Rachida Dati : « Contre la radicalisation, l’heure n’est plus aux scrupules »
Plus de deux semaines après l’attentat à Arras, l’ex-ministre de la Justice appelle à prendre des mesures concrètes pour lutter contre la radicalisation.
Pourquoi alertez-vous sur la question des radicalisés détenus ?
En France, la lutte contre la radicalisation est la grande oubliée de la lutte contre le terrorisme. Regardons la réalité en face : les auteurs d’actes terroristes étaient tous radicalisés et pour la plupart français ou installés en France depuis très longtemps. Les sources de la radicalisation sont multiples, mais pour l’essentiel elles sont issues soit d’un communautarisme séparatiste, soit des réseaux sociaux, soit de la prison. D’ailleurs, l’auteur de l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras était en lien avec des détenus. Nous avons dans les prisons françaises 958 détenus radicalisés reconnus comme tels, dont 170 libérables d’ici 2027, soit 52 cette année. Se pose donc la question de leur sortie. Qu’en faisons-nous ? Quelles mesures de sûreté l’État a-t-il mises en place pour ceux qui sont déjà sortis ?
Quel lien établissez-vous entre milieu carcéral et radicalisation ?
Le lien entre la délinquance, voire la criminalité, liée au trafic de drogue et le glissement vers la radicalisation est évident. Comme pour le trafic de stupéfiants, les jeunes sont les premiers ciblés par les recruteurs, car ils sont les meilleurs vecteurs de la radicalisation : plus influençables, plus malléables et souvent instrumentalisés en raison de leur minorité et de l’impunité que celle-ci peut conférer. La prison peut être un catalyseur. En parallèle, l’absence de fermeté de la politique pénale à l’extérieur de la prison a des effets dans la prison. La prison devient alors un lieu où l’on peut côtoyer des profils radicalisés et certains prêts à le devenir.
Comment ce problème a-t-il été géré quand vous étiez ministre ?
Consciente des conséquences criminelles de la radicalisation, j’avais mis en place des programmes innovants de lutte contre la radicalisation en prison. J’ai instauré une rétention de sûreté, c’est-à-dire la possibilité de ne pas remettre en liberté un criminel en fin de peine, si une expertise conclut à une dangerosité persistante. Cela a constitué une avancée majeure. J’ai développé aussi le renseignement pénitentiaire, un outil indispensable pour détecter les liens entre ceux qui sont en prison et ceux qui sont en liberté.
Comme députée européenne, j’ai fait adopter un cadre de lutte contre la radicalisation sur internet, et non sans difficulté, car mes détracteurs dénonçaient une atteinte à la liberté d’expression. La France a mis du temps à le transposer.
Que préconisez-vous, en l’état actuel du droit français ?
Contre la radicalisation, l’heure n’est plus aux scrupules. Les événements récents nous obligent à être beaucoup plus fermes. Comment prendre en charge des mineurs radicalisés dans des structures adaptées avec des personnels formés, si nous n’avons pas de fondement juridique ? Comment exclure des individus radicalisés des écoles, des entreprises, voire de nos institutions publiques ? La priorité est là. Il est urgent de définir juridiquement et pénalement la radicalisation : la mise en danger d’autrui à partir d’une idéologie religieuse. Quant aux individus étrangers qui ont attenté à la sécurité des Français, ils doivent être expulsés en adoptant une politique de coopération avec les pays d’origine. Et si nous avons des difficultés à obtenir les laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion, ils doivent être placés en centre de rétention jusqu’à l’obtention de ce document, comme c’est le cas dans d’autres pays européens.
Le Hamas est-il une organisation terroriste ?
Le Hamas figure sur la liste des organisations terroristes définies par l’Union européenne. C’est une qualification juridique puisqu’elle engage l’UE, à laquelle nous appartenons.
Quelle est la solution pour les détenus radicalisés dangereux ?
Avec la rétention de sûreté, que j’ai instaurée, il est possible de les maintenir en rétention ! Elle doit être élargie à la participation à une entreprise terroriste. Cela permettrait de ne pas remettre en liberté toute personne considérée comme dangereuse pour la société sans expertise, sans suivi et sans mesure de sûreté pouvant aller jusqu’au placement dans un centre « sociojudiciaire » jusqu’à la fin de cette dangerosité. Il faudrait également s’interroger sur le regroupement des détenus radicalisés. Enfin, il faut amplifier l’utilisation des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et les compléter par l’interdiction d’entrer en relation avec des tiers et l’obligation de déclarer son domicile, par exemple. Aujourd’hui, ces mesures ne durent qu’un an. Elles ne doivent plus être limitées dans le temps, mais dépendre de l’évaluation de la dangerosité de la personne sous le contrôle d’un juge.
Le texte sur l’immigration prend-il la mesure du problème ?
Les mesures que je propose, méritent de figurer dans le projet de loi de Gérald Darmanin. Je l’y encourage. Car sans ce volet de lutte contre la radicalisation, la lutte contre le terrorisme serait vaine !
Dans le climat actuel, quelles sont les pistes politiques ?
La cohésion de notre pays semble fortement fracturée. Plus grave, l’avenir de nos valeurs communes paraît être mis en cause, avec le soutien d’une gauche prise au piège de ses contradictions, dont les renoncements et l’hypocrisie mettent en danger les principes républicains. L’enjeu, c’est aujourd’hui de trouver un accord pour la défense de la sécurité des Français et de notre société. Au regard de l’urgence, la responsabilité du gouvernement, c’est aussi d’accepter les propositions des Républicains.
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