Philippe Juvin : « Il n’y a jamais eu d’anticipation »
Le conseiller santé auprès de Valérie Pécresse s’inquiète d’une situation sanitaire qu’il juge « hors de contrôle » en France.
Omicron progresse tous les jours en France. Êtes-vous inquiet ?
La situation est hors de contrôle. Mais a-t-elle déjà été sous contrôle ? Très clairement, le nombre de cas explose. L’exécutif a décidé de laisser filer l’épidémie sans le dire. Il tente d’accréditer l’idée qu’il gérerait mieux l’épidémie qu’ailleurs. C’est faux. Nous avons plus de cas que nos voisins, nos personnes très âgées sont insuffisamment vaccinées, on séquence très peu et on teste moins qu’en Grande-Bretagne. Il n’y a jamais eu d’anticipation. Les mesures sont trop tardives ou jamais prises. S’il prétend s’appuyer sur la science, le gouvernement prend beaucoup de décisions sans base scientifique. Par exemple, aucune étude ne justifie l’obligation du masque à l’extérieur (sauf dans les zones bondées). A contrario, le masque FFP2 filtre et protège beaucoup mieux : il devrait être recommandé davantage et il ne l’est pas.
L’école est l’un des principaux foyers de contamination. Que peut-on améliorer ?
L’école est la parfaite illustration de la mauvaise gestion de l’épidémie. Valérie Pécresse avait proposé de décaler la rentrée d’une semaine pour permettre à tous les acteurs d’être prêts. Elle n’a pas été écoutée. Depuis le 3 janvier, la pagaille est immense : des files d’attente de parents avec leurs enfants devant les pharmacies et un protocole changé trois fois en dix jours. Il aurait fallu se concerter avec les parents, les enseignants et les élus locaux. Il faut évidemment laisser les écoles ouvertes mais en se donnant les moyens de leur sécurisation : ventilation et tests. En Allemagne, l’État pour la ventilation des bâtiments. En tant que maire, je n’ai même pas reçu de conseils pour savoir quel matériel acheter. Mais il faut aussi tester différemment et systématiquement. En Angleterre, depuis mars dernier, collégiens et lycéens font deux autotests par semaine chez eux. S’ils sont positifs, ils ne vont tout simplement pas à l’école. Chaque fois que j’ai posé la question, le gouvernement m’a assuré que ça allait être fait. C’est le règne de la parole magique : parce que c’est annoncé, c’est effectif. Autre exemple : le 5 janvier, Boris Johnson indiquait qu’en décembre, 10 millions de tests avaient été faits par jour en moyenne, en Grande-Bretagne. En France, Gabriel Attal en promettait 10 millions par semaine. Et pourtant Jean Castex et Olivier Véran clamaient à l’Assemblée que nous étions le pays qui testait le plus. C’est par la répétition de ce type d’affirmations fausses qu’on ruine la crédibilité de la parole publique et la confiance des citoyens.
Les exemples à l’étranger laissent néanmoins penser qu’Omicron serait moins dangereux…
Il faut être prudent. Il y a proportionnellement moins d’hospitalisations avec Omicron, mais est-ce parce qu’il est moins grave ou parce que nous sommes vaccinés ? Il reste que la masse de gens contaminés avec Omicron est telle que le nombre total d’hospitalisations augmente. Quant à Delta, il n’a pas disparu. Avec 12 à 13% de Delta résiduels et une population infectée quotidienne totale de 300 000, ça représente 30 000 cas. Ensuite, on ne connaît pas les effets à long terme d’Omicron, notamment neurologiques. Laisser circuler le virus n’a donc rien d’anodin. Enfin, le gouvernement évite de parler d’un sujet grave : la vague de mortalité de tous les patients qui n’ont pas le Covid – cancers, maladies du cœur ou psychiatriques – et qu’on ne peut pas traiter faute de personnel ou de place. Le British Medical Journal évoque plusieurs milliers de morts de cancers supplémentaires dans les cinq ans à venir en Grande-Bretagne faute de prise en charge précoce. Déjà les cancérologues de mon hôpital m’expliquent qu’ils revoient des formes évoluées de cancer qui avaient disparu. Une augmentation significative de la mortalité des cancers du sein, de la prostate et de l’intestin est à craindre pendant dix ans. Il faut une stratégie nationale pour les traiter.
Le système hospitalier peut-il tenir ?
Il est déjà en train d’exploser, il y a des gens que l’on ne soigne plus. Il faudrait ouvrir des lits comme l’a fait la Grande-Bretagne, et mieux faire fonctionner le public avec le privé. Rien n’est pensé, tout est désorganisé. À la désorganisation se mêle le sentiment d’abandon du personnel soignant avec une immense déception après le « Ségur ».
Olivier Véran annonçait que la vague actuelle pourrait être la dernière. Partagez-vous ce constat ?
Aucune base scientifique ne permet de l’affirmer. Seulement l’approche des élections, c’est purement électoraliste. Tant qu’on n’aura pas vacciné le monde entier, on aura des usines à variants.
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