Gérard Larcher : « Un changement d’attitude est nécessaire de la part du président »
Deux jours après le second tour des législatives, le président du Sénat prévient que le pays sera « difficile à gouverner » pour Emmanuel Macron, et l’invite à changer son rapport avec le Parlement, négligé, selon lui, durant le quinquennat précédent.
Gérard Larcher le dit sans tergiverser : la défaite « historique » infligée par les urnes à Emmanuel Macron au second tour des législatives est un « signal fort » pour celui qui vient tout juste d’être réélu à l’Élysée. Un camouflet dont il porte la responsabilité, selon le président du Sénat, troisième personnage de l’État. Cette alerte inédite doit être, selon lui, l’occasion donnée au président de la République de revoir son rapport au Parlement, négligé ces cinq dernières années.
Le président de la République n’a pas de majorité absolue. Quelles leçons tirez-vous de ce résultat ?
Nous avons assisté à une défaite historique, car jamais un président de la République ne s’était retrouvé dans une telle situation, et symbolique, car la plupart des grands responsables de sa majorité ont été battus, comme Richard Ferrand (président de l’Assemblée nationale) ou les deux présidents de groupes de la majorité (Christophe Castaner et Patrick Mignola). C’est un signal fort. Nous avions fait le bilan économique et social d’Emmanuel Macron, nous avons maintenant son bilan politique : il est le résultat de la verticalité de sa gouvernance, sa conception des relations avec le Parlement, avec les corps intermédiaires, les élus locaux, le fait de n’avoir pas tiré les conséquences après le Grand Débat de la crise des Gilets jaunes. Voilà les limites du « en même temps » : 72 députés LFI et 89 pour le RN. C’est aussi un succès historique au scrutin majoritaire pour le RN. Le front républicain a disparu.
Vous le déplorez ?
C’est une réalité, il faut regarder les faits en face. Le succès de la Nupes est relatif, car elle n’existe déjà plus. C’était une stratégie électorale payante, mais vide de sens politiquement. Concernant LR, les plus optimistes nous donnaient 50 élus, nous allons atteindre avec les apparentés 70 députés. Nous allons avoir une position décisive sur un certain nombre de sujets.
Alors, le pays risque-t-il d’être ingouvernable ?
Il risque d’être difficile à gouverner.
Comment Emmanuel Macron doit-il procéder ?
C’est à lui de faire des propositions. Mais rencontrer les chefs de parti devrait être une habitude. Il le fait aujourd’hui, contraint par le vote des Français. Nous verrons le sort que réservera le gouvernement à nos amendements, à nos propositions de loi, nous jugerons sur pièce.
Est-ce qu’il ne serait pas plus simple pour lui de dissoudre l’Assemblée nationale ?
Il en a la prérogative mais le peuple souverain vient de décider. Il faut se méfier des dissolutions de confort. J’en ai le souvenir d’une (sourire)… C’est vraiment en cas de blocage du pays que la Constitution a prévu cette porte de sortie, en redonnant la parole au peuple.
Le groupe des députés LR peut être central. Quel doit être leur attitude vis-à-vis de la majorité ?
La ligne a été rappelée : dans l’opposition, indépendants, clairs et responsables. C’est l’attitude qu’ils auront à l’Assemblée, c’est celle que nous avons au Sénat. Cela nécessitera un vrai travail entre nos deux groupes.
Vous allez être en mesure de forcer la main au gouvernement…
Nous allons être amenés à faire des propositions : sur le travail, le pouvoir d’achat, la sécurité, les questions migratoires, comme sur le retour indispensable à l’équilibre des finances publiques. Mais lors du précédent quinquennat, nous n’avons pas souvent été entendus. Un changement profond d’attitude est nécessaire de la part du président.
Le risque pour vous n’est-il pas de devenir des collaborateurs de la majorité ?
Nous sommes clairement dans l’opposition, nous avons critiqué le bilan du quinquennat, été élus sur un autre projet. Mais nous avons comme ligne de conduite l’intérêt de la France et des Français.
Pensez-vous que le président doit procéder à un changement de Premier ministre, comme l’a demandé Valérie Pécresse ?
Cette décision appartient au président de la République. La Première ministre n’est pas responsable de la défaite, c’est le président. Pour ma part, je souhaite le dialogue dans l’intérêt de la France.
Christian Jacob s’apprête à quitter la présidence de LR. Qui a le bon profil pour lui succéder ?
Je veux d’abord saluer son action. Il faut ensuite se poser la question de l’objectif : retrouver un espace politique entre un macronisme qui vient d’échouer et les deux extrêmes. Je pense cela est possible. Il nous faut démontrer que, le moment venu, nous serons la seule alternance possible. Chez Les Républicains, il y a un vrai désir d’incarnation du parti. Son président devra engager notre famille politique sur la voie de l’élection présidentielle de 2027.
C’est aussi ce que dit Christian Jacob qui, lui, prononce le nom de Laurent Wauquiez…
Il en a, bien sûr, les qualités, mais nous n’avons pas encore ouvert cette séquence. Je serai le défenseur de l’unité et du rassemblement.
Pendant la campagne des législatives, Nicolas Sarkozy a apporté son soutien assez clair à des candidats de la majorité présidentielle. Avez-vous été heurté ?
Il a fait ainsi le choix de quitter sa famille politique. Je le regrette, la page est tournée.
Faut-il travailler avec le futur groupe RN à l’Assemblée nationale ou maintenir une logique de « cordon sanitaire » ?
Nous n’avons pas la même histoire et ne partageons pas les mêmes valeurs, mais ce sont des élus de la République. La pratique républicaine dans les Assemblées consiste à considérer tous les élus avec un principe d’égalité et de respect. Ensuite, il y a un règlement à l’Assemblée nationale qui dit que le président de la commission des Finances doit être issu de l’opposition. Or, je constate que le RN est le premier groupe d’opposition. Donc, elle devrait lui revenir.
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