Julien Dive : « Être agriculteur, ce n’est pas Martine à la ferme »
Avec ses collègues du groupe LR, le député de l’Aisne Julien Dive a élaboré un « livre blanc » sur l’agriculture dont les propositions concrètes, qui seront présentées mercredi 31 janvier, muscleront le projet de loi d’orientation et d’avenir agricole.
Quel est l’objectif de votre « livre blanc » ?
Présenter des propositions concrètes pour améliorer la vie des agriculteurs ! C’est le fruit d’un travail collectif réalisé avec quinze parlementaires de plusieurs territoires, dont les députés Francis Dubois, de Corrèze, Jean-Yves Bony, du Cantal ou Fabrice Brun, de l’Ardèche. Depuis le mois de juin dernier, nous avons rencontré des centaines d’agriculteurs et de viticulteurs issus d’un large éventail de territoires, des grandes plaines aux montagnes en passant par les littéraux. Ce Tour des fermes de France a permis de nourrir ce livre blanc.
Avec son projet de loi d’orientation et d’avenir agricole, le gouvernement n’avait pas fait ce travail ?
Le projet est très incomplet. Le gouvernement n’a pris en compte que deux axes : la formation et l’aide à l’installation. C’est très décevant par rapport à ce qui avait été annoncé initialement, et surtout très en deçà des revendications des agriculteurs. Le gouvernement a fait le choix de retarder la présentation de ce projet de loi très incomplet, sachant pertinemment que cela serait vécu comme une provocation.
Heureusement, plusieurs mesures problématiques ont été retirées du projet de loi du gouvernement, comme l’obligation pour l’exploitant de faire un diagnostic des sols lors de la transmission. Cela aurait fait peser la responsabilité des sols sur l’agriculteur, ce qui aurait été extrêmement préjudiciable !
En quoi le groupe LR est-il mieux placé que le gouvernement pour parler d’agriculture ?
Nous sommes ancrés sur le terrain. Non seulement le groupe LR contient parmi ses membres plusieurs députés agriculteurs, mais il est aussi celui qui compte le taux le plus élevé d’élus issus de circonscriptions agricoles : environ 95 %. Nous connaissons bien les revendications des agriculteurs, nous les portons depuis des décennies. J’ai moi-même été rapporteur d’une proposition de loi d’Olivier Marleix, daté de décembre 2022, qui visait à améliorer le mode de calcul des retraites des agriculteurs. Je discute avec eux quotidiennement, encore aujourd’hui, jeudi, au niveau du barrage entre l’A23 et l’A26, dans mon département de l’Aisne.
Concrètement, que souhaitez-vous ajouter au projet de loi du gouvernement ?
Nous allons synthétiser les 40 pages de notre « livre blanc » en plusieurs propositions concrètes, qui seront autant d’amendements. Ces propositions sont réparties en cinq axes. Nous avons gardé la formation et l’installation, en y ajoutant nos amendements. Mais surtout, nous avons souhaité apporter des propositions concrètes autour de trois autres axes qui avaient été éludés par le gouvernement : l’écologie, l’économie et le social.
Quelles sont vos propositions sur l’écologie ?
Nous assumons pleinement plusieurs mesures : pousser les NBT (New Breeding Techniques), les nouvelles techniques de sélection végétales ; renforcer les investissements dans l’irrigation et le stockage de l’eau ; certifier les agriculteurs pour qu’ils puissent vendre leurs crédits bas-carbone dès l’instant où ils retiennent du carbone dans le sol, par exemple lorsqu’ils ne retournent pas leurs champs ; et surtout, arrêter la surtransposition de normes environnementales qui, souvent, rajoutent des contraintes à celles qui existent déjà au niveau européen. Il faut déjà appliquer la loi, en commençant par faire respecter les normes à nos frontières !
C’est-à-dire ? La loi n’est pas appliquée aujourd’hui ?
Hélas non. Une note du Sénat, s’appuyant sur des chiffres de la DGCCRF et de la DGAL, estime que 10 à 25 % des produits agricoles importés en France ne respectent pas nos standards. Par exemple, l’usage des néonicotinoïdes, interdit en France pour la culture des betteraves à sucres, n’est pas interdit en Ukraine, d’où nous importons ces produits ! Cela est en effet illégal en vertu de l’article 44 de la loi Egalim de 2018 qui prévoit l’interdiction de l’importation de produits non conformes à la réglementation de l’UE. Avant d’ajouter de nouvelles normes et de soupçonner en permanence nos agriculteurs qui sont parmi les plus vertueux du monde en termes de pratiques écologiques, commençons par contrôler nos frontières !
Et quelles sont les propositions du « livre blanc » en matière économique ?
Le gouvernement doit comprendre qu’être agriculteur, ce n’est pas Martine à la ferme ! Agriculteur, ce n’est pas un hobby, c’est un métier qui consiste d’abord à gérer une activité économique. La crise actuelle est à la fois conjoncturelle et structurelle. Sur la partie structurelle, nous portons des propositions concrètes pour assurer la pérennité du modèle économique : faciliter la comptabilité, développer le portage des exploitations agricoles avec un dispositif de crédit-bail, baisser les charges sociales pour les contrats courts, mettre en place des fonds de soutien en cas d’investissements lourds ou encore transformer le livret environnemental en livret agricole.
Un simple changement de nom ?
Non, le nouveau livret permettrait de flécher les moyens qui existent, au-delà de la transition énergétique, pour des projets visant à répondre aux grandes questions d’approvisionnements alimentaires. Ce sera le grand enjeu stratégique des vingt prochaines années.
En quoi consiste le cinquième et dernier axe de votre « livre blanc » ?
Il s’agit du troisième volet « oublié » par le gouvernement : le volet social. D’abord, nous proposons de mieux considérer la place des femmes dans la profession. Ensuite, d’apporter de véritables réponses au mal-être qui, hélas, frappe cette profession. On ne compte plus les messages de détresse que nous envoient les agriculteurs, les suicides, les drames familiaux… Le gouvernement ne peut pas rester sourd à cet appel, nous apportons de véritables solutions.
Quel message voulez-vous transmettre aux agriculteurs ?
Je veux leur dire que je comprends leur colère. Je présente toutes mes condoléances à la famille d’Alexandra et Camille, l’agricultrice et sa fille qui ont perdu la vie. Enfin, je veux dire que le combat des agriculteurs les dépasse, qu’il concerne tous les Français. Car au-delà de la question agricole, il y a la question alimentaire, qui est essentielle. Trop souvent, la technostructure parisienne relègue la question alimentaire. Nous demandons qu’elle soit sacralisée, élevée comme une priorité stratégique, au même rang que la défense nationale ou la politique énergétique.
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