Bruno Retailleau : « Stop au « en même temps » mémoriel »
La visite du chef de l’État en Algérie a montré une nouvelle fois les limites de ce mantra.
Pas un mot ! En se rendant à Oran la semaine dernière, Emmanuel Macron n’a pas eu un mot sur le massacre du 5 juillet 1962, au cours duquel 700 Européens ont été froidement assassinés par le FLN. Ce massacre, le président l’avait pourtant évoqué voilà quelques mois à l’Élysée, devant les représentants d’associations de Français d’Algérie.
Mais sur le lieu du crime, Emmanuel Macron n’a pas voulu. Ou pas osé, ce qui est pire encore. Car le silence présidentiel est une nouvelle preuve que le « en même temps » mémoriel est tout à la fois humiliant, injuste et dangereux pour la France.
Humiliant parce qu’à Oran et malgré sa prudence, Emmanuel Macron a été hué. À travers lui, c’est la France qui a été insultée. La France, dont le ministre du Travail algérien avait dit, en avril 2021, qu’elle était un « ennemi éternel et traditionnel » de l’Algérie. Pourtant, Emmanuel Macron aura tout fait pour complaire aux autorités algériennes. Il a multiplié les gestes de « reconnaissance », qu’il s’agisse de la mort d’Ali Boumendjel ou de celle de Maurice Audin. Il a même poussé la repentance jusqu’à l’indécence en évoquant, dès 2017, de soi-disant « crimes contre l’humanité » commis par la France en Algérie.
Mais cela n’aura pas suffi. Au contraire : plus la France bat sa coulpe, plus le pouvoir algérien bat des records de provocation antifrançaise. Ce doit être une leçon : à cultiver la honte de soi, on ne récolte que la haine des autres.
La vérité, c’est que les anciens caciques du FLN ne veulent pas d’un acte de réconciliation franco-algérien : ils veulent un acte de contrition français. Ils se moquent bien de faire toute la lumière sur le drame et les complexités d’une époque qui connut sa part d’ombre et sa part de lumière. Ils veulent imposer une vision de l’histoire à sens unique : l’Algérie était la victime et la France, son bourreau. Du reste, alors qu’Emmanuel Macron a annoncé l’ouverture des archives françaises, l’Algérie s’est-elle engagée clairement et formellement à ouvrir les siennes ? Nous attendons des actes. Combien de temps encore la France sera-t-elle l’otage de cette surenchère mémorielle qui permet aux autorités algériennes de masquer leurs échecs ?
À l’humiliation s’ajoute l’injustice. Injustice pour la France, car d’autres puissances ont, avant elle, colonisé l’Algérie : qui évoque aujourd’hui sa colonisation par les Ottomans et l’esclavage pratiqué à grande échelle pendant près de quatre cents ans ? Mais injustice, aussi, pour tous les Français tombés en Algérie. Car si à Oran, Emmanuel Macron n’a pas évoqué les populations martyrisées par le FLN, il s’est en revanche rendu à Alger au Mémorial des Martyrs algériens pour y déposer une gerbe. Les harkis et les pieds-noirs, que le président a reçus voilà seulement quelques mois, auront sans doute apprécié…
L’injustice est bien le fruit de cette politique macronienne qui sous couvert de dire la vérité est toujours à deux poids, deux mesures. Esprit de vérité tout relatif, en effet, quand le président de la République décide de confier un rapport sur la colonisation à Benjamin Stora, réputé pour sa partialité et sa complaisance à l’égard du FLN. Est-ce à cet historien très engagé qu’Emmanuel Macron envisage de confier le pilotage de cette nouvelle commission d’historiens français et algériens ? Si tel était le cas, ce serait une nouvelle provocation à l’égard de nos compatriotes pieds-noirs et harkis. Et une nouvelle illustration que rien de bon pour la France ne sortira de l’obsession mémorielle que nourrit Emmanuel Macron sur la guerre d’Algérie.
Car le premier devoir d’un président de la République, c’est de préserver l’unité française. Or, à souffler le chaud et le froid comme il le fait sur le drame algérien, à évoquer de supposés crimes de la France pour en suite mettre en cause la rente mémorielle utilisée par Alger, Emmanuel Macron ne reconcilie pas, il divise ; il n’apaise pas il excite.
La blessure algérienne est encore vive et le président de la République ne cesse d’en gratter les plaies. Cette attitude est irresponsable. Souvenons-nous : il y a déjà plus de vingt ans, lors du match France-Algérie, des milliers de supporters brandissant des drapeaux algériens avaient sifflé la Marseillaise et envahi la pelouse, au point que Thierry Henry avait dit : « C’était une rencontre à l’extérieur. »
Or, la France de 2022 est encore plus morcelée qu’elle ne l’était en 2001. Depuis, le communautarisme a gagné du terrain et l’islamisme, des quartiers entiers. Cet islamisme, nous les avons, a intégré la guerre d’Algérie comme un élément majeur de son récit antifrançais, qui structure et nourrit la haine de la France dans le cœur de milliers de jeunes habitants de nos quartiers. En jouant avec le feu mémoriel, Emmanuel Macron prend le risque inconsidéré de propager la guerre civilisationnelle. Dans le contexte actuel, ce n’est même plus une faute, c’est une folie.
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