Aurélien Pradié : « La société du culte de la surperformance finit par écraser chacun »
Aurélien Pradié aime bousculer son camp. Candidat à la présidence des Républicains face à Eric Ciotti et Bruno Retailleau (3 et 4 décembre), le député du Lot et secrétaire général de LR compte bien en faire l’illustration.
Vos détracteurs au sein de LR estiment que vous incarnez « la droite socialiste ». Que leur répondez-vous ?
Je pense que la droite a perdu ce qui avait toujours fait son ADN : la force de l’imagination. Elle n’ose plus porter d’idées nouvelles, comme si elle avait peur de ce qui a pourtant toujours fait sa marque de fabrique. Si pour certains à droite, être libre dans ses convictions et vouloir sortir des sentiers battus, c’est être de gauche, c’est qu’ils ont oublié que la droite, c’étaient d’abord des aventuriers politiques capables d’audace. J’ai conscience de perturber les habitudes. Mais quand les habitudes sont des défaites durant dix ans, c’est un devoir salutaire d’en sortir. Regardons les moments où la droite a su convaincre les Français. Cela a été le cas en 1995 quand Jacques Chirac n’a pas eu peur de s’emparer de la fracture sociale. Cela a été le cas en 2007, quand Nicolas Sarkozy citait souvent Jaurès et faisait de la volonté de sortir des cadres un impératif et une espérance. Je renoue en réalité avec cela. Je me sens profondément de droite car profondément libre d’explorer des chemins abandonnés et pourtant essentiels.
Comment définissez-vous votre droite ?
La qualifier c’est déjà la réduire. Mais je dirai « populaire ». Mon ambition est de renouer avec tous les Français. Je veux que chacun d’entre eux mesure qu’il appartient à l’aventure nationale. Il faut en finir avec une droite qui a fait le choix politique d’abandonner une partie des Français et de ne plus parler plus qu’à de petites clientèles. Notre rente électorale fait moins de 5 %. Par nature, je n’aime pas la rente. J’aime le risque qui seul permet la réussite, y compris électorale. Je crois à une droite qui parle autant à l’ouvrier qu’au chef d’entreprise, au fonctionnaire qu’au salarié du privé. C’est sûrement plus compliqué que porter et porter encore les mêmes messages devenus inaudibles.
Votre droite est plus sociale que libérale ?
La droite populaire, c’est une droite qui a une obsession : la dignité de chacun. C’est aussi une obsession des libéraux, non ? C’est une droite de l’émancipation, de la réussite au bout de l’effort. Ce combat pour la dignité est au cœur de ce que sont les valeurs de notre nation. Le libéralisme est trop revendiqué par ceux qui ne l’abordent que sous l’angle économique. Mais le libéralisme, c’est aussi, et peut-être même d’abord, la question des libertés publiques, politiques, de la place de l’individu. Etre libéral, c’est aimer la liberté. Toute la liberté. Car au bout de la liberté, il y a la responsabilité. Je crois que l’on abîme l’idéal du libéralisme en le résument à la loi du marché. Marché qui lui-même est désormais plus souvent commandé par des monopoles et des dumpings en tous genres, que par une véritable liberté d’entreprendre et donc de réussite. Etre libéral, c’est aujourd’hui avoir le courage de s’interroger sur la société de l’hyper consommation, de l’hyper gaspillage, de l’hyper dégradation des prix. Le modèle économique qui consiste à produire et stocker massivement et mondialement a vécu. La course aux prix cassés a abîmé l’acte même de consommation. Il faut migrer vers un système de la production à la commande. C’est une révolution passionnante, profondément libérale et créatrice de nouvelles richesses relocalisées. Je refuse d’abandonner ces sujets stratégiques aux radicaux politiques en tous genres. De la même manière, questionnons la société du culte de la performance.
C’est-à-dire ?
Péguy disait : « Ce qu’il y a de petit c’est ce qu’il y a d’important. » La société du culte de la surperformance finit par écraser chacun, fait perdre tout sens à ce que l’homme fait. Je crois même que cela dévoie le modèle économique auquel nous croyons. Ne plus accepter les différences, c’est passer à côté de talents hors de la norme et pourtant riches pour une nation. L’attachement au travail, à l’effort, au métier bien appris et bien exercé, parfois lentement et patiemment, c’est l’inverse de la surperformance, de l’immédiateté et de la réussite éphémère. Le sens que l’on donne à son métier ne relève plus de la seule performance. Cette approche est en train de révolutionner l’emploi, notamment chez les plus jeunes. Je pense que c’est une chance pour redonner du sens et de l’avenir à la valeur travail. Depuis trop longtemps nous vivons dans une société qui fait semblant que tous les individus seraient les mêmes, avec les mêmes possibilités. En uniformisant les individus, notre époque s’achète une bonne conscience. Pour ceux qui ne sont pas dans la norme, on use et on abuse des systèmes d’assistance. Ce modèle qui fabrique de l’assistanat. On pense les rattraper et en réalité, on les marginalise un peu plus encore. C’est une faute. Il nous faut donc en sortir et faire en sorte que chacun trouve sa place, un sens au travail qu’il exerce, puisse s’émanciper par son effort. Il nous faudra sûrement réfléchir à faire évoluer nos contrats de travail et notre droit du travail pour mieux répondre à la liberté à laquelle aspire la jeune génération dans son emploi. Sans imagination, il n’y a pas d’avenir.
Le clivage droite-gauche est-il encore pertinent ?
Il y a une différence fondamentale entre ceux qui croient en l’émancipation de l’homme par la liberté et ceux qui croient en la soumission de l’homme par les dogmes. La gauche a perdu son âme en se rangeant dans un bidule conduit par Jean-Luc Mélenchon et ses inquisiteurs. La droite républicaine doit emprunter le chemin inverse. Face au défi climatique, je croirai toujours plus à l’innovation et la responsabilité qu’à la culpabilisation permanente. Le clivage à l’œuvre aujourd’hui est entre la droite qui croit en la responsabilité et la liberté et la gauche devenue radicale qui croit en la soumission, la punition, la culpabilisation. Quant à Emmanuel Macron, il aurait pu effacer les clivages s’il avait su incarner quelque chose. Or il n’a rien incarné, à part lui-même.
LR doit-il être le parti de la baisse des impôts ?
Oui. Mais avant la question de la baisse des impôts, il y a celle de la réduction des dépenses et des déficits. LR ne doit pas être le parti des slogans faciles. Notre priorité doit être l’assainissement de nos finances publiques. Pour cela, je propose que nous travaillions à un plan de remise à l’équilibre financier de nos systèmes d’assurance-chômage, de retraites et d’assurance-maladie en cinq ans. Ce sont trois systèmes qui ne peuvent pas être financés par de la dette, sauf à risquer leur effondrement tôt ou tard. C’est l’urgence. Mais toutes les dettes ne peuvent pas être considérées de la même manière. Débureaucratiser et investir massivement sur l’éducation et la santé par exemple, c’est redresser le pays et préparer son avenir. Le cloisonnement de nos dettes est plus qu’une mesure technique, c’est une méthode politique qui peut être efficace. Cinq ans pour assainir, cinq ans pour investir et redonner de la liberté.
On parle beaucoup de sobriété. Les plus riches doivent-ils faire plus d’efforts ?
Je n’aime pas beaucoup l’idée de sobriété car elle véhicule une culpabilité. Pour autant, il est clair que ce sont d’abord les plus modestes qui seront en première ligne quand nous aurons un problème d’accès à l’énergie chère ou à l’eau. Dans notre société, d’une manière générale, le travail laborieux et difficile doit être mieux récompensé. C’est pour cela que je propose une réforme des retraites qui se fonde sur le nombre d’années travaillées et non plus l’âge de départ légal. On ne peut pas vanter l’effort et le travail et porter une réforme qui le négligerait. Celui qui commence à travailler tôt, souvent dans des métiers physiquement lourd, doit partir tôt. Celui qui commence à cotiser tard, souvent dans des métiers moins physiques et mieux rémunérés doit partir plus tard. Aujourd’hui, un Français sur dix termine sa carrière professionnelle en invalidité. C’est socialement inacceptable, politiquement hypocrite et financièrement absurde puisque l’on transfère la charge de la retraite sur l’assurance-maladie. Une réforme des retraites doit avoir du sens et ne pas devenir un totem de pseudo-autorité réformatrice. Le sujet mérite mieux.
Un mot pour qualifier Laurent Wauquiez ?
Grimpeur.
Valérie Pécresse ?
Digne.
Edouard Philippe ?
Illusion.
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