Bruno Retailleau : « Le budget 2024 n’est qu’un budget de facilité ! »
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, accuse Emmanuel Macron d’avoir entériné 100 milliards de nouvelles dépenses en 100 jours.
Selon vous, Emmanuel Macron n’a toujours pas débranché le « quoi qu’il en coûte »…
Les dépenses nouvelles ou augmentations de dépenses anciennes ont atteint 100 milliards d’euros cumulés en cent jours. Du 17 avril au 14 juillet, il y a eu 41 annonces ! Le budget 2024, qu’on nous présente comme historiquement exigeant, n’est qu’un budget de facilité. On nous vend 4,2 ou 4,8 milliards d’euros de baisses des dépenses de l’Etat. C’est du pipeau, car ces économies annoncées reposent quasi exclusivement sur l’arrêt de programmes exceptionnels. La fin du bouclier énergétique et des chèques carburants représente 14milliards. L’extinction de la relance post-Covid, 3 milliards. En ajoutant un milliard sur les dépenses exceptionnelles de santé et 1,5 milliard pour la fin du filet de sécurité pour les collectivités locales face à la hausse des prix de l’énergie, on atteint 20 milliards de dépenses en moins. Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est un effort budgétaire ! Le document révélé par le gouvernement montre que les deux tiers des missions budgétaires de l’Etat voient leurs crédits augmenter ou rester stables ! De 2022 à 2023, le déficit va augmenter de 4,7 % à 4,9 %. Et la trajectoire du programme de stabilité ne sera sans doute pas respectée tant ses prévisions de croissance sont surestimées en 2023 ou 2024.
Vous additionnez des dépenses sur plusieurs années, d’ici 2027. Ne craignez-vous pas de forcer le trait ?
Ce sont bien des engagements de dépenses que les Français devront payer jusqu’en 2027 ! Ils s’ajoutent à toutes les lois de programmation, militaire, intérieure, recherche, justice. Autant de dépenses contraintes qui représentent désormais près de 20 % du budget ! La France est championne du monde des dépenses publiques. Avec 58 % du PIB, nous sommes un pays collectiviste de ce point de vue. On dérive même par rapport aux pays européens les plus fragiles, ceux que Bruxelles avait pour mauvaise habitude d’appeler les « pays du Club Med ». L’Espagne a prévu de revenir sous 3 %de déficit dès l’année prochaine, l’Italie, dès 2025. D’ores et déjà, 16 Etats de l’Union européenne sont sous ce niveau, dont six en excédent. La France sera le dernier pays européen à revenir sous 3 %, en 2027. Au rythme où nous allons, cet objectif risque de ne même pas être atteint…
Les Républicains sont-ils prêts à voter une motion de censure ?
Ce n’est pas au Sénat qu’elle se vote. Mais si le budget 2024 reste à l’image de son esquisse, il est impossible que nous le votions. Désormais, la dépense publique en France n’est plus la solution, c’est le problème. Elle n’achète même plus la paix sociale : on a déversé des dizaines de milliards sur les quartiers difficiles. Elle ne crée pas non plus de richesses. Le multiplicateur budgétaire est devenu un diviseur. Depuis 2020, on a ajouté plus de 600 milliards d’euros de dette publique et le PIB n’a augmenté que de238 milliards…
Faut-il en tirer les conclusions politiques et voter la censure ?
Je ne peux pas vous répondre ! La dizaine de 49.3 que la Première ministre devra déposer pour faire adopter la loi de finances sera autant de risques d’accidents. Personne ne peut parier qu’une motion de censure ne passe pas. Ce que je sais, c’est que, grâce à la réforme des retraites, que j’ai soutenue, le gouvernement a échappé de peu à l’abaissement de la note de la France par Standard and Poor’s. Ce qu’il faut craindre, ce n’est pas la motion de censure, mais un scenario à la grecque, comme l’avait dit elle-même la Première ministre il y a quelques mois.
N’y a-t-il pas un peu d’hypocrisie dans votre camp, alors que certains députés n’ont pas voté la réforme des retraites poussée par leurs camarades du Sénat depuis des années ?
La réforme des retraites nous a beaucoup abîmés. Certains ont trahi ce qui était notre ADN : l’idée qu’avant de redistribuer la richesse, il faut la produire. Il y a un peu plus de vingt ans, nous avions le même niveau de vie par habitant qu’un Allemand, la différence est aujourd’hui de 5 000 euros. Cet appauvrissement est dû au déficit de travail, notamment à cause de notre faible taux d’emploi.
Où les Républicains proposent-ils de faire des économies ?
Il faut sortir de l’idée que la dépense publique est l’indicateur de la qualité des services publics. Sitel était le cas, nous serions à l’avant-garde du bonheur universel. Au Sénat, nous serons responsables et nous proposerons au gouvernement un certain nombre de pistes d’économies que nous dévoilerons à la rentrée. Je croyais vraiment que le gouvernement allait faire des économies cette année. Je faisais confiance à Bruno Le Maire que je pense sincère. J’ai été stupéfait. Le président de la République a-t-il pris conscience de la vulnérabilité française ? Le « en même temps » ne peut pas être une boussole en matière de sérieux budgétaire.
>> Lire l’interview sur l’Opinion.fr
L’article Bruno Retailleau : « Le budget 2024 n’est qu’un budget de facilité ! » est apparu en premier sur les Républicains.