Yannick Neuder : « On nous demande d’avancer à l’aveugle »
Pour le député LR, le texte sur la fin de vie ouvre la porte à des dérives en se privant de plusieurs garde-fous.
Pourquoi avez-vous sonné l’alerte sur le texte « fin de vie » en commission ?
Étudier des évolutions sur le processus de la fin de vie ne peut pas se traduire par un saut sociétal majeur. Ce projet, qui nous avait été vendu par le gouvernement comme équilibré, s’est déséquilibré sur de nombreux points : critères, collégialité, personnes sous tutelle ou curatelle, intervention des tiers, partenariat avec les soignants et étude d’impact. Il est important de commencer par reconnaître que des places manquent en soins palliatifs. On sait que la demande de mort diminue fortement chez les patients qui peuvent bénéficier de ces soins. Il ne faudrait surtout pas légiférer sur l’aide active à mourir pour combler ce manque. Il faut des soins palliatifs pour tous sur l’ensemble du territoire, sachant qu’aujourd’hui 7 patients sur 10 ne peuvent pas y avoir accès.
Pourquoi l’impact de la loi vous inquiète-t-il ?
Nous demande-t-on de légiférer pour une centaine de cas difficiles par an concernant des personnes en quête de solutions à l’étranger, ou doit-on réfléchir sur le potentiel de patients susceptibles de réclamer une aide active à mourir ? Aux Pays-Bas ou en Belgique, l’aide active à mourir représente environ 4% des décès. En appuyant ces chiffres sur les 660 000 décès français, cela représente près de 30 000 patients chaque année. Or, l’étude d’impact soumise aux députés parle d’une centaine de cas ! Sans jouer avec la peur des gens, nous devons savoir de quoi l’on parle exactement. Personne ne le sait. On nous demande d’avancer à l’aveugle. Chercher des réponses sur l’aide active à mourir peut-être louable mais attention de ne pas ouvrir une boîte de Pandore. On sait que les personnes réclamant cette aide sont souvent en situation de précarité économique. Il y a une dimension sociale du problème qui n’est pas prise en compte. Aussi, certains verrous peuvent sauter sous le coup des amendements, comme c’est le cas pour le critère du pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Il a disparu au profit de celui d’une maladie avancée et en phase terminale. C’est très grave. Comment décider une aide active à mourir pour une personne dont le pronostic vital ne serait pas engagé ? En vérité, certains parlementaires veulent aller plus loin que le texte du gouvernement.
Pour quelle raison les discussions portant sur la décision médicale d’autoriser l’aide active à mourir vous choquent-elles ?
Nous avons défendu l’importance du caractère collégial de cette décision, mais les députés ne pouvant pas présenter des amendements engageant les finances de l’État, les nôtres ont été rejetés. Il sera plus facile d’obtenir une décision pour un suicide assisté que pour avoir une valve cardiaque ! C’est une aberration, très difficile à défendre auprès des soignants. Et une difficulté juridique supplémentaire.
Qui pourra donner la mort ?
La loi propose que ce soit le patient ou un tiers. Nous serions ainsi les premiers dans le monde à accorder une telle responsabilité à un tiers. Certains y voient un ultime acte d’amour, mais il ne faut pas négliger le risque d’impact psychologique et de stress post-traumatique. Donner une substance létale à sa mère, à son père, à son frère ou à son enfant n’est pas sans conséquence. Enfin, l’intervention d’un soignant est envisagée, mais il nous semble important d’établir un statut de volontariat au-delà de l’indispensable clause de conscience qui, pour l’instant, est maintenue.
Pourquoi avez-vous soulevé la question des personnes placées sous tutelle ou curatelle ?
Parce que je n’arrive pas à comprendre les explications de la ministre. Comment peut-on admettre qu’une personne placée sous ces régimes, parce que jugée incapable de gérer sa vie quotidienne, puisse prétendre à une aide active à mourir en pleine conscience ? Cette question reste entière, comme la dimension économique d’un texte qui ne s’appuie sur aucune projection. Le milliard annoncé n’est pas sanctuarisé, alors que notre système de santé est en grande souffrance et que notre pays est confronté au mur de la dette.
Quel débat anticipez-vous dans l’hémicycle ?
J’espère que nous pourrons réellement l’avoir. Le sujet est trop important pour ignorer l’ensemble des angles morts de ce texte. Personnellement, je ne sais pas encore ce que je voterai, mais plus j’avance, plus je doute. Je ne veux pas faire partie des artificiers qui auront fait exploser les verrous.
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