Jacqueline Eustache-Brinio : « Ces enfants risquent de prendre des décisions parfois irréversibles »
La sénatrice et vice-présidente de notre mouvement Jacqueline Eustache-Brinio plaide pour un encadrement légal plus strict, interdisant aux professionnels de santé de proposer une transition hormonale ou chirurgicale avant 18 ans.
Pourquoi avez-vous souhaité un travail parlementaire sur les transitions de genre chez les enfants ?
Je me suis intéressée à ce sujet parce qu’il m’a semblé que la prise en charge des mineurs s’identifiant trans en France était encore très méconnue de l’opinion, alors que les choses évoluent pourtant très vite et que de nombreuses questions cruciales sont posées. Celle du diagnostic et des prescriptions qui les concernent est à mes yeux l’une des plus urgentes à traiter. Bruno Retailleau m’a confié l’an dernier la mission d’animer un groupe de travail auquel ont participé 18 sénateurs LR. Nous avons auditionné une soixantaine de personnes, professionnels de santé, éducateurs, responsables associatifs, enfants, parents…
Ce rapport étudie la « transidentification » des mineurs, le fait de s’identifier comme un enfant trans. Ces enfants sont-ils nombreux en France ?
Il n’existe pas de statistiques officielles permettant de le mesurer. Mais tous les médecins et psychologues que nous avons auditionnés reconnaissent que ce phénomène est en expansion – quel que soit par ailleurs le regard qu’ils posent dessus. La psychologue Angélique Gozlan, spécialiste des réseaux sociaux chez les adolescents, nous a décrit le rôle joué par des influenceurs transgenres auprès de jeunes en souffrance, que les algorithmes finissent par enfermer dans des bulles informationnelles où seul résonne un même discours, répliqué à l’infini.
Faut-il davantage encadrer la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ?
Oui, car, avant 18 ans, le consentement n’est pas le même qu’à l’âge adulte, et les enfants risquent de prendre des décisions parfois irréversibles, que certains regrettent plus tard – trop tard. Je déposerai avant l’été au Sénat une proposition de loi pour encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans le cadre de la prise en charge des mineurs. Ceux-ci doivent être suivis en premier lieu par des pédopsychiatres. Seuls les enfants qui ne présentent pas d’autres troubles psychopathologiques majeurs pourront, si leur détresse liée au genre perdure, être redirigés vers des services spécialisés dans l’incongruence de genre.
La loi doit interdire de prescrire des bloqueurs de puberté aux mineurs à qui l’on diagnostique une dysphorie de genre, comme vient de le décider le Royaume-Uni. Nous voulons également interdire la prescription et l’administration d’hormones croisées aux mineurs ainsi que la chirurgie de réassignation sexuelle. En plus de cette proposition de loi, nous préconisons d’abroger la « circulaire Blanquer » de 2021, qui crée un régime d’exception pour les « élèves transgenres » en milieu scolaire, et de la remplacer par une note de service incitant le personnel scolaire à rester neutre à l’égard des enfants qui s’interrogent sur leur genre.
Lors de son audition, le Pr David Cohen, pédopsychiatre et chef de service à la Pitié-Salpêtrière, a estimé que la souffrance de certains enfants doit inciter à laisser une marge de liberté aux médecins…
La souffrance des enfants mal à l’aise avec leur genre est un mal-être psychologique qui nécessite du temps pour être appréhendé et compris. L’adolescence est souvent l’âge où l’acceptation de son corps pubère, de son identité sexuée, est plus difficile. Mais, lorsque les enfants victimes de ce mal-être bénéficient d’un accompagnement adéquat, ils ne demandent pas nécessairement à changer de sexe. Nous recommandons une meilleure prise en charge psychiatrique de ces enfants, mais nous voulons que la France se positionne de façon uniforme sur les réponses proposées aux adolescents. Il y va de la protection de l’enfance, c’est donc le rôle du législateur.
Vous soulignez à plusieurs reprises dans votre rapport le manque de recul scientifique sur les traitements proposés aux enfants transgenres. Faut-il encourager la recherche dans ce domaine ?
C’est une évidence : les études scientifiques font encore cruellement défaut et il faut améliorer notre connaissance, notamment s’agissant des effets secondaires générés par les traitements proposés aux adolescents. Nous nous sommes rendu compte que les enfants « détransitionneurs » ont souvent peur de dire aux professionnels de santé qu’ils regrettent leur choix : le monde médical sous-estime donc le nombre d’enfants qui ont fait marche arrière. Mais, pour décider aujourd’hui, il faut se fonder sur l’état actuel de nos connaissances. Or tout plaide pour une plus grande prudence, faute de recul. C’est pour cette raison que cinq pays européens, la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni, ont rompu avec l’approche transaffirmative. La France doit leur emboîter le pas.
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