’attirent les foudres des riverains partout, notamment pour des raisons de sécurité. Accompagner les drogués dans leur consommation est-il la solution ?
Je n’ai jamais été favorable aux salles de shoot. Elles créent plus de problèmes qu’elles n’en règlent. La lutte contre les addictions ne peut pas se faire au détriment de la sécurité, avec des quartiers où se concentrent les drogués, où certains s’injectent des produits aux yeux de tous… La solution contre les addictions, c’est d’abord la sensibilisation sur les dangers de la drogue. Il faut casser l’image récréative qui pousse aux premières expériences, montrer concrètement les ravages créés par ce fléau. Nous allons le faire avec le nouveau plan national de lutte contre les stupéfiants qui sera lancé prochainement. Il comprendra une grande campagne de communication, avec des images chocs pour dénoncer la consommation de drogues.
Les policiers traquent aujourd’hui des livraisons de drogue par drone sous-marin, drone, go fast, low fast, et déplorent un manque de moyens criant…
Malgré une situation budgétaire très tendue, je me bats pour préserver les moyens, qui seront d’ailleurs maintenus et même légèrement augmentés. Mais avec les évolutions technologiques, il y a clairement des champs du narcotrafic que nous n’avons pas assez investis. Je pense à l’espace cyber, pour infiltrer le haut des réseaux mais aussi pour s’attaquer à la livraison à domicile – les fameux « uber shit » – qui tend à remplacer les points de deal en certains endroits. Je veux de vrais cyberpatrouilleurs et j’ai donné des instructions pour que l’on travaille en ce sens. Les magistrats, comme les policiers et les gendarmes, subissent aussi la complexité des procédures qui profite d’abord aux délinquants. Je veux renforcer la filière d’investigation, avec la justice, pour cibler précisément ceux qu’il faut interpeller. L’investigation souffre d’un manque d’attractivité et de reconnaissance. La raison principale, c’est la complexité de cette procédure pénale : on ne devient pas policier pour devenir gratte-papier.
Il y a aussi la question de la libre circulation des personnes dans le cadre de Schengen. Est-ce un problème pour le ministre de l’intérieur que vous êtes ?
Là encore, les réseaux du crime, comme les réseaux islamistes, profitent des trous dans la raquette sur le contrôle des frontières ou sur l’éloignement des étrangers qui n’ont rien à faire chez nous. J’ai bon espoir que les choses avancent. Car il y a aujourd’hui une prise de conscience au niveau européen. Je le vois très concrètement, sur deux enjeux. Le premier, c’est la reprise du contrôle de nos frontières extérieures, que va permettre la mise en œuvre du pacte Asile et immigration. Le second enjeu, c’est la directive Retour, qui précisément ne permet pas les retours : j’ai obtenu de mes partenaires européens que sa révision soit engagée sans tarder. C’est une première victoire. Dans l’attente, il faut assurer un contrôle
de nos frontières intérieures. C’est pourquoi j’ai reconduit ces contrôles, à partir du 1er novembre. Je constate d’ailleurs que nous ne sommes pas
les seuls : près de la moitié des Etats européens exercent ces contrôles aux frontières intérieures, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas.
Avez-vous regardé le film Bac Nord ? Comme ministre de l’intérieur, qu’en pensez-vous ?
Bien sûr, je l’ai vu dès sa sortie. J’avais été frappé par l’extrême difficulté du métier de policier dans ces quartiers. Mais de manière plus générale, après plusieurs semaines au contact de nos forces de l’ordre, je veux dire que pour elles, je ne tolérerai rien, aucune atteinte, aucune offense. Tous ceux qui collent une cible dans le dos de nos policiers et de nos gendarmes me trouveront sur leur route. Certains m’ont d’ailleurs déjà trouvé. J’ai déposé plainte contre cet assistant parlementaire d’une députée LFI qui a qualifié nos forces de l’ordre « d’enfants de Pétain ». Les successeurs de Pétain, ce ne sont pas ceux qui font l’honneur de la République, en défendant ses lois au péril de leur vie, mais ceux qui la déshonorent. Je parle de cette extrême gauche qui propage la haine anti-flics et soutient des mouvements islamistes et antisémites, comme le Hamas ou le Hezbollah. Je considère qu’elle constitue la pire menace politique aujourd’hui.
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