Eric Ciotti : « Vu le niveau de notre dette publique, nous dansons sur un volcan ! »
Dans une interview aux « Echos », le député des Alpes-Maritimes et président de LR juge sévèrement les propositions d’économies budgétaires faites cette semaine par le gouvernement. Il souhaite faire porter les économies sur les dépenses sociales mais pas sur la santé. Sur la loi de programmation des finances publiques, il demande que le gouvernement tienne compte des propositions de LR.
Le gouvernement estime avoir déjà identifié 10 milliards d’euros d’économies potentielles sur le quinquennat. Ces annonces vous ont-elles convaincu ?
Je ne suis absolument pas convaincu. Nous avons déjà connu dans le passé des effets d’annonce qui n’ont jamais abouti à des mesures concrètes, et cela semble encore devoir être le cas. Le problème de l’endettement menace d’étrangler notre pays, mais il n’est pas pris au sérieux par Emmanuel Macron. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : nos finances publiques sont rentrées dans la zone rouge, et nous pourrions être le seul pays de la zone euro en 2024 à avoir un déficit au-dessus de 3 %. J’ai rencontré récemment des membres de la Commission européenne qui m’ont confié leur inquiétude. Vu le niveau de notre dette publique et l’augmentation des taux d’intérêt, nous dansons sur un volcan !
Vous iriez jusqu’à déposer une motion de censure sur le budget ou la loi de programmation de finances publiques prévus à la rentrée ?
Je ne fonctionne pas par la menace. Nos propositions sont responsables et raisonnables. Il faut que le gouvernement les intègre. Nous remarquons que lorsque nous avons fait des propositions, elles n’ont pas été reprises par Bruno Le Maire. Beaucoup des pistes d’économies annoncées jusqu’ici ne sont pas véritablement renseignées. Que ce soit pour la loi de programmation des finances publiques, pour laquelle les ambitions sont très modestes, ou le projet de loi de finances pour 2024, nous exigeons des efforts conséquents.
Une partie des mesures d’économies préconisées par le gouvernement vise les dépenses de soin…
Ce n’est absolument pas sur le volet santé qu’il faut faire porter les efforts au vu de la crise majeure que traverse notre système de soins actuellement. Je note que la baisse du remboursement des soins dentaires récemment décidée va aussi à l’encontre des promesses d’Emmanuel Macron et aura des conséquences lourdes sur les personnes modestes. Il faut faire porter l’effort sur nos dépenses sociales, qui sont passées de 12 % du total des dépenses dans les années 1960 à 34 % aujourd’hui, quand le régalien a vu sa part fondre de 6 % à 3 %.
Quelles dépenses sociales voulez-vous revoir ?
Il est possible d’aller beaucoup plus loin dans la réduction des indemnités chômage, qui sont un obstacle évident au retour au plein-emploi. Le gouvernement a fait un pas dans la bonne direction, mais cela doit être poursuivi. Il faut également faire des économies sur le RSA, en imposant des contreparties fortes. D’une manière générale, les gros volumes de dépense publique se situent dans cette part sociale, et c’est la raison pour laquelle j’ai soutenu la réforme des retraites. La dépense publique doit être restructurée, pour retrouver des marges de manœuvre et redresser nos services publics dont l’affaiblissement est le ferment d’une grave crise sociale.
Estimez-vous, comme le RN, que la lutte contre l’immigration est le principal levier pour faire reculer la dépense sociale ?
Chaque jour, la préfecture d’Ile-de-France loue 50 000 chambres d’hôtels pour l’hébergement d’urgence dont l’essentiel est réservé à l’accueil de demandeurs d’asile ou de migrants. On doit aussi avoir en tête que l’aide médicale d’urgence, au-delà de la seule AME (aide médicale d’Etat), coûte 2 milliards d’euros. Ces dépenses liées à l’immigration font donc partie des points qu’on ne peut négliger. C’est la raison pour laquelle je propose qu’on ne verse pas de prestations sociales non contributives avant cinq ans de résidence sur le territoire. Mais faire croire, comme Madame Le Pen, qu’on réglera le problème de la dépense publique seulement grâce à ce levier n’est pas conforme à la vérité.
Le gouvernement vous reproche de ne jamais faire de propositions concrètes d’économies…
Ces attaques n’ont pas de sens. Au-delà de tout ce que je viens de vous dire, il faut une révolution de la débureaucratisation. Il faut s’attaquer à toutes ces agences de l’Etat qui sont hors du contrôle des élus et qui installent des citadelles inviolables au sein de l’Etat. On peut citer certaines administrations déconcentrées de l’Etat comme les DREAL [Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement]. Je prône également une nouvelle phase de décentralisation, en visant notamment le système de santé et l’éducation. On voit aujourd’hui que le privé dans la santé fait beaucoup mieux que le public, il ne faut rien s’interdire. Cela vaut aussi pour le nombre de fonctionnaires dont il faut réamorcer une diminution. Enfin la lutte contre la fraude fiscale et sociale doit porter des ambitions bien plus fortes que ce que le gouvernement a annoncé.
Les collectivités locales doivent-elles participer à l’effort ? LR a voté contre le mécanisme que voulait leur imposer le gouvernement…
Les collectivités locales sont plus vertueuses que l’Etat sur l’équilibre de leurs finances. Il y a malgré tout un sujet autour de leurs effectifs. C’est particulièrement le cas des intercommunalités, qui ont entraîné de graves dérives. Nice est par exemple devenue la métropole la plus endettée de France du fait de dépenses de structure gigantesques qui n’ont pas lieu d’être.
Une réunion de la majorité a eu lieu mercredi pour discuter d’une possible alliance avec LR. Vous excluez, de votre côté, tout rapprochement ?
Je qualifierai cette réunion de totalement grotesque. C’est peut-être flatteur que la majorité relative d’Emmanuel Macron se positionne en fonction des Républicains mais nous sommes et resterons maîtres de notre destin. Nous n’avons pas besoin pour nous déterminer des cénacles d’un parti sans base idéologique ni territoriale.
Vous aviez demandé à être reçu par Emmanuel Macron pour lui exposer vos propositions sur l’immigration. Vous a-t-il répondu ?
Le chef de l’Etat n’a pas daigné formuler de réponses au courrier que nous lui avons envoyé avec Olivier Marleix et Bruno Retailleau. La réalité, c’est qu’il a fermé les portes du dialogue et de la discussion avec nous sur cette question essentielle pour les Français. Je dis à Emmanuel Macron que nos propositions peuvent changer le cours de l’histoire.
Le parti sera-t-il en ordre de marche pour les élections européennes de 2024, cruciales pour l’avenir de la droite ?
Je prends souvent l’image d’une belle demeure historique de caractère, en pierre avec de solides fondations, dont le toit serait envolé et l’intérieur entièrement dévasté. Je crois que nous avons franchi des étapes importantes qui doivent nous conduire à l’Elysée en 2027.
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