Valérie Pécresse : « Je veux que 95% des successions soient totalement exonérées »
Valérie Pécresse est profondément européenne. Elle prône une France forte dans une Europe puissante.
Quelle est votre réaction, à la suite de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine ? Les exigences de Moscou, notamment celle de bloquer toute intégration de l’Otan, sont-elles acceptables ?
Comme beaucoup, je suis très choquée par la violence et l’absence de fondement de cette guerre décidée par un dictateur solitaire, Vladimir Poutine. Je connais la Russie, je connais les Russes et leurs attaches à l’Europe et d’ailleurs aussi à l’Ukraine, cela ne rend que plus absurde à mes yeux cette guerre meurtrière. La sortie du conflit nécessitera le retour d’un dialogue et des concessions. Le président Zelensky a déjà indiqué qu’il renonçait à demander l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan.
Faut-il rester dans le commandement intégré de l’Otan ?
Oui, sans aucun doute.
Quelle est votre vision de l’Europe ? Croyez-vous à l’émergence d’une défense européenne ?
Je suis patriote et je suis européenne. Je crois en une France forte dans une Europe puissante. Nous devons contribuer à renforcer la capacité de l’Europe à décider, à investir, à protéger. Nous devons faire valoir les intérêts français en Europe et nous devons promouvoir des politiques européennes qui protègent les Européens, sans naïveté par rapport aux pôles de puissance concurrents ou aux grands acteurs privés américains ou chinois. Au moment où la guerre est de nouveau sur le territoire européen, il est important que l’Union européenne renforce sa capacité à prendre sa défense en main. Un pilier européen de défense doit émerger et se structurer. L’annonce du chancelier Scholz de consacrer 100 milliards de plus à la défense est ainsi cruciale. Je propose d’y répondre, car les moyens de la défense française sont trop échantillonnaires : au-delà de la loi de programmation militaire, nous devons, entre 2025 et 2030, accroître chaque année notre effort budgétaire, de sorte d’investir 108 milliards de plus entre 2022 et 2030 dans nos armées.
Le gouvernement a-t-il bien géré la crise économique liée à la pandémie ? Qu’auriez-vous fait de différent ?
Le « quoi qu’il en coûte » a eu des effets bénéfiques, mais il a été exagéré. Je pense qu’il faut toujours s’interroger sur les moyens et aussi trouver des solutions différentes sur le territoire. Le gouvernement y est venu progressivement, mais le premier confinement a été géré de manière excessivement uniforme, sans faire confiance aux acteurs locaux. On n’aurait pas dû arrêter l’activité économique dans tout l’ouest de la France. Le PIB a d’ailleurs beaucoup plus reculé en France qu’ailleurs en 2020, pour des résultats sanitaires qui n’ont pas été meilleurs.
Comment renforcer la croissance économique ? Pouvez-vous préciser vos mesures pour renforcer le pouvoir d’achat des ménages ?
Je veux une politique de l’offre puissante, libérale, afin de favoriser une croissance équilibrée ayant trois finalités : le pouvoir d’achat, l’emploi et le climat. Il faut travailler plus, libérer les initiatives des entreprises, mieux organiser l’Etat avec moins d’impôts et moins de normes qui ralentissent et alourdissent la prise d’initiative. La réduction des dépenses publiques est indispensable : la dette doit revenir à des niveaux plus soutenables, surtout en période de remontée des taux d‘intérêt. Plus d’une vingtaine de mesures visent à renforcer le pouvoir d’achat dans mon programme. Autour du travail : la hausse des salaires nets hors inflation, le développement de l’intéressement et de la participation, moins taxés, le rachat possible des RTT sans charges ni impôts, la possibilité de cumul emploi-retraite sans limite et sans délai. Autour de la famille, avec une politique très volontaire pour les familles accroissant de 4 milliards par an les différentes aides. Autour des retraites, avec une indexation plus rapide et plus forte des retraites à l’inflation et une revalorisation des pensions de réversion. Autour du logement, avec la généralisation sur tout le territoire du prêt à taux zéro ou la déduction de 50 % de la résidence principale pour le calcul de l’IFI (et non plus 30 %). Autour des investissements, avec un crédit d’impôt de 50 % pour les investissements de moins de 20.000 €, en prêt ou en capital, dans une entreprise située dans une ville de moins de 20.000 habitants. Ou encore avec un nouveau livret d’épargne permettant d’investir avec garantie en capital et liquidité permanente dans des fonds d’investissement dans l’économie française (Fief), fonds privés labellisés par une caisse de garantie publique.
Augmenter de 10 % sur cinq ans les salaires nets jusqu’à 2,2 Smic, comme vous le souhaitez, ne va-t-il pas contribuer à écraser l’échelle des revenus ?
Non ! Cette orientation touche les deux tiers des salariés. Et la première étape consistant, dès l’été prochain, à baisser d’un tiers les cotisations vieillesse (3 % dès 2023) profitera à tous les salariés quel que soit leur niveau de salaire, sans écrasement des revenus.
Le déclin démographique provoque déjà des pénuries de main-d’œuvre. Quelle est votre position sur l’immigration ?
Je suis inquiète à long terme du déclin de la natalité. Mais les pénuries de main-d’œuvre, avec plus de 6 millions de chômeurs qui cherchent un emploi à temps plein, ont plus à voir aujourd’hui avec l’inadéquation des compétences ou avec un système qui ne valorise pas assez le travail par rapport au chômage ou à l’inactivité. Nous devons rester un pays ouvert qui retrouve la maîtrise de son immigration. Nous aurons à voter des quotas d’immigration par pays et par métier : je crois qu’il y aura toujours besoin d’une immigration de travail, aux deux extrémités du spectre des emplois, peu qualifiés ou très qualifiés.
Vous souhaitez réserver les aides sociales non contributives et les allocations familiales aux Français et aux étrangers justifiant de cinq ans de séjour régulier en France. Cette mesure ne risque-t-elle pas de nuire à l’intégration des migrants ?
La réussite de l’intégration est importante. Elle passe par l’école, par le travail, par l’accès aux soins. Mais on ne doit pas venir en France pour toucher des allocations. Une immigration incontrôlée et une intégration ratée, ça peut disloquer une nation.
Quelle sera votre réforme des retraites ?
Je veux une réforme des retraites puissante, claire et juste. Pas d’usine à gaz comme le projet qu’Emmanuel Macron a lancé sans autre effet que de mettre le pays en rideau pendant deux ans. Il faut travailler plus parce qu’on vit plus longtemps, et je viserai donc un départ à la retraite à 65 ans à l’horizon 2030. C’est nécessaire pour sauver le système par répartition, pour rétablir un bon rapport actifs/inactifs et aussi permettre aux régimes complémentaires d’indexer les pensions. Mais je tiendrai compte de la pénibilité, du nombre d’années de cotisation, et je souhaite que, pour toutes les personnes ayant cotisé à taux plein, la pension soit au minimum au Smic net à l’issue de la réforme.
Quelle est votre position sur l’impôt sur la fortune (ISF) ?
Il est exclu de rétablir l’ISF ou d’établir, comme le propose Marine Le Pen, un impôt sur le patrimoine financier qui viendrait remplacer l’IFI. Ce serait une catastrophe pour les investisseurs financiers et pour le financement des entreprises.
Estimez-vous que les revenus des actionnaires sont adaptés ? Souhaitez-vous modifier la fiscalité sur les cessions d’actifs financiers ?
Je pense que la stabilité est importante en matière fiscale. Je ne modifierai ni le prélèvement fiscal unique ni les autres modalités fiscales des cessions d’actifs financiers.
La fiscalité des successions est-elle juste ? Que proposez-vous ?
Trop de patrimoines subissent encore une taxation qui oblige par exemple les héritiers à céder la maison de famille, qui est le cœur de l’héritage et le fruit bien souvent de toute une vie de travail. Je veux que 95 % des successions soient totalement exonérées dans notre pays, ce qui sera le cas en portant l’abattement par héritier en ligne directe de 100.000 € à 200.000 €. L’abattement en ligne indirecte, très faible aujourd’hui alors que le taux d’imposition est très élevé, sera porté à 100.000 €.
Pouvez-vous préciser ce dernier point ?
Chaque parent et chaque grand-parent pourra donner à chaque enfant ou petit-enfant jusqu’à 100.000 € en franchise de droits tous les six ans. Je veux un vrai choc de transmission dans un élan de solidarité intergénérationnel : beaucoup de Français ont vu leur épargne croître pendant la crise sanitaire et doivent pouvoir donner pour faciliter les projets de vie de leurs enfants et petits-enfants. En 2022, tous ceux dont le dernier don remonte à avant 2016 ou qui n’ont pas saturé les possibilités de don depuis 2016 pourront donner sans impôt. D’autant que le plafond pour les petits-enfants est très fortement augmenté, comme celui à 50.000 € pour les neveux, nièces, frères et sœurs.
Comment redresser la compétitivité des entreprises en contraction ? Souhaitez-vous diminuer la fiscalité des entreprises (IS) ?
A 25 %, le taux de l’IS est à un niveau qui doit rester stable. En revanche, il faut réduire les impôts de production qui frappent aveuglément la compétitivité, notamment des entreprises en difficulté.
Faut-il réduire la dette publique, excessivement élevée ? Comment ?
Oui, Emmanuel Macron a véritablement « cramé la caisse ». La dette a crû de près de 1.100 milliards d’euros en dix ans, et les trois quarts de cette augmentation n’ont rien à voir avec la Covid. Il faut arrêter les annonces électoralistes du président sortant et faire les réformes qu’il n’a pas pu ou voulu faire depuis cinq ans : réforme de l’Etat en supprimant le tiers des 1.500 organismes paraétatiques, en sabrant dans les codes obèses, en supprimant les aides ou subventions dont un audit a montré l’inefficacité ; décentralisation en supprimant les doublons et en clarifiant les compétences ; assurance-chômage, RSA et bien entendu retraites.
Quelles sont les grandes lignes de votre projet écologique ?
La priorité absolue est pour moi de remettre la France sur la trajectoire de la neutralité carbone en 2050. Notre pays a été condamné l’an dernier pour « inaction climatique », j’en ai honte ! Cela nécessite une politique énergétique sur deux jambes, une relance forte du nucléaire et un développement de toutes les énergies renouvelables, avec l’accord des populations concernées. Les politiques d’infrastructures de transport, de logement et d’industrialisation sont clés dans mon projet. Je veux une écologie des solutions et j’ai dégagé des ressources pour cette transition écologique coûteuse : je veux que la Caisse des dépôts soit autorisée à utiliser les fonds du livret A et du LDD, que je fusionnerai en un livret Vert, pour financer ces infrastructures à hauteur de 120 milliards d’euros.
Que comptez-vous faire pour l’éducation, la formation ?
En présentant ma candidature, en juillet 2021, j’ai dit qu’elle reposait sur trois piliers : la remise en ordre du pays dans la rue et dans les comptes, l’écologie et l’éducation. Je veux mobiliser toutes les énergies pour reconstruire une nation éducative. Il faut mettre l’accent sur l’apprentissage des fondamentaux, mathématiques et français, créer un examen avant l’entrée en sixième et des sixièmes de consolidation pour les élèves ayant un retard à rattraper, remettre les maths dans le tronc commun de la première et de la terminale. Les établissements publics doivent avoir plus d’autonomie, jusqu’à pouvoir recruter librement leurs professeurs dans les établissements innovants que je veux créer. Il faudra aussi mieux rémunérer les professeurs qui s’engagent et constituer une réserve éducative constituée de retraités et d’étudiants rémunérés pour apporter un service gratuit d’aide aux devoirs et faciliter les remplacements au pied levé.
Pouvez-vous préciser la forme que prendra le « revenu jeune actif » ?
Comme en lle-de-France, le revenu jeune actif permettra de rémunérer 670 € par mois un jeune, mais à la condition qu’il suive quinze heures par semaine une formation qualifiante dans un secteur qui recrute. C’est très différent du contrat d’engagement jeune de M. Macron, qui consiste à verser de l’argent aux jeunes sans réelle obligation, avec un premier versement le 31 mars, dix jours avant le premier tour…
Vos propositions pour les allocations familiales ?
Je veux une politique familiale ambitieuse, notamment parce que le chiffre de cinq naissances a baissé de 11 % en dix ans. J’instaurerai donc une allocation de 900 € par an (75 € par mois) dès la naissance du premier enfant, et jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Les allocations pour les familles de deux et trois enfants seront augmentées de 15 %, et le crédit d’impôt pour aide à domicile sera doublé pour permettre de prendre en charge 50 % d’un emploi à temps plein.
Vous avez l’intention de mettre fin au logement social à vie en instaurant un bail de six ans uniquement. Est-ce réaliste ?
Ce bail sera renouvelable, mais il est juste que les conditions d’éligibilité au logement social soient vérifiées avant le renouvellement. Cette nouvelle politique s’appliquera dès mon élection aux nouveaux baux conclus dans le logement social, pas aux baux existants.
Quelles sont vos propositions sociétales (euthanasie, adoption facilitée, etc.) ? Etes-vous favorable à la gestation pour autrui (GPA) ?
Les inégalités devant la fin de vie sont un scandale. La loi Claeys-Leonetti prévoit une sédation terminale, afin de partir sans souffrir : or, aujourd’hui, il n’y a que 30 % des familles qui ont accès à ces soins palliatifs ! Ce que je veux, c’est développer la culture palliative partout en France, chez tous les médecins généralistes, dans tous les territoires et qu’on aille jusqu’à permettre la fin de vie à domicile. Car je suis persuadée que, ce que veulent les Français, c’est partir sans souffrir, dignement et entourés de leurs proches. Et je pense que cette loi résoudrait déjà, si elle était vraiment appliquée, une très grande partie de cette question douloureuse qu’est la fin de vie. En ce qui concerne la GPA, j’ai toujours répété mon opposition irréductible à la marchandisation du corps humain, et donc à la gestation pour autrui.
La concentration des médias est-elle problématique ?
Je suis très attachée à la liberté de la presse, qui est, on le voit aujourd’hui en Russie, une condition essentielle de la démocratie. L’émergence de nouveaux titres ou de nouveaux médias est toujours une bonne nouvelle, et je crois qu’il faut être très vigilant avec la puissance des groupes de médias et de leurs propriétaires.
Condamnez-vous les menaces à l’encontre de la journaliste Ophélie Meunier après l’enquête de Zone interdite sur l’Islam radical ?
Je suis scandalisée par les menaces dont fait l’objet Ophélie Meunier, qui a toute ma solidarité et tout mon soutien. La menace islamiste n’a pas disparu. Je propose dans mon projet des mesures de rétention contre les terroristes après leur sortie de prison. La consultation des sites djihadistes deviendra un délit pénal et la radicalisation deviendra une cause réelle et sérieuse de licenciement dans le secteur public comme dans les entreprises.
Que dire aux lecteurs d’Investir pour les inciter à glisser un bulletin « Valérie Pécresse » dans l’urne, le 10 avril ?
Je crois que les lecteurs d’Investir apprécient les sociétés dont les dirigeants disent ce qu’ils vont faire et font ce qu’ils avaient dit. Avec moi, c’est ce qu’ils auront en politique ! Les six électeurs franciliens le savent : je respecte mes engagements et je suis préoccupée de l’efficacité de mon action politique. Je veux des résultats, concrets, tangibles, mesurables ! Je me bats tous les jours dans ce but et c’est pour cela que j’en obtiens !
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