Éric Ciotti : « J’assume d’aller au bras de fer avec le Gouvernement »
Alors que la pression migratoire s’accentue chaque jour dans notre pays, Éric Ciotti a présenté, dans une interview donnée au JDD, les contours de la proposition de loi constitutionnelle que nous déposerons le 7 décembre à l’Assemblée nationale et le 12 décembre au Sénat.
Elisabeth Borne a vu Bruno Retailleau cette semaine, elle lui aurait laissé entendre que l’article 3 sur la régularisation des étrangers dans les métiers en tension pourrait être abandonné. Est-ce pour vous une évolution importante ?
J’ai évoqué cette rencontre avec Bruno Retailleau. Il n’y a aucun changement. Le gouvernement souhaite un bricolage sur l’article 3. Soyons clairs : nous nous opposerons avec force au Sénat comme à l’Assemblée nationale à tout message qui, en étant complaisant avec l’immigration irrégulière, constituerait un appel d’air pour tous ceux qui souhaitent venir en France de façon illégale.
Outre ce fameux article 3, que reprochez-vous à ce projet de loi ?
Rien dans ce texte n’est en mesure d’inverser radicalement les flux migratoires qui aujourd’hui nous submergent. Nous avons, l’année dernière, laissé entrer légalement quasiment 500 000 étrangers, dont plusieurs dizaines de milliers de mineurs clandestins. Cela signifie que depuis l’élection d’Emmanuel Macron, deux millions d’étrangers provenant très majoritairement du continent africain et ayant des cultures très différentes de la nôtre sont arrivés dans notre pays. C’est l’équivalent de la ville de Paris. Cette situation est naturellement insupportable. Le projet de loi Darmanin n’est pas à la hauteur du défi migratoire. Sur l’essentiel, il ne changera rien. Nous continuerons d’accueillir des millions d’étrangers et l’insécurité et le communautarisme continueront de croître. Je le dis très clairement, nous refuserons de voter une nouvelle loi impuissante qui éloignera encore un peu plus les Français de la politique.
Jusqu’ici, le Président de la République n’a pas donné suite à cette révision constitutionnelle, comment espérez-vous le faire changer d’avis ?
Nous allons présenter notre propre proposition de loi constitutionnelle le 7 décembre à l’Assemblée nationale et le 12 décembre au Sénat, dans les séances réservées aux groupes Les Républicains. Elle comportera cinq dispositions essentielles :
La première vise à élargir le cadre du référendum au titre de l’article 11 pour que le peuple puisse être consulté directement sur les questions liées à l’immigration.
La deuxième visera à rappeler qu’aucune religion ne peut imposer ses principes à la République. Ce sera un moyen de mettre en place des garde-fous contre la montée de l’islamisme.
La troisième disposition sera de faire voter chaque année par le Parlement un plafond migratoire qui s’imposera aux traités et conventions internationales, ainsi qu’à la jurisprudence des cours suprêmes. Pour être précis, le vote des plafonds migratoires empêchera, par exemple, qu’on nous oppose l’automaticité du regroupement familial au titre de l’article 8 de la CEDH. Si notre pays décide, par exemple, de donner 2 000 titres de séjour au titre du regroupement familial, il n’y en aura pas un de plus.
La quatrième disposition visera à expulser tous ceux qui présentent une menace pour l’ordre public dans notre pays. Nous pourrons désormais expulser, là aussi sans qu’aucune entrave de quelque nature que ce soit s’y oppose, pourvu que l’autorité administrative ou judiciaire l’ait décidé.
Cinquièmement, nous souhaitons que toutes les demandes d’asile soient examinées à l’extérieur de nos frontières. Ceux qui la présenterait malgré tout sur notre territoire verraient leur dossier examiné selon une procédure accélérée, avec un placement rétention le temps de cet examen, et une reconduction effective à la frontière en cas de rejet.
Nos dispositions viseront à couper le robinet migratoire qui depuis trop d’années coule à flots.
Vous n’avez pas la majorité suffisante pour faire voter votre proposition de loi, en dehors de l’affichage, que pouvez-vous en tirer comme bénéfice ?
Nous lancerons dès cette semaine une initiative d’ampleur pour rassembler la majorité des Français qui veulent changer les choses et ne supportent plus l’impuissance actuelle. Elle prendra la forme d’une grande pétition nationale. En parallèle, nous mènerons une campagne sur le terrain, à la rencontre des Français. La France est majoritairement à droite mais le Gouvernement continue de se faire piloter par l’aile gauche de sa majorité. Le temps du courage est venu. Puisque le Président procrastine pour aller au référendum, je propose que les Français eux-mêmes imposent leur volonté. Nos concitoyens aujourd’hui rejettent très majoritairement cette immigration de masse. Tous les sondages qui ont été faits démontrent que les propositions concrètes, pragmatiques et juridiquement étayées des Républicains sont soutenues par plus des trois quarts des Français. Or, nos concitoyens n’ont jamais, dans l’histoire contemporaine, été consultés directement pour qu’ils puissent s’exprimer en matière d’immigration. Le temps est venu de le faire. J’en appelle solennellement, comme je l’ai fait lors des « entretiens de Saint-Denis », au Président de la République, dans un esprit d’union nationale, pour répondre à notre demande afin de réformer la Constitution et s’attaquer à l’impuissance actuelle.
Sur les fichés S, êtes-vous favorable au placement en rétention ceux considérés comme « dangereux », avant même un passage à l’acte ?
Oui, j’y suis favorable. On doit pouvoir, pour neutraliser les individus dont on connaît la dangerosité, les placer en centre de rétention administrative à l’égal des dispositifs qui existent pour les malades psychiatriques qui présentent une dangerosité pour la société. Nous avions porté avec Guillaume Larrivé une disposition dans ce sens qui se calquait sur le dispositif d’internement des malades psychiatriques, avec le contrôle du juge de la liberté et de la détention. C’est un outil que l’on doit avoir pour les quelques personnes les plus dangereuses avant que leur comportement puisse être judiciarisé. Je mesure que cette disposition fait débat et qu’elle prendra du temps avant d’être adoptée, notamment parce qu’elle nécessite une réforme constitutionnelle. Je ne comprends pas pour autant que, dans l’immédiat et que compte tenu de la situation au Proche-Orient avec une menace islamiste très forte sur notre pays, nous n’activions pas l’état d’urgence. L’état d’urgence offre deux outils extrêmement puissants, les perquisitions administratives et l’assignation à résidence.
En quoi cela permettrait-il de renforcer notre protection ?
Pour être clair, si l’état d’urgence avait été en vigueur, l’assassin de Dominique Bernard aurait pu être placé en assignation à résidence. Face à ces bombes humaines, nous ne pouvons pas trembler.
N’est-on pas trop alarmiste avec les Français, et notamment sur leur sécurité ?
Nous avons des ennemis qui veulent détruire ce que nous sommes, l’esprit de liberté, l’esprit des Lumières et qui s’attaquent à nos enseignants. Nous avons été attaqués à maintes reprises de façon extrêmement violente. Je pense en particulier à Charlie Hebdo, au 13 novembre 2015, au 14 juillet 2016 à Nice… Ceux qui ont commis ces actes ont les mêmes motivations mortifères que les terroristes du Hamas.
Vous diriez que la plus grande menace vient de l’extérieur ou que celle présente sur notre sol est aujourd’hui la plus périlleuse ?
La menace est double. Nous avons vécu dans l’illusion qu’un attentat projeté depuis l’extérieur était impossible. Ce que les Israéliens ont subi appelle à la prudence et à l’humilité en la matière. Le danger réside aussi à l’intérieur avec aujourd’hui plusieurs milliers de personnes françaises ou étrangères qui sont radicalisés et qui constituent de vraies menaces pour notre pays. On l’a vu avec le terroriste d’Arras dont l’expulsion avait été empêchée en 2014 par des associations financées par de l’argent public. C’est insupportable. J’ai d’ailleurs défendu cette semaine un amendement pour réduire de 500 millions d’euros les financements des associations qui œuvrent contre la France et l’intérêt des Français. Il a malheureusement été rejeté par la majorité en prise en permanence aux contradictions du « en même temps ».
Certains parmi les députés LR, estiment que le sujet est trop important pour ne pas envisager le dépôt d’une motion de censure. Est-ce une hypothèse crédible ?
J’assume d’aller au bras de fer avec le Gouvernement. Si le gouvernement passe en force notamment en imposant son article 3 qui régularise les clandestins, nous n’hésiterons pas à déposer une motion de censure.
Est- ce que Jean-Luc Mélenchon est allé trop loin dans ses déclarations, évoquant Yaël Braun-Pivet « campant » à Tel Aviv pour « encourage le massacre » ?
Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon sont clairement antisémites et constituent une abomination. Aussi bien par ses propos que par ses silences, il s’est définitivement disqualifié. Si Jean-Marie Le Pen avait tenu un tel discours, il y aurait eu une légitime émotion nationale et la justice s’en serait déjà saisie. Je crois que tous les républicains doivent dénoncer avec force cette dangereuse dérive des Insoumis. Leurs discours sont extrêmement dangereux et peuvent pousser des esprits faibles ou radicalisés à passer à l’acte. Les cibles que Mélenchon désigne font l’objet de menaces de morts, et sont donc en danger. Sa parole est désormais un danger pour la République.
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