Bruno Retailleau : « Je suis prêt à continuer et à terminer mon travail à Beauvau »
Le ministre de l’Intérieur démissionnaire plaide pour la nomination d’une personnalité de droite à Matignon.
Quelles leçons tirez-vous de la chute du gouvernement ?
Jusqu’au bout, j’ai cru que nous resterions dans un cadre rationnel. Qui aurait pu imaginer que le RN mêle ses voix aux Insoumis ? Qui aurait pu imaginer que Marine Le Pen voterait une motion de censure qui insulte son propre parti ? La domination idéologique de LFI, qui vise le chaos, est contagieuse. Moi, contrairement au RN, je ne me soumettrai jamais aux Insoumis.
La faute originelle n’est-elle pas la dissolution ?
J’ai toujours indiqué que cette dissolution était inexplicable.
Emmanuel Macron doit-il démissionner ?
C’est ce que cherchent les artisans du chaos qui se sont illustrés hier. Je suis gaulliste : je reste attaché aux institutions de la Ve République. Penser un seul instant qu’une motion de censure puisse entraîner la démission du président est absurde sur le plan constitutionnel et dangereux sur le plan politique. Nous ne devons pas céder à la mécanique insurrectionnelle de ceux qui veulent envoyer la Ve République à l’échafaud.
Le RN, qui se rêve en « parti de gouvernement », est-il selon vous populiste ?
Clairement. Marine Le Pen a ruiné dix années de responsabilisation en cédant à une mélenchonisation de son parti. Par son vote, elle a apporté à Jean-Luc Mélenchon un triomphe sur un plateau d’argent.
De Jean-François Copé à David Lisnard, certains LR réclament pourtant la démission du président…
Je les mets en garde. Dynamiter les digues institutionnelles est toujours dangereux.
Michel Barnier a-t-il péché par naïveté dans ses négociations avec le RN ?
Michel Barnier a toujours indiqué qu’il ne voulait pas se comporter de façon sectaire. Il a eu raison de tendre la main à toutes les forces politiques, y compris au RN, qui représente 11 millions d’électeurs. C’est un homme d’État, droit et sincère, dont l’objectif était de tout faire pour éviter à notre pays le chaos économique et politique.
Après trois mois à Beauvau, quel bilan tirez-vous de votre action ?
Je n’ai pas seulement théorisé une ligne, je l’ai appliquée. Je savais parfaitement qu’il n’y avait pas de majorité au Parlement. Mais je savais aussi que les Français voulaient majoritairement une politique de fermeté. J’ai eu deux mois pour mener cette politique de la majorité nationale et j’ai déjà des premiers résultats. Quand je suis arrivé à Beauvau, je me suis promis de ne jamais m’installer dans cette espèce de torpeur que peut produire le pouvoir. J’ai voulu bousculer les conformismes et l’immobilisme, parler vrai et agir vite. Cette liberté est ma force. Je me fiche de la bien-pensance, du politiquement correct et je me suis adressé directement aux Français. Quand on parle vrai, quand on est sincère, on est compris et on est suivi.
Souhaitez-vous rester à Beauvau ?
Depuis la motion de censure, nous sommes face à des risques majeurs de chaos. Dans ces conditions, celles et ceux qui sont attachés à l’intérêt supérieur de la nation, ne peuvent pas se contenter de se planquer. Quand on est un responsable public, on ne fuit pas ses responsabilités. La droite ne doit pas fuir ses responsabilités. Je suis prêt à continuer et à terminer mon travail à Beauvau, si je dois y rester. Mais il est évident qu’il y a des conditions dans lesquelles je refuserai ma participation au gouvernement.
Lesquelles ?
La nomination d’un premier ministre de gauche. Je ne travaillerai pas avec la gauche, qui s’est compromise en votant comme un seul homme la motion de censure scandaleusement rédigée par LFI. Le mélenchonisme, c’est la gauche la plus archaïque d’Europe.
Vous plaidez pour un premier ministre de droite ?
Oui, parce que la France est a droite. Le général de Gaulle avait une définition simple de la politique : c’est action pour un idéal a travers des réalités. Sans l’idéal, la politique verse dans l’opportunisme. Et, sans l’action, elle s’abime dans l’impuissance. Je veux montrer que, lorsqu’on met en oeuvre ses convictions, on est efficace.
Les Républicains doivent-ils censurer tout ministre LFI ou tout gouvernement NFP ?
Nous sommes entrés au gouvernement pour faire barrage a cette gauche ! Les Républicains devraient donc censurer n’importe quel premier ministre qui voudrait appliquer tout ou partie du programme délirant du NFP.
Vous dites que vous refusez d’entrer dans un gouvernement de gauche. François Bayrou est-il de gauche ?
Force est de constater que François Bayrou n’a jamais soutenu la droite lors des dernières présidentielles. Mais je reconnais aussi qu’il n’a jamais pactisé avec le NFP.
Emmanuel Macron doit-il renommer Michel Barnier pour aller vite ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je ne suis pas certain que c’est ce que souhaite Michel Barnier. Je veux lui rendre hommage, car c’est grâce a lui que j’ai pu mener cette politique d’autorité et de fermeté. Le président doit en tout cas agir vite, car le risque d’une crise financière est majeur. Nous dansons sur un volcan. Puisqu’il n’y a pas de majorité au Parlement, il faut tout de suite définir une politique de la majorité nationale autour de quelques sujets d’intérêts vitaux. Avoir le courage d’une politique de l’évidence autour de l’ordre, donc moins d’immigration et plus de sécurité. Autour du mérite, pour que le travail paie plus que l’assistanat. Et autour de repères, avec une école qui transmet, une nation qui rassemble et une République qui assimile. Je n’ai pas peur de ce mot.
Vous imaginez donc Retailleau à Beauvau, Wauquiez à Bercy, Attal à l’Education… ?
Oui. Et pourquoi pas Manuel Valls, qui est un républicain exemplaire. Avec un tel gouvernement, guidé par l’intérêt national, certains s’y reprendront a deux fois avant de censurer.
Et Didier Migaud a la Justice ?
J’ai du respect pour Didier Migaud. Mais j’ai toujours dit a Michel Barnier qu’on ne pouvait pas me demander des résultats si on ne changeait pas de politique pénale, en particulier sur la violence des mineurs.
Participerez-vous à la « refondation de la droite », mission confiée à Laurent Wauquiez ?
Au ministere de l’Intérieur, j’ai voulu prouver que la droite, dans l’exercice des responsabilités, peut appliquer sereinement et fermement ses convictions, plutôt que de les abdiquer. Et c’est le même objectif que poursuit Laurent Wauquiez, dans son entreprise de refondation de notre parti.
Reste-t-il le présidentiable légitime de la droite ?
La France est au bord du gouffre. Nous ne sommes pas dans le temps de la présidentielle. Mais nous avons, avec Laurent Wauquiez, la même vision de la refondation du pays et de la droite française.
Les cadres du « socle commun » devraient-ils réfléchir ensemble a une candidature unique ?
La situation du pays est dangereuse et le temps est a l’action. N’oubliez pas qu’il y aura, avant 2027, des élections municipales et sénatoriales. Nous nous poserons les bonnes questions au bon moment.
Faut-il rassembler « la droite et le centre » pour éviter un duel Mélenchon-Le Pen ?
Si nous prenons nos responsabilités, en rétablissant l’ordre et en retrouvant une crédibilité budgétaire, alors nous éviterons ce duel qui est une impasse. La droite
peut et doit l’empêcher.
Comprenez-vous la relative discrétion d’Emmanuel Macron ?
Cette distance est légitime. Nous étions dans une situation de coexistence loyale, dictée par la situation politique et l’esprit des institutions : le président préside et le gouvernement gouverne. La politique que j’ai menée à Beauvau fut d’abord celle du premier ministre et du gouvernement.
Avez-vous trouvé le « socle commun » à la hauteur des enjeux ?
Dans une situation d’urgence, des formations politiques qui s’étaient affrontées devaient se rassembler. Cela prend du temps et il était impossible de le faire dans des délais si courts. En termes de cohésion, nous pouvons évidemment mieux faire. Et nous devrons faire mieux.
Vous avez lancé de nombreux chantiers. Où en sont-ils ?
En seulement deux mois, nous avons fait bouger les lignes. Sur l’immigration, d’abord, en obtenant de nos partenaires européens une réécriture de la directive retour, en négociant des engagements sur les laissez-passer avec le Maroc, en donnant des instructions de fermeté aux préfets pour qu’ils éloignent un maximum d’étrangers n’ayant rien à faire en France. Les premiers résultats sont encourageants. Rien que sur la lutte contre l’immigration irrégulière, les interpellations ont augmenté de 21,3 % sur le mois d’octobre, et les éloignements aidés, de 26 %. Concernant la sécurité, je me suis battu, auprès du premier ministre et du garde des Sceaux, pour qu’on remobilise l’Etat contre le narcotrafic : un texte est prêt, travaillé avec le Sénat. Il doit étre adopté pour qu’on lutte à armes égales contre le crime organisé. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. J’y suis prêt.
>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr
L’article Bruno Retailleau : « Je suis prêt à continuer et à terminer mon travail à Beauvau » est apparu en premier sur les Républicains.