Gérard Larcher : « La réforme des retraites est indispensable »
Gérard Larcher est favorable à une réforme des retraites, telle que proposée par la majorité sénatoriale ces dernières années. Si ses principales dispositions sont reprises dans le texte du gouvernement, Les Républicains le voteront « dans l’intérêt du pays », assure le président du Sénat.
Quel regard portez-vous sur l’année qui démarre ?
Il faut être lucide et tenir un discours de vérité : la situation de la France est préoccupante. Le déficit du commerce extérieur n’a jamais été aussi élevé – plus de 150 milliards –, notre système de santé est délabré, l’école ne remplit plus ses missions, nous sommes en pleine crise énergétique, il n’y a plus de majorité à l’Assemblée, et nous vivons une forme d’hystérisation de la vie politique avec la montée des extrêmes… Le tout sur fond de morosité générale !
Comment se traduit cette morosité générale ?
J’ai l’impression que les Français se désintéressent de la politique car ils n’en attendent plus rien. Je suis un élu de terrain, je sens bien que les gens n’y croient plus. Je ne leur en fais pas le reproche, c’est un constat qui m’interroge moi, en tant qu’élu. Il nous faut trouver le moyen de redonner espoir, mais pour cela il faut des résultats.
Comment se portent Les Républicains dans ce tableau d’ensemble ?
Notre famille politique, même si elle a beaucoup reculé au plan national ces dix dernières années, reste la première force territoriale du pays. La campagne pour la présidence du parti était plutôt de qualité, et nous disposons d’un socle solide de valeurs communes. Nous sommes d’accord sur la nécessité de maîtriser la dépense publique, sur l’Europe – ce qui n’a pas toujours été le cas – les libertés locales, la décentralisation, et la nécessité de maintenir un sas étanche avec l’extrême-droite.
Un « sas étanche » avec l’extrême droite ? Malgré les propos d’Éric Ciotti lors de la présidentielle ?
Je n’ai personnellement aucun doute sur son positionnement à ce jour. Il n’est question ni de coalition des droites, ni de coconstruction avec le pouvoir en place. Il nous faut rebâtir un avenir sur nos bases, en toute indépendance, fort de notre majorité au Sénat, de notre ancrage local et de nos 90 000 militants. Éric Ciotti devra constituer une équipe tenant compte des diversités de notre famille, capable de dialoguer avec nos amis et alliés centristes, avant de formuler un projet clair, qui ne tremble pas sur nos valeurs fondamentales.
Comment se positionneront Les Républicains sur la réforme des retraites ?
Cette réforme est indispensable. La retraite par répartition est un pilier de notre modèle social, il faut le sauver. Ce sont 327 milliards d’euros à financer chaque année, soit 14 % de notre produit intérieur brut. On ne peut pas laisser les déficits se creuser. Ceux qui disent qu’il n’y a pas de problème mentent.
Que faut-il changer ?
Vous connaissez la position du Sénat, voilà quatre ans que nous l’affirmons en votant le même texte : passage progressif à 64 ans de l’âge de départ à la retraite et accélération des dispositions de la loi Touraine pour parvenir aux 43 années de cotisations. Vous savez que tous nos voisins européens, à l’exception de la Suède, ont adopté des mesures similaires ? En Allemagne, en Espagne, au Portugal, au Danemark, partout l’âge de départ est déjà à 65 ans ou plus.
Il y a pourtant d’autres moyens de garantir l’équilibre du régime des retraites ?
Et comment ? C’est simple, il n’y a que trois solutions : augmenter les cotisations, diminuer les pensions ou augmenter la durée d’activité. Les deux premières options affecteraient le pouvoir d’achat des Français. La mesure d’âge est la plus raisonnable, à condition de tenir compte de la pénibilité au travail, des carrières longues et des carrières hachées pour les femmes. Et cela favorisera l’emploi des seniors, trop faible en France. En déplaçant le curseur de 62 à 64 ans, on peut inciter les entreprises à former leurs salariés de plus de 50 ans, ce qu’elles ne font pas suffisamment aujourd’hui. Nous serons également très attentifs à la question des petites retraites.
Si le gouvernement vous donne satisfaction sur ces différents points, vous voterez la réforme ?
Dans l’intérêt du pays, et pour sauver le système des retraites par répartition, oui. Notre position est claire, et partagée par l’ensemble de la majorité sénatoriale, qui va au-delà des seuls élus Républicains.
Et Les Républicains de l’Assemblée ? Les députés LR ne tiennent pas tous le même discours…
Nos députés ont réussi à se faire élire dans des conditions extrêmement difficiles, dans la foulée d’une élection présidentielle traumatisante pour notre famille politique. La coordination de l’ensemble n’est pas simple, mais le groupe n’a pas éclaté après nos élections internes. Je pense qu’on parviendra à une position commune dans le dialogue et la confiance. Mais, à la condition que le gouvernement ne nous dupe pas…
Que voulez-vous dire par là ?
Je pense au décret sur l’assurance chômage présenté la veille de Noël. Lorsque nous avons débattu – et voté – cette réforme au Sénat, il n’a jamais été question d’appliquer une règle spécifique à ce seuil de 6 % des actifs. C’est le genre de « surprise » qui peut braquer tout le monde et fragiliser le dialogue social.
Le gouvernement aura-t-il recours au 49.3 pour écourter les débats ?
Il ne pourra pas le faire au Sénat, où l’article 49.3 de la Constitution ne s’applique pas, mais je souhaite que l’Assemblée nationale puisse débattre jusqu’au bout, même si les amendements seront sans doute abondants. On nous avait dit que les débats iraient à leur terme avant de recourir au 49.3 pour le budget, ça n’a pas été très loin. On verra…
Comment se comportera la gauche ? Des parlementaires socialistes pourraient voter la réforme ?
Il y a eu deux gauches dans ce pays, dont une qui a fait la loi Touraine et qui pourrait se montrer cohérente en votant son propre héritage, mais je crains que les socialistes ne soient plus en état de faire cela. Ils seront dans l’opposition de principe. Notre logique, à nous, c’est l’intérêt du pays et c’est vraiment la préservation d’un de nos piliers sociaux.
La contestation de la réforme peut-elle donner lieu à un mouvement type « Gilets jaunes » ?
Je suis incapable de vous donner la météo du futur. Ceci dit, nous nous trouvons dans un tel état de léthargie politique et les corps intermédiaires ont été tellement affaiblis que les cordes de rappel sont bien faibles aujourd’hui. Si la réforme des retraites peut générer des mouvements incontrôlés, d’autres dispositions sont aussi de nature à faire monter la contestation. Je pense à la mise en place des zones à faible émission, qui vont exclure 35 % des véhicules anciens des grands centres urbains. Ce sont essentiellement des gens modestes, établis en périphérie des villes, et qui n’ont pas les moyens de changer de voiture malgré les aides d’État, qui vont en pâtir. Je n’ignore pas les conséquences de la pollution de l’air. Je rappelle que la crise des Gilets jaunes, en 2018, est née d’une mécanique similaire : la déconnexion avec la réalité des territoires.
Quels seront les enjeux des élections sénatoriales, cet automne ?
Le Sénat est renouvelable par moitié tous les trois ans. Les prochaines élections, en septembre, concerneront 170 sénateurs, dont 65 LR et 29 centristes. Le corps électoral est connu, puisqu’il est issu pour 95 % des dernières élections municipales. Il peut y avoir quelques mouvements, dont un rééquilibrage à gauche avec les Verts, mais les grands équilibres devraient perdurer.
Pas de percée en faveur de Renaissance et une majorité sénatoriale qui resterait à droite, donc ?
Depuis la réforme du quinquennat, le Sénat s’est affirmé comme la seule chambre qui ne procède pas de l’élection présidentielle. Son rôle de contre-pouvoir est aujourd’hui renforcé par l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Nous avons une majorité sénatoriale unie dans la diversité, constituée de deux groupes solides. Vu l’état des relations de la majorité présidentielle avec les collectivités territoriales, je ne vois pas comment il pourrait y avoir un retournement. Mais j’inciterai fortement les sénateurs à faire campagne, à expliquer les enjeux, et à faire vivre la démocratie.
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