Bruno Retailleau : « Il ne faut pas creuser les déficits mais parvenir à les combler »
Alors que la réforme des retraites arrive au Sénat la semaine prochaine, le président du groupe LR à la Haute Assemblée annonce au Parisien-Aujourd’hui en France les modifications qu’il compte apporter à un texte qu’il juge par exemple « trop timide » sur les régimes spéciaux.
Acte II de la réforme. Le projet de loi arrive mardi au Sénat, où la droite et le centre sont majoritaires. Auprès du « Parisien » – « Aujourd’hui en France », le patron des sénateurs liste ses « exigences» et détaille comment sa famille compte modifier le texte.
À quelle sauce le Sénat va-t-il manger la réforme des retraites ?
Nous souhaitons la voter, après l’avoir modifiée. Mais nous avons deux exigences. La première, c’est le sens de la réforme. C’est d’abord une réforme budgétaire, qui a pour but d’assurer la pérennité du régime par répartition. Car, si demain il faisait banqueroute, ce serait le « chacun pour soi » et ce sont les Français les plus modestes qui y perdraient le plus. Il ne faut pas creuser les déficits mais parvenir à les combler.
Notre deuxième exigence, c’est le long terme. Cette réforme est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Elle doit s’attaquer à la racine du mal : au déséquilibre démographique et donc à la situation des mères de famille. Ce sont elles qui consolident le régime par répartition en participant au renouvellement des générations, alors même qu’elles ont, du fait de leurs congés maternité, des carrières ralenties par rapport aux hommes. Or le recul de l’âge de départ à 64 ans annule les trimestres de majoration que ces mères ont acquis au titre de leur maternité. C’est une injustice que nous allons réparer.
Que souhaitez-vous faire ?
Nous comptons proposer au gouvernement deux options soit une surcote de 5 % pour les mères de famille qui auraient atteint à la fois une carrière complète et l’âge légal, soit un départ anticipé à 63 ans. L’idée serait de laisser aux femmes le choix entre ces deux options. Le gouvernement n’aura pas l’aval du Sénat sans mesures fortes pour les mères de famille.
Vous assumez de prioriser le sujet des mères sur les carrières longues ?
Nous assumons de vouloir porter une politique nataliste ambitieuse pour la France. L’extrême gauche a raison sur un point : oui, la question démographique est une question idéologique car, pour financer un régime par répartition, c’est soit plus d’enfants, soit plus d’immigrés. La droite fait clairement le choix de l’enfant, qui, dans toutes les sociétés, a toujours été le symbole de l’avenir. D’autant plus que nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir encore plus d’immigration.
Sur les carrières longues, allez-vous bien défendre les mêmes mesures que vos collègues LR à l’Assemblée ?
J’ai demandé à la Première ministre de faire le point très précisément sur la situation budgétaire de la réforme. Elle devait initialement rapporter 17,7 milliards d’euros d’économies ; 6 milliards ont été consommés par des mesures d’accompagnement légitimes, et un certain nombre d’engagements ont été pris à l’Assemblée. Nous voulons savoir combien cela coûte. Nous serons solidaires des demandes formulées par Éric Ciotti et Olivier Marleix, mais nous devons aussi préserver les équilibres et soutenir la natalité, qui est l’essence même d’un système par répartition.
Le gouvernement prévoit de mettre progressivement fin à plusieurs régimes spéciaux. Cette mesure vous satisfait-elle en l’état ?
C’est une mesure qui va dans le bon sens, mais qui est trop timide. Pour que les Français acceptent une réforme, il faut qu’elle soit juste. Les régimes spéciaux sont des cas flagrants d’injustice. Nous voulons accélérer la convergence des régimes spéciaux sur le régime général dès 2025, alors que le gouvernement n’a inscrit dans le texte aucune date pour cet alignement. Ensuite, si la réforme s’applique immédiatement aux nouveaux embauchés, la « clause du grand-père » protège ceux qui bénéficient aujourd’hui de ces régimes. Nous souhaiterions qu’ici aussi la convergence soit plus rapide et que l’on n’attende pas quarante-trois ans pour supprimer ces régimes.
Que proposez-vous pour l’emploi des seniors ?
L’emploi des seniors est un sujet central. Leur taux d’emploi est beaucoup plus bas que la moyenne européenne. L’index senior proposé par le gouvernement n’est qu’un outil statistique. Nous voulons proposer des mesures concrètes pour favoriser l’emploi des seniors. Le principal est un contrat de fin de carrière qui serait exonéré de cotisations familiales. Il s’agirait d’un CDI pour les salariés d’au moins 60 ans auxquels l’employeur donnerait une mission jusqu’à leur retraite à taux plein.
Faut-il s’attendre à une ambiance aussi bouillante qu’à l’Assemblée ?
La responsabilité du Sénat, de sa majorité comme de son opposition, est de ne pas céder à cette Guignolisation des débats. Nous le devons par respect des Français : ils méritent d’avoir un débat sérieux sur une réforme qui les impacte tous. Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale est inadmissible et marque la dégradation de la démocratie. L’extrême gauche veut institutionnaliser la violence dans le débat public. C’est inacceptable.
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